5. Ryo - 2024.

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Il avait l'impression que ça faisait des heures qu'il était planté là à attendre un quelconque résultat, Ryo en avait plus qu'assez. Il essaya une nouvelle fois de tirer les vers du nez de la jeune fille attachée à la chaise, qui pleurait toutes les larmes de son corps.

— Ecoute Tamano... on ne va pas passer par quatre chemins. Tu touches la toile, tu me dis le bla bla habituel, on en parle plus jusqu'à la prochaine. En attendant, ton amoureux reste en vie. C'est plutôt simple, non ?

La jeune fille se contenta de pleurer encore plus fort, et Ryo roula des yeux. Il se demandait parfois où était passée sa compassion. Après tout, si c'était une personne qu'il aimait entre les mains de Kaede et ses ombres maléfiques en ce moment-même, il aurait retourné l'entrepôt sans dessus dessous. 

Mais il avait vu et fait tellement de choses que sa propre humanité s'échappait parfois par le trou de la serrure.

— Tu ne veux pas que Kaede lui fasse du mal, n'est-ce pas ? tenta-t-il une nouvelle fois.

— Non, pleura Tamano.

— Alors touche la toile.

— Mais je...

— TOUCHE LA TOILE, BON SANG ! cria Ryo, franchement agacé.

Les panneaux accrochés au mur du sous-sol tremblèrent et quelques outils tombèrent dans un grand fracas. Tamano trembla d'autant plus et Ryo se força à se calmer.

— Excuse-moi, excuse-moi..., mais j'ai besoin que tu me dises. J'ai pas dormi depuis trente-deux heures et le patron veut des résultats... alors fais marcher ta magie, capiche ?

Tamano observa la toile. Un énorme cratère, rien de plus. 

Ryo suivit son regard. Cela faisait des mois que Tamano avait « rejoint » leur Organisation, après avoir été traquée, elle et son amoureux Frontière. Le don de la jeune fille était une bénédiction pour eux. Ils suivaient d'habitude les champs magnétiques des Sans-Frontières pour les retrouver et les convaincre ou les forcer à les rejoindre, mais Tamano les aidait à les géocaliser bien plus rapidement. 

Cependant, malgré ses prouesses, Shirai Sei leur échappait encore et toujours, et le patron perdait patience. A la réunion du jour, il avait parlé de partir à la poursuite d'une autre Sans-Frontière que Ryo s'était promis de protéger, et il n'avait donc pas du tout apprécié la tournure des événements. 

Il avait gardé le silence pour ne pas éveiller les soupçons de son responsable, mais il faisait maintenant tout son possible pour qu'ils trouvent la trace de Shirai Sei au plus vite, afin de les éloigner le plus possible d'Elle...

— Je... qu'est-ce que vous allez lui faire ? Vous ne voulez jamais me dire..., dit Tamano.

Ryo ne savait pas quoi lui répondre pour la rassurer, alors il choisit d'être franc.

— Probablement le presser comme un citron pour qu'il dévoile chacune de ses visions, déclara-t-il.

Parfois, il se demandait comment il arrivait à sortir des choses aussi atroces. Voilà ce que ça faisait, dix ans dans l'Organisation. Qu'est-ce qu'Elle dirait, si Elle le voyait ? Probablement un tissu d'insultes, et elle aurait raison.

— Comme vous faites avec moi, trancha Tamano, qui s'était arrêtée de pleurer.

— T'as tout compris, asséna Ryo.

— Vous laisserez Shitahara partir, un jour ? demanda-t-elle dans un murmure.

Cette fois, Ryo choisit sciemment de lui dire la vérité. Le mensonge ne menait jamais nulle part, de toute manière.

— C'est pas trop de mon ressort, mais non, clairement pas. Après ce que Kaede lui aura fait... c'est trop dangereux, si ça sort de là.

Les sanglots revinrent et Ryo détourna le regard, cette fois-ci un peu peiné.

— Ok, détachez-moi, je vais le faire, chuchota Tamano entre deux larmes.

Il suffit d'une pensée pour que ses liens se détachent. La jeune fille s'approcha du tableau, mais alors que Ryo pensait que sa torture était finie, elle prit l'objet et le dirigea à toute force vers la tête de son ennemi.

Un geste du poignet et la toile se suspendit. Tamano fut figée sur place, avant que Ryo ne l'envoie valdinguer à travers l'entrepôt d'un mouvement de tête.

La toile atterrit au sol à quelques mètres de Tamano, qui s'abattait brutalement face contre terre.

— Tu es vraiment stupide... tu pensais que ça allait me faire du mal ? T'es sérieuse ? Je t'ai fait une fleur là, merde !

Tamano rit jaune entre ses larmes.

— Me kidnapper et torturer mon petit-ami, c'est me faire une fleur ?

Ryo se posta face à elle, son regard condescendant.

— Je t'ai dit la vérité. On fait pas ça tous les jours.

— Après m'avoir forcée pendant des mois à toucher vos putains de toiles pour vos fichus indices...

— C'est pas moi qui fais les règles, princesse.

— Non, tu les suis juste à la lettre.

Tamano se releva d'un bond et lui fit perdre l'équilibre d'un coup de pied à la cheville que Ryo ne vit pas venir, trop furieux de la tournure des évènements.

Mais le garçon reprit bien vite les devants et attira vers lui la cheville de la jeune fille qui tentait une échappatoire. Le corps de Tamano suivit et Ryo la bloqua finalement en se plaçant sur elle pour éviter les mauvaises surprises. Sa prise mentale et physique étaient trop fortes sur la jeune fille qui ne pouvait plus bouger. 

D'une pensée, il prit possession des outils. Sécateurs, pelles, râteaux... tous fendirent l'air et vinrent se poster tout autour d'eux, menaçants.

— Bon j'ai pas été trop casse-couilles jusqu'ici, Tamano-chan, s'exclama Ryo. T'as bien fait ton job pendant des mois, mais là t'as choisi la mauvaise journée pour me faire chier. Donc tu vas gentiment faire ton truc et on en reparlera plus, tout oublié. Alors...

Il fut interrompu par un violent tremblement de terre qui le fit lâcher sa prise. Cela dura quelques secondes, pendant lesquelles il comprit ce qu'il se passait.

— Bah ma grande, je crois qu'on aura même pas besoin de toi, cette fois ! s'exclama-t-il dans un grand rire euphorique.

Il se releva sans prêter attention à Tamano, toujours au sol, et continua de rire comme un fanatique. C'était bon, ils le tenaient. Le patron n'irait pas après Elle, maintenant. Enfin, pas tout de suite en tout cas, pas pendant un moment. Ses espoirs étaient revenus.

— Hey Ryo..., fit la voix de Tamano.

Le garçon n'eut le temps que de tourner la tête vers la femme séquestrée pour la voir s'enfoncer brutalement un sécateur dans la carotide. Le sang gicla et Ryo resta planté là tandis qu'elle se vidait de son sang.

Le corps retomba à terre dans un bruit sourd.

Ryo ne sut que penser. Il observa la dépouille un moment. C'était dommage, elle avait un don certain. Mais les dons vous foutent toujours dans la merde.

Ryo tourna les talons, prêt à aller annoncer le décès de la jeune fille au patron. Bientôt, son petit-ami Frontière suivrait.

Un jour ou l'autre, Ryo était sûr qu'il finirait de la même manière. 

L'Étincelle des Ombres - La Trilogie Sans-Frontière 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant