Chapitre 11

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Les deux filles se retournèrent d'un même geste. Dans l'encadrement de la porte située à l'opposé de la galerie, un vieil homme au ventre proéminent, tellement obèse que ses jambes paraissaient bien trop fines pour le soutenir, les observait d'un air circonspect.

Camyl inclina cérémonieusement la tête.

— Oncle Romus.

Kuria Dadellei, répondit-il sur le même ton.

— Il me semble que je n'ai plus droit à ce nom, répliqua fraîchement la jeune femme.

— Ma chère Camyl, protesta l'obèse en quittant l'embrasure de la porte et en s'avançant maladroitement vers elle, il ne faut pas le prendre ainsi...

— Ah bon ? Et comment donc dois-je le prendre ? riposta-t-elle suavement.

L'homme s'arrêta et soupira – d'une manière exagérée, aux yeux de Claire, qui se demandait comment elle avait pu rater son approche.

— Viens dans mon bureau, nous serons mieux pour parler de tout ça. Ta dame de compagnie...

— Elle m'accompagne, coupa Camyl.

— Bien sûr, sourit l'homme d'un air conciliant. Allez, suivez-moi.

Il se détourna, d'une démarche lourde, poussive, pour retourner à la porte par laquelle il avait surpris leur conversation. Elles pénétrèrent à sa suite dans une pièce si vaste qu'elle aurait pu faire office de salle de bal. Les fenêtres donnaient sur un canal et surplombaient une zone de hangars de faible hauteur, laissant le regard porter jusqu'aux bâtiments de l'autre côté, à une bonne centaine de mètres. La pièce était donc extrêmement lumineuse, en comparaison de toutes celles qu'elles avaient traversé jusqu'à présent, malgré le triste gris du ciel.

— Je n'ai pas été prévenu de ta venue, indiqua l'obèse d'une voix profonde. Sinon, nous nous serions arrangés pour t'accueillir comme il le convient.

— Est-ce une menace ?

— Mais pas du tout, ma chère enfant ! Crois-moi, je n'ai pas eu le choix, dans cette histoire, et tout cela m'attriste énormément...

Il parvint jusqu'à son bureau et s'assit avec un véritable soulagement derrière le meuble de bois précieux, incrusté de pierreries.

— Pas eu le choix ! cingla Camyl. Comment donc est-ce possible ? Et pourquoi n'ai-je pas été prévenue de ce qui se tramait ? J'ai été mise devant le fait accompli !

— Ma chère enfant... avec tout le respect que je te dois, tu ne peux pas dire que tu ne te doutais pas de ce qui allait arriver. Pas avec tes récents exploits sur Kivilis ! La situation n'était tout simplement plus tenable !

— Jamais je n'ai fait mystère de mes sympathies. Cela ne plaît peut-être pas à tout le monde, mais un Héritier a le droit d'avoir les opinions politiques qu'il souhaite ! Le Conseil n'a pas son mot à dire à ce sujet !

— Tout le monde ici savait que tu utilises Claée comme base arrière pour tes amis Libertans, et ça chiffonnait déjà les plus conservateurs du Conseil. Je me suis engagé... bon sang, je leur ai personnellement certifié ! que cela n'irait pas plus loin, que, comme tu le disais, il s'agissait d'opinions politiques qui ne regardaient pas le Conseil. Mais ce que tu as fait, c'est beaucoup plus grave ! Je ne pouvais pas trouver d'argument recevable contre ta destitution.

— Depuis quand le Conseil reçoit-il ses ordres de Kivilis ? Que je sache, la Charte des Vieilles Familles n'a jamais reconnu l'autorité Délène... non plus que celle de la pseudo-République qui lui a succédé !

Voria - Le Cycle du Vortex, T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant