Prologue

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L'Amazone rousse s'inclina avec déférence, lui laissant le passage libre jusqu'à la grande porte. Pourtant, malgré tout le respect qu'elle affichait, il sentait parfaitement son amusement, et son mépris.

Il aurait volontiers donné une leçon à cette garce insolente. Mais le moment n'était pas encore venu. Un jour, il prendrait un plaisir tout particulier à châtier ces femelles trop hardies, mais pour l'instant, elles n'en valaient pas la peine. Mieux valait leur laisser croire qu'il n'avait rien vu... Leur désillusion n'en serait que plus brutale, et la victoire, plus savoureuse encore.

La porte devant lui s'ouvrit finalement – avec ce qu'il fallait de retard pour qu'il sente le mécontentement de son hôte.

Refusant de se laisser impressionner, la grande silhouette entra d'un pas assuré, martelant les froides dalles de marbre de l'immense bureau avec peut-être juste un peu plus d'intensité que d'habitude. Sa cape volait avec détermination derrière lui et pourtant, quand il ne fut plus qu'à une dizaine de mètres, il marqua un temps d'arrêt. La synthéchair qui recouvrait le côté gauche de son visage, sous le sourcil à demi-carbonisé, se raidit devant le spectacle qui s'offrait devant lui.

Le vaste bureau – aussi grand, aussi vide, et quasiment aussi impressionnant qu'une salle d'audience - était aussi peu meublé qu'à son habitude, mais la scène qui s'y déroulait aurait suffi à susciter le malaise chez n'importe qui, même aux cœurs les mieux accrochés.

Le Seigé observa d'un œil glacial les quatre premiers cadavres, recroquevillés le long du mur, constellé de traces d'impacts. Un dernier prisonnier se tenait toujours debout, terrifié et immobile. Afin de s'assurer qu'il resterait en position, des soldats impassibles le maintenaient en joue depuis chaque coin de la pièce. Bien entendu, un autre moyen aurait pu être utilisé pour s'assurer que l'homme ne bouge pas, mais l'autre occupant de la pièce semblait éprouver un malin plaisir à laisser un peu de liberté à ses proies – juste assez pour leur laisser croire qu'ils pourraient s'enfuir, pas assez pour leur permettre de le faire réellement.

En face du malheureux, dos à la longue baie inclinée qui s'étirait sur toute la longueur du bureau, le Directeur se tenait calmement, petite silhouette sèche et nerveuse dans sa tunique blanche et noire. Son visage poupin, constellé de rides de rire, aurait inspiré confiance à n'importe qui. A n'importe qui, sauf aux rares personnes qui connaissaient l'esprit cruel et impitoyable que dissimulaient les yeux plissés d'amusement et l'air inoffensif du redoutable vieillard.

Ce dernier pointa une nouvelle fois son pistolaser d'un air concentré, en direction de sa proie, blême et tremblante, coiffée d'un grotesque chapeau surmonté qu'une boule en céramique. Le coup partit, se ficha dans le mur à quelques centimètres de la tête de l'homme à moitié évanoui de terreur.

— Ah, Seigé Leftarm, ronronna le Directeur en abaissant son arme. Nous avons failli attendre.

Le nouvel arrivant jeta alors un regard en direction du vaste bureau de pierre et de métal, au fond de la pièce, et ne masqua pas un bref reniflement de dédain en voyant le dernier occupant de la salle, agrippé à sa chaise comme à une bouée de sauvetage. Bien peu auraient reconnu en cet homme terrifié, malade de dégoût et d'angoisse, le fier Micaïl Molla, star des holonews, et actuel Président de la République de Kivilis.

Ici, loin de tout témoin, Leftarm n'avait pas besoin de feindre le respect qu'il affichait – à grand mal, d'ailleurs – pour la marionnette du Directeur, lors des nombreuses circonstances où ils devaient se rencontrer en public. Mais n'était-il pas son principal ministre ?

Un nouveau rayon de lumière jaillit, frappant cette fois la cible en pleine tête. Le prisonnier s'écroula, et le Directeur abaissa son arme avec un jappement d'exaspération.

Voria - Le Cycle du Vortex, T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant