L'Étincelle des Ombres - La Trilogie Sans-Frontière 1

34. Sei - ?

Sei fit un pas qui se répercuta dans le silence, lourd de sens, avant d'en faire un autre. 

Il inspecta chaque porte-miroir afin de définir la meilleure marche à suivre. Son regard se posa sur les morceaux de verre brisés. Il espérait que Nijie avait pu s'en sortir, qu'elle s'était échappée des flammes qui menaçaient de la rendre prisonnière. Il ne savait que penser de l'altercation entre les deux amies. 

Nijie était bien une Sans-Frontière, il n'y avait aucun doute désormais, bien qu'il peine à comprendre son pouvoir. Ce qui était certain, c'était qu'elle ne maîtrisait rien, et là résidait tout le danger. Elle pourrait blesser d'autres personnes, mais aussi se faire du mal à elle-même. Il repensa à son regard résigné et secoua la tête. Il était hors de question qu'il la laisse comme ça.

« Je crois que Sei avait raison. C'est ma faute. », avait déclaré la jeune femme à son amie, avant que l'orage n'éclate. Il n'avait jamais souhaité qu'elle se sente coupable. Elle n'y était pour rien. Après tout, il était bien placé pour savoir ce que ça faisait, d'être condamné à vivre avec un pouvoir qu'on ne contrôlait pas. Sei soupira. Il fallait qu'il la retrouve à tout prix, mais pour ça, il allait devoir passer une nouvelle-porte miroir. Aucune d'elles ne lui donnait envie de s'y jeter, mais il fallait bien faire un choix. Sei ferma les yeux, tourna sur lui-même avant de se stopper. Il ouvrit un œil, puis deux. Face à lui, la porte-miroir s'ouvrait sur une chambre de dortoir somme toute banale. Le médium franchit les derniers mètres qui le séparaient de sa nouvelle vision.

La petite chambre sombre était équipée d'un bureau en fouillis, d'un futon deux personnes dont les draps étaient défaits, d'une modeste commode surmontée d'une petite télévision et d'une bibliothèque qui remplissait la moitié de l'espace. Face à un taudis pareil, Sei se dit que l'appartement qu'il partageait avec son frère à Kabukicho était un vrai palace. Un grand miroir était collé à la bibliothèque et Sei fronça le nez. Il n'était pas ravi de quitter des miroirs pour en trouver un nouveau. Son reflet avait l'air d'être revenu d'entre les morts. Son teint était cadavérique, ses cheveux bruns devenus presque gris à cause de la cendre, et son t-shirt originellement blanc était noir. Sei passa une main dans sa crinière pour tenter de retrouver une allure présentable, avant de se rappeler que personne ne le voyait. Même Nijie n'avait pas senti sa présence. Son regard s'attarda sur une photo aux bords abîmées coincée dans le cadre du miroir. Un garçon aux cheveux roux clairs louchait vers l'objectif, un grand sourire aux lèvres, le nez retroussé, et il tenait entre ses bras une demoiselle aux longs cheveux raides de la même taille. La jeune fille oubliait le photographe pour se concentrer sur son partenaire, une main au-dessus de sa tête comme si elle se moquait gentiment de sa taille. Son sourire en disait long sur l'affection qu'elle portait au jeune homme. Sei songea que ça ferait un joli dessin, avant de se dire qu'il avait déjà vu le garçon quelque part.

La porte s'ouvrit sur la jeune femme de la photo. Elle portait les mêmes cheveux longs qui lui tombaient dans le creux du dos. Un grand jeune homme svelte la suivit dans la pièce. Ses cheveux noirs, courts mais souples tombaient sur son front de manière élégante, et dans ses yeux se lisaient l'ennui le plus profond. Les deux arrivants portaient la même blouse bleue que la fille entreprit d'enlever pour révéler un simple t-shirt.

— Tu te sens prête ? demanda le jeune homme, et l'inquiétude s'installa dans ses prunelles.

Son interlocutrice entreprenait maintenant un chignon approximatif, et Sei pensa à celui de Nijie avec tendresse. Elle hocha la tête.

— Nerveuse, mais je ne peux plus reculer, déclara-t-elle.

Son compère l'observa intensément, cherchant probablement à savoir si elle disait la vérité.