Voria - Le Cycle du Vortex, T2

Chapitre 20

Les yeux exorbités, le Margneral porta ses mains à son cœur, puis tomba à genoux, avant de s'effondrer aux pieds de la grande silhouette impassible.

— La mort est un châtiment bien clément pour un tel imbécile, énonça-t-elle froidement devant l'assistance médusée.

Bien malin qui aurait senti, sous le calme glacé, la fureur qui l'animait depuis son arrivée en orbite, en voyant le prototype lui glisser entre les doigts...Si près... si près de les rattraper tous !

Claire se réveilla en sursaut, s'agrippant la poitrine. Il lui fallut un long moment pour reprendre ses esprits, pour se persuader que non, le Seigé n'était pas là, dans la cabine, l'immobilisant par le poeïr comme il l'avait fait tant de fois. Qu'il ne venait pas de broyer son cœur entre des doigts invisibles, l'arrêtant d'une simple pensée, claire et froide.

Un cauchemar... ce n'était qu'un cauchemar !

Elle se redressa, tremblant toujours, et alluma la lampe de la minuscule cabine. Par chance, même avec Aucyne à bord, Met-Ahne possédait suffisamment de cabines pour que chacun puisse profiter du confort de quartiers individuels – même si lesdits quartiers ressemblaient plus à un placard qu'à une véritable chambre.

Je n'ai plus l'habitude de dormir toute seule. C'est tout ! Bon sang, cette flippe, quand nous avons franchi la Limite... C'est pour ça, ce cauchemar...

Lorsqu'elle avait repris conscience, après le hurlement de dépit de Leftarm, qui l'avait assommée pour le compte, Met-Ahne avait plongé dans l'ultralux depuis plusieurs minutes. Marc et Camyl, inquiets, étaient penchés au-dessus d'elle. Ils l'avaient portée dans la cabine la plus proche et allongée sur l'une des couchettes, puis Camyl avait sorti un médipac et commencé à soigner ses blessures, alors que Marc, en transe légère, évaluait son état.

— Ne bouge pas ! avait intimé la spatione alors qu'elle essayait de se redresser. Les griffes de Wargazes sont rarement propres, alors laisse-moi nettoyer ça correctement !

— Comment tu te sens ? avait demandé Marc, les yeux fermés – ce qui ne masquait pas son air préoccupé.

Elle sentait son poeïr, qui coulait sur ses blessures, comme de l'eau fraîche et apaisante.

— Tu... tu l'as entendu ? avait-elle murmuré, encore sous le choc.

Il avait hoché la tête, sans cesser de projeter son esprit sur les profondes marques qui sillonnait son avant-bras droit, du poignet jusqu'au coude. Jetant pour la première fois un coup d'œil sur les blessures, Claire avait pâli : ce n'était vraiment pas joli.

— Faiblement, confirma le Wardom en ouvrant enfin les yeux. Je pense que je n'ai ressenti que l'écho de ce qu'il t'a envoyé. Mais c'était suffisamment fort pour me filer un sacré mal de crâne.

— Vous êtes en train de dire que vous avez entendu Leftarm ? s'était inquiétée Camyl, incrédule, relevant sa compresse. A cette distance ? Tous les deux ?

— C'est Claire qui a pris le plus gros, avait expliqué Marc d'un ton sombre.

— Mais comment est-ce possible ? Eléaga m'a toujours dit que les attaques par le poeïr n'étaient possibles qu'en étant proches... Si vous avez raison et qu'il était bien sur l'un des croiseurs, il était quand même de l'autre côté de Margnez !

— Leftarm est très puissant, avait soupiré Marc, secouant la tête. Et Claire et lui était très proches... mentalement parlant.

— C'était plus un cri de rage, qu'une attaque, avait tenté d'expliquer Claire, encore sonnée. Aïe !

— Pardon ! s'était excusée Camyl, qui était toujours en train de désinfecter ses plaies. Mais il n'y a pas moyen de s'en prémunir ? De se protéger de ce genre de « cri » ?

— On travaillait là-dessus, sur Claée, avait répondu Marc. Mais les barrières de Claire ne sont pas encore suffisantes.

— Je les avais relevées ! avait protesté Claire, indignée.

— S'il t'a atteint à cette distance, c'est qu'elles n'étaient pas assez fortes, avait rétorqué le jeune Wardom.

— Elles étaient relevées ! C'est juste que...

C'est juste qu'il est bien plus fort que ce dont je me souvenais...

Elle s'était tue, accablée. Elle pensait avoir fait des progrès, et pourtant, à des milliers de kilomètres, Leftarm l'avait atteinte comme si elle n'avait jamais travaillé avec Marc à renforcer ses défenses.

Et elle s'imaginait pouvoir lui résister ?!

— J'ai fini, avait alors dit Camyl, dans le lourd silence qui s'était installé. Claire, étant donné tes blessures, il vaudrait mieux que tu dormes un peu. Je vais t'injecter un sédatif.

— Non ! avait-elle protesté, essayant de se lever. Il faut qu'on discute de ce qui s'est passé sur Margnez !

— Oui, mais pas maintenant, avait maintenu Camyl. On a tous besoin de repos. Je vais aller m'occuper de Giles – s'il me laisse faire ! – et on verra le reste demain. S'il nous faut huit jours pour atteindre la planète d'Aucyne, ça nous laisse amplement le temps de prévoir notre prochain mouvement.

Claire s'était laissée retomber sur la couchette, admettant que la spatione avait raison. Camyl avait fait l'injection d'une main experte, et la jeune fille avait alors aussitôt sombré dans un profond sommeil...

Jusqu'à ce cauchemar.

Elle fixa les murs, tentant d'apaiser les battements de son cœur, toujours aussi affolés. Pourtant, elle avait l'habitude des cauchemars ! Sur Claée, elle en faisait quasiment toutes les nuits...

Mais je faisais toujours le même. Là, c'était différent...

Elle n'aurait jamais cru qu'elle regretterait un jour le rêve avec Leftarm, le Directeur, et la sombre promesse que lui avait fait le Seigé. Et pourtant... alors que ce dernier l'avait terrifiée pendant des mois, elle avait l'impression que ce n'était rien... que c'était bien moins réel que ce qu'elle venait de ressentir.

Je suis encore sous le choc de ce qui s'est passé à Margnez, tenta-t-elle de nouveau de se raisonner. Et ces drogues que Camyl m'a injectées... C'est forcément ça. C'est un rêve, juste un rêve... !

Malgré cela, il lui fallut de longues minutes, et tout son entraînement, pour parvenir à recouvrer son calme. Quand enfin elle parvint à retrouver le sommeil, ce fut, heureusement, pour un trou noir sans rêves...