Voria - Le Cycle du Vortex, T2

Chapitre 10

Après d'ultimes recommandations, ils sortirent enfin du vaisseau et resserrèrent immédiatement leurs manteaux, surpris par la fraîcheur de l'air. Malgré le repousse-pluie que chacun portait sur les épaules – une sorte de bouclier portable, générant un champ de protection qui repoussait la pluie, comme un parapluie invisible –, ils n'étaient pas protégés pour autant du froid, qui les surprit après les environnements régulés de Claée et de Met-Ahne... 

Camyl venait en tête, drapée dans son long manteau bleu, suivie de Claire, emmitouflée dans une tenue sombre, qui pouvait convenir aussi bien à une dame de compagnie qu'à une garde du corps, et Marc, enveloppé d'une longue pèlerine ocre. Giles fermait la marche, dans une tenue bien moins tape-à-l'œil qu'à l'ordinaire : sa redingote était d'un noir d'encre et ne portait quasiment aucune fioriture, et ses cheveux, sévèrement tirés en arrière en une simple queue de cheval, étaient cachés sous un large chapeau.

Le groupe de bâtiments dans lequel était situé le hangar donnait sur l'un des multiples canaux qui parsemaient la ville. Les eaux sombres et froides clapotaient le long des quais de pierre, étroits et usés par des millénaires d'intempéries. Une barque à hauts bords, sa partie centrale protégée par un grand arceau de toile, était amarrée non loin de là, oscillant sous le vent qui soufflait en rafales. Un Margneral attendait, à l'abri dans le minuscule poste de pilotage situé à l'arrière. C'était la seule personne visible à des mètres à la ronde.

— On va prendre la dola avec Claire, décida Camyl en se dirigeant vers l'embarcation qui bougeait doucement. Je vous contacterai dès que j'aurai du nouveau.

Sans attendre de réponse, elle fit signe au Margneral, qui sortit de l'abri de sa cabine et apporta avec empressement une planche, qu'il déposa entre la barque et le quai.

— De toute façon, j'avais envie de marcher, ironisa Giles dans son dos.

La jeune femme ne se retourna pas, acceptant la main que le conducteur de la dola lui tendait pour embarquer. Claire lança un dernier regard vers Marc et Giles, haussant les sourcils. Le jeune Wardom fixait Camyl de l'air préoccupé qui ne le quittait plus depuis qu'ils étaient partis de Claée. Il secoua la tête pour lui-même, puis fit signe à Claire de la suivre. Dans son regard grave, elle lut une nouvelle fois toute l'inquiétude qu'il éprouvait pour celle qu'il considérait non seulement comme sa sœur, mais également comme sa responsabilité. Il ne lui plaisait pas d'être mis à l'écart, même s'il avait approuvé son plan.

Afin d'éviter les ultimes recommandations qu'il n'allait pas manquer de lui faire, elle sauta à la suite de Camyl, acceptant la longue main à six doigts du Margneral qui l'aidait à monter. La constante sollicitude et les inquiétudes de Marc commençaient à l'agacer, et elle accueillait comme un soulagement d'être débarrassée pour un temps de sa tutelle. Elle était parfaitement consciente de l'importance de son rôle auprès de Camyl, et elle s'estimait tout à fait capable de protéger la spatione. Les Libertans avaient trop souvent tendance à ne la voir que sous l'angle de la petite protégée naïve de Leftarm... à elle de leur prouver qu'elle était tout à fait à même de faire office de garde du corps... et de Wardom !

Camyl donna l'adresse de la Résidence Dadellei, et le doliere s'inclina une nouvelle fois, avant de regagner sa minuscule cabine. Camyl resta debout, tête haute, au milieu de la barque, sous l'arceau de toile qui offrait une protection dérisoire contre la pluie qui tombait avec toujours autant de violence, et Claire la rejoignit, se plaçant un pas derrière elle, comme il convenait à une dame de compagnie bien éduquée.

La dola s'ébranla avec un ronronnement sourd. Claire tourna la tête. Marc et Giles n'avaient pas bougé, sur le quai qui s'éloignait lentement. Puis l'embarcation tourna dans le dédale des canaux, et les deux frères disparurent à sa vue.