Chapitre 17 - Elle

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Assis sous le porche de la maison, je désinfecte sa main. Plus je nettoie, plus je découvre de cicatrices sur ses phalanges. Des cicatrices récentes, parce que ce n'est pas la première fois qu'il fait ça. 

— Tu m'expliques? je lui demande doucement.

Un soupir las s'échappe de ses lèvres, mais j'attends.

— J'ai un peu de mal avec les miroirs ces derniers temps, élude t il sans jamais croiser mon regard.

Je termine ma tâche et repose sa main sur sa cuisse. Je fouille ma trousse et y trouve ce que je cherche. Je lui tends le petit carré qu'il ne prend pas, me jetant un regard noir. Je ne tiens pas compte de sa menace silencieuse et lève le miroir devant moi, face à lui.

— Qu'est ce que tu vois derrière le miroir?

— Toi! 

— Théo! Fais un effort.

— Je t'assure que la seule chose qu'il y ait derrière ce miroir ... c'est toi, rigole t il.

Au moins, il ne fait plus la tête. Je lève les yeux au ciel avant de lui fourrer la glace entre les mains. Fronçant les sourcils, il se laisse guider et je lève ses bras pour placer le miroir face à moi.

— Qu'est ce que tu vois derrière ce miroir? je demande à nouveau.

Ses mâchoires se crispent, il déglutit et finit par lâcher :

— Une femme forte, indépendante, un peu folle et casse pied mais terriblement sexy.

Mes joues me brûlent, mais je tente d'en faire abstraction et continue mon petit jeu.

— Moi quand je regarde ce miroir, je vois une petite fille constamment effrayée et sans avenir.

Ses bras se baissent et le cheminement commence à se faire dans son esprit. Je reprends le miroir que je place à nouveau face à lui.

— Qu'est ce que tu vois?

— Un assassin cruel et sans cœur.

— Moi, je vois un homme sincère, juste, bienveillant et protecteur. Un jour, tu verras toi aussi Théo derrière ce miroir et tu laisseras le reflet d'Alexander de côté. Laisse les gens qui t'aiment te montrer ce qu'il y a derrière. 

— Tu n'as pas idée de ce que j'ai fait ces 4 dernières années...

— La vie n'est pas toute blanche ou toute noire, parfois il y a des périodes grises, c'est comme ça. Tu as fait ce qu'il fallait pour rester en vie et aujourd'hui les plus grands criminels du pays sont derrières les barreaux grâce à toi. Ca ne soulage surement pas ta conscience mais c'est ça qui m'empêche de voir Alexander et qui m'aide à découvrir Théo. A toi de voir si tu veux encore laisser une place au premier ou si tu décides de le laisser derrière toi.

— On t'a déjà dit que tu aurais dû faire psy? 

Je rigole quand sa main vient caresser ma joue avec tendresse. Mes yeux dérivent sur ses lèvres pleines, je mords la mienne avec envie. Son pouce dessine le contour de ma joue avant de venir la libérer de mes dents. Quand je relève les yeux vers lui, ses pupilles sont dilatées et me fixent sans ciller. Je ne sais pas lequel se penche vers l'autre en premier, mais nos lèvres sont de plus en plus proches. Je me relève brusquement quand la porte dans mon dos s'ouvre sur Valmir. La main bandée de Théo retombe mollement sur sa jambe.

— Euh ... désolé... j'ai interrompu quelque chose?

— Je vais prendre une douche, j'annonce en me relevant. 

Mal à l'aise par la situation, je reste bien plus que nécessaire dans la salle de bain. Malheureusement, je ne peux pas y dormir et je suis bien obligée de retourner à la réalité. Je décide d'aller directement dans la chambre, pour m'éviter une confrontation avec Théo. Allongée depuis de longues minutes sous la couverture, j'entends l'un des garçons frapper à la porte. Faire la morte ne fera que retarder l'inévitable. 

— Oui?

La porte s'ouvre sur Théo. J'aurais presque préféré les moqueries de Valmir pour ce soir. 

— Pour tout à l'heure ... commence t il en regardant ses pieds.

— C'était stupide, je le coupe.

Son visage se lève vers moi et me sonde un instant.

— Euh ... ouais.. c'était stupide, répète t il les lèvres pincées. Content qu'on soit sur la même longueur d'onde. Bonne nuit Harper.

Il s'en va aussi vite qu'il est venu et je me sens mal. Il n'y avait rien de stupide dans ce rapprochement et j'en avais terriblement envie. Mais je sais aussi que dans quelques jours, je devrai à nouveau m'enfuir, changer d'identité, de ville, de vie. C'est comme ça depuis si longtemps que parfois, moi aussi j'ai du mal à me retrouver avec moi même. 

Ma nuit est agitée et je me réveille de mauvaise humeur. De toute évidence je ne suis pas la seule, puisque Théo ne daigne même pas m'adresser la parole. Valmir mal à l'aise entre nous, se dandine sur sa chaise comme un enfant. 

— J'ai pensé à un truc que Larry a dit...

Théo relève la tête vers son collègue et ami, attendant la suite.

— Les supérieurs ont refusé de nous mettre sur l'affaire des Irlandais ... Mais ... et s'il n'y avait aucune affaire en cours sur les Irlandais?

— Comment ça?

— Et si Larry nous avait envoyé justement parce qu'aucune affaire n'a été ouverte sur les Irlandais. Après tout, c'est le seul Cartel qui n'a pas été arrêté. 

— Parce que Razine a fait sauté leur entrepôt, lui rappelle Théo.

— Ouais, mais il n'y avait pas qu'eux et tu le sais.

— Tu penses qu'il nous a envoyé pour faire le ménage?

— Peut être ... Walsh a encore beaucoup d'influence depuis sa prison. Peut être espère t il que les russes s'occuperont de leur leader pendant qu'on s'occupe des sous fifres. 

— Quelqu'un peut m'expliquer? je demande en les regardant tour à tour sans comprendre.

— Si la théorie de Valmir se confirme, on va bientôt avoir la visite des Irlandais et Larry compte sur nous pour tous les éliminer en attendant que les russes et les irlandais s'entretuent en prison, m'explique Théo.

— Mais ... Larry n'est pas censé vous protéger? 

— Les missions ont toujours été prioritaire sur ses hommes, tout le monde le sait. Ce qui fait de lui le gradé avec le taux de réussite le plus élevé. 

— C'est dégueulasse, je m'indigne.

— Si on a de la visite, cela voudra dire qu'il a laissé fuiter la localisation de notre planque. Planque qui appartient à la DEA... Il m'avait prévenu que je ne pourrais pas compter sur lui sur cette affaire. Il faut qu'on se tienne prêt.  

DERRIERE LE MIROIROù les histoires vivent. Découvrez maintenant