L'Étincelle des Ombres - La Trilogie Sans-Frontière 1

18. Kazuhei - 2014.

Kazuhei frissonna, les mains serrées autour de sa tasse de chocolat chaud fumante. Il approcha son nez de la vapeur dégagée par le liquide chaud et huma l'odeur alléchante. Même ses mitaines en laine cousues par sa mère peinaient à lui réchauffer les mains quand le froid de décembre était aussi agressif. 

Kazuhei leva la tête quand il entendit la sonnette du minuscule café retentir. Il sourit quand il vit son père entrer. Hyehara Tadao lui rendit du même air bienveillant que lui connaissait son fils. 

L'adolescent se leva de sa chaise et se précipita dans ses bras. Tadao le serra un moment contre lui.

— Tout va bien, mon grand, murmura-t-il dans ses cheveux.

Kazuhei ressentit une vague d'amour paternel lui réchauffer le cœur. Ils se séparèrent et Tadao commanda à son tour un café. Kazuhei observa son père qu'il n'avait pas vu depuis cinq longs mois. 

Les conversations téléphoniques lui avaient mis la puce à l'oreille sur son état de fatigue, mais il n'avait pas été suffisamment préparé pour le découvrir avec des traits aussi tirés. 

Le décès de la mère de famille les avait tous fait changer.

— Tu as grandi, non ? demanda Tadao avec douceur, une fois son café arrivé.

— Je dépasse Sei de deux centimètres, maintenant, répondit Kazuhei avec fierté.

— C'est bien, dit Tadao avec un nouveau sourire avant de prendre une gorgée de café, et Kazuhei ressentit un élan de gêne l'atteindre.

— Ça va, Papa ? interrogea l'adolescent.

Tadao reposa sa tasse sur la table. Il était définitivement mal-à-l'aise.

— Kazu, commença-t-il sans oser le regarder. Il faut qu'on parle au sujet de Sei.

— Tu ne lui as pas dit tout ce que tu voulais au téléphone la semaine dernière ? demanda Kazuhei avec un faux entrain.

Il avait le très mauvais pressentiment qu'il n'allait pas du tout apprécier la suite de la conversation.

— C'est pas ça, Kazu... je..., commença Tadao.

Kazuhei capta sa pensée avant qu'elle ne se transforme en parole. Il en eut un haut le cœur.

— Non, s'exclama-t-il vivement. Il est hors de question qu'on fasse ça.

— Ecoute un peu avant de...

— Comment veux-tu que je considère un truc pareil ? Tu veux... tu veux leur donner Sei ? Alors qu'ils ont... qu'ils ont...

L'adolescent n'arrivait même pas à le dire à voix haute. Il avait passé les derniers mois à vivre un cauchemar, et voilà que son père proposait... osait penser à l'éventualité de le séparer de son frère.

— Si ta mère ne s'était pas mise en travers de leur chemin, elle serait toujours vivante. Si on veut se préserver, il n'y a pas d'autre solution.

— Et c'est ça, ta super solution ? lui demanda Kazuhei en haussant la voix, outré par ses propos.

— Je cherche juste à protéger notre famille, se justifia Tadao.

— En en abandonnant une partie ?!

— Chaque décision que je prends, c'est pour cette famille, s'agaça Tadao.

« Comme de leur donner les plans de la maison », pensa-t-il.

Il leva les yeux vers son fils quand il se rendit compte de sa pensée, et ce qu'elle impliquait, une fois comprise par le télépathe. Kazuhei sentit son cœur se serrer et sa gorge le brûler atrocement.