L'Étincelle des Ombres - La Trilogie Sans-Frontière 1

15. Kaede - 2024.

Kaede tourna une dernière fois le volant et engagea sa petite voiture dans l'allée d'arbres blanchis qu'elle connaissait à présent bien. Elle grimaça, les côtes encore douloureuses, et prit une respiration contrôlée pour ne pas perdre pied à nouveau. 

Ils avaient presque failli mettre enfin la main sur Shirai Sei, si son ancien ami n'avait pas décidé de pointer le bout de son nez. Cette fouine de Koen l'avait mise dans une telle rage que Kaede avait explosé, ses ombres ruisselantes de colère. Elle avait certes blessé le garçon, mais il s'était encore une fois joué d'elle. Après lui avoir brisé plusieurs côtes, il s'était inséré dans son esprit avec la même facilité qu'avant, et ça énervait encore plus Kaede, de se rendre compte qu'il pouvait toujours avoir une telle emprise sur elle. 

Elle avait beau savoir qu'elle ne pouvait rien faire contre un tel pouvoir, que c'était hors de ses capacités, elle ne pouvait s'empêcher de s'en vouloir de s'être fait manipuler.

Kaede fronça les sourcils à l'approche de la clinique qu'elle visitait régulièrement. Une Toyota noire luxueuse neuve y était garée. La traqueuse se mit directement sur ses gardes. Et si... ? Ni une ni deux, la jeune femme se gara et enclencha le frein à main, la fureur prenant déjà possession d'elle. Elle quitta son véhicule et courut jusqu'à la clinique. 

A quelques pas de la porte gisait le corps d'Oruza, l'élémentaliste de l'Organisation fraichement recruté. Kaede se précipita à ses côtés pour s'assurer qu'il était toujours en vie. La respiration tranquille, le jeune homme dormait paisiblement, et les doutes de Kaede se confirmèrent : Koen avait bien franchi le seuil de la clinique. 

Kaede se précipita dans l'entrée et ferma la porte le plus silencieusement possible derrière elle. Koen avait probablement déjà senti sa présence, mais la maîtresse des ombres ne voulait rien laisser au hasard. Le silence pesait sur les lieux mais Kaede attendit. 

Un élan de peur qui ne lui appartenait pas s'empara de la jeune fille, suivi par un sentiment d'incompréhension totale. 

Elle plissa le front, et tendit l'oreille quand elle perçut un gros bruit à l'étage accompagné de voix.

— ÇA VA PAS LA TETE ?! s'écria une voix féminine que Kaede reconnut comme étant celle de Michiko.

— J'ai fait ce que j'avais à faire, répondit la voix de Koen, et Kaede commença à paniquer.

— Vous l'avez..., commença une voix que Kaede crut reconnaître comme étant celle de Shirai Sei lui-même. Tu l'as tué ? finit-il d'une voix d'outre-tombe.

— J'avais pas le choix, mais j'ai eu l'info, répondit Koen, peu perturbable, et Kaede crut sentir le sol s'ouvrir sous ses pieds.

Elle fut prise d'une peine immense, une de celles qu'elle avait rarement connues. Si Kento n'avait pas été une figure paternelle à proprement parler, il avait été une sorte d'ange gardien aux allures démoniaques pour la jeune fille. 

Dieu seul savait où elle aurait fini s'il n'était pas allé la chercher dans cet orphelinat. Kaede serait devenue folle à lier sans l'Organisation. Il lui avait donné une place, un couvert, un lit, et elle avait connu grâce à lui des personnes sur lesquelles elle comptait. Et même si Kento n'était plus vraiment là, l'ombre de l'homme qu'il avait été était toujours présente. 

Mais plus maintenant, et c'était encore la faute de Koen.

Kaede enjamba les escaliers quatre à quatre. Les larmes aux yeux, elle laissa évacuer sa foudre, toutes ombres dehors. Elle se précipitèrent, survoltées. Kaede entra dans la chambre et aperçut le visage surpris de Koen, qui n'avait apparemment pas senti son esprit.