10. Michiko - 2014.

11 3 0
                                    

Depuis toute petite, Michiko avait pour habitude de se réveiller en même temps que le soleil. Allongée sur son petit futon, sous les toits de la boulangerie « Au bon pain », l'adolescente fixait le plafond sans vraiment le voir. Elle se posait la même question tous les matins : A quoi bon se lever ? 

Ça ne ramènerait pas ses parents. 

Son cœur se serra. Elle n'arrivait toujours pas à se faire à cette nouvelle réalité. Se réveiller, se lever, travailler, manger, se coucher, prendre des heures à trouver le sommeil, cauchemarder, se réveiller, se lever... elle détestait que cette routine s'installe. 

Elle voulait qu'elle disparaisse, et trouver le moyen de retourner dans le temps, sauver les deux êtres les plus importants à ses yeux. Mais non, le sort en avait décidé autrement, ou plutôt ces assassins qui avaient souhaité l'obtenir à tout prix. Mais comment apprendre à vivre avec cette culpabilité ? Michiko cherchait encore la réponse. 

Elle se leva en soupirant, s'habilla, et descendit les marches bancales pour enfiler un tablier et entreprendre d'aller chercher les pâtisseries fraîches. 

Shirai Masahiro, un homme d'une cinquantaine d'années, l'accueillit avec un signe de tête avant de lui tendre une tasse fumante de café.

— Bien dormi ? demanda le propriétaire de la boulangerie tandis que Michiko buvait une gorgée.

— Je suppose, répondit-elle.

— Bien. Au boulot, les clients ne vont pas tarder, déclara Shirai-san avant de se remettre au travail.

Michiko avala d'une traite son café. Shirai-san n'était pas du genre à discutailler et il aimait aller droit au but. C'était une chose que la jeune femme appréciait, n'ayant pas la tête à entamer la conversation. Elle puisa dans ses forces intérieures pour afficher un sourire pour le bien des clients et de la boulangerie. 

Elle avait beau les servir avec ferveur et amicalité, ses pensées, elles, étaient bien ailleurs. 

La mort de ses parents avait signifié beaucoup de choses : la jeune femme avait dû quitter sa ville natale, Osaka, son meilleur ami, tout ce qu'elle avait toujours connu, pour tenter de disparaître. Il y avait des jours où elle avait envie de tout abandonner, trouver ces gens qui avaient si lâchement tué sa famille, mais elle se reprenait toujours. Ses parents auraient souhaité qu'elle continue à vivre, qu'elle se batte pour avoir une chance de s'en sortir. Ne pas respecter leur volonté serait déshonorer leur mémoire. 

De plus, elle n'était pas si mal tombée. Shirai-san avait eu la gentillesse de l'accueillir et sa boulangerie remplissait les journées de Michiko. Elle était d'ailleurs heureuse qu'il reste ouvert tous les jours. Ainsi, l'adolescente restait occupée et manquait de peu de se noyer dans ses songes.

— Passez une bonne journée, et revenez vite nous voir ! sourit Michiko au dernier client de la matinée, avant de fermer la boutique à l'heure du déjeuner.

Elle se rendit à la petite cuisine de la boulangerie où elle prenait tous ses repas. Elle allait bientôt pouvoir cocher une nouvelle case dans sa routine quotidienne : la pause midi. Quand elle arriva, Shirai-san était concentré sur la petite télévision, figé dans la pièce étroite, et ne la remarqua même pas. Sur l'écran, une femme présentait les informations. Michiko entama un pain au chocolat, et écouta attentivement.

— La famille Hyehara, qui avait emménagé depuis deux mois, a été frappée d'un bien triste sort. Hyehara Mai, âgée de 38 ans, a été retrouvée morte à son domicile ce matin. Son époux Hyehara Tadao était en déplacement professionnel à Sapporo au moment du drame, et leur fils de 15 ans Kazuhei n'a actuellement pas été retrouvé. Des faits troublants sont déjà à constater à ce stade de l'enquête. La victime aurait été retrouvée arborant d'étranges marques indélébiles noires sur tout le corps... et les yeux révulsés. Cet élément plus l'état de la maison laisse penser que des Sans-Frontières pourraient être à l'origine de cette tragédie. De plus, la police a trouvé une chambre dissimulée dans le grenier de la maison, laissant penser que la famille cachait quelqu'un. Un proche de la famille aurait rapporté qu'il pourrait s'agir de Shirai Sei, le premier fils de Hyehara Mai, né d'une précédente union, pourtant déclaré porté disparu en 1996. Il serait aujourd'hui âgé de presque 18 ans. La police n'élimine aucune possibilité et demande à tout le monde de garder son calme tant que l'enquête n'aura pas été close.

L'Étincelle des Ombres - La Trilogie Sans-Frontière 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant