Chapitre 15

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C'est alors que, venus du lac, des tirs fusèrent, touchant les soldats au-dessus d'elles. Des cris retentirent alors que les soldats se mettaient à couvert, cherchant à identifier cette nouvelle menace.

Une dola approchait en trombe, tandis qu'un de ses occupants arrosait d'un feu nourri la terrasse au-dessus d'elles. Claire sentit son cœur bondir dans sa poitrine, reconnaissant les arrivants sans avoir besoin de les voir, sentant leur présence aussi distinctement que s'ils avaient été à côté d'elle.

La dola effectua un virage serré qui manqua projeter Marc par-dessus bord. Se redressant, le jeune homme continua à tirer, alors que Giles, debout derrière le poste de pilotage, leur faisait signe de sauter.

Malgré la hauteur, les deux filles n'hésitèrent pas. Invoquant le poeïr, Claire tenta de freiner leur chute. Elle sentit alors le toucher mental de Marc, comme un filet de sécurité, qui rendit soudain l'air autour d'elles plus lourd, plus épais, comme si elles plongeaient toutes deux dans une eau visqueuse et chaude.

Elles percutèrent le sol de la dola, moins vite que si elles n'avaient pas été freinées, mais suffisamment fort cependant pour que l'étroite embarcation se mette à tanguer violemment alors qu'elles s'effondraient toutes deux à bord. Sans attendre, la barque vira et reprit de la vitesse, alors que les tirs des soldats sur la terrasse reprenaient de plus belle. Les filles plongèrent sous le rebord, alors que Marc, agenouillé devant le poste de pilotage, continuait à arroser les attaquants.

Bientôt, ils furent hors de portée. Mais les barges des commandos surgirent soudain de derrière la pointe de l'île et se lancèrent à leur poursuite. Giles lança la dola à fond, mais les canots militaires étaient plus rapides. Bientôt, très vite, ils les rattraperaient

— On vous laisse quelques jours, les filles, et c'est le bazar ! cria le pilote en dirigeant l'embarcation vers la ville qui scintillait sur la rive.

— Ils gagnent du terrain, cria Camyl, accrochée au rebord, les yeux fixés sur leurs poursuivants.

Pour l'instant, ces derniers étaient trop loin pour tirer, mais cela ne durerait pas. La jeune femme vérifia quelques réglages sur l'arme qu'elle tenait toujours à la main, puis pesta et la jeta au fond du bateau.

— Vide ! Vous en avez d'autres ?

— Il suffit de demander, ricana Giles, les yeux toujours fixés sur Akwafeene, qui grossissait devant eux, sortant d'une main un blaster de l'une de ses bottes et le lançant à la spatione, tout en continuant de diriger à folle allure la longue embarcation.

Claire rejoignit Marc, toujours agenouillé à l'abri du poste de pilotage, qui regardait leurs poursuivants, arme pointée, prêt à tirer dès qu'ils seraient à portée. Massant son épaule et son bras droit, toujours engourdis, elle demanda, fixant les barges :

— Comment tu as su ? Tu as eu le message de Met-Ahne ?

Le jeune homme lui tendit une arme, sans la regarder, et répondit :

— Met-Ahne nous a prévenus pour le Conseil, oui. C'était un piège, n'est-ce pas ?

Claire prit l'arme de la main gauche, éprouvant son poids. De la barge la plus proche, un tir fusa. Giles fit une embardée, dirigeant l'embarcation vers un chapelet de petites iles toutes proches. Les trois lunes et l'anneau spatial éclairaient suffisamment le lac pour que le paysage se détache nettement... y compris leurs poursuivants.

Claire, Camyl et Marc ripostèrent. Rouge contre vert, les traits crépitèrent, ricochant contre le plat bord et l'arrière de la cabine. La dola se faufila alors entre une série d'îlots, recouverts de bâtiments bas aux toits plats. A cette heure de la soirée, le trafic était minimal dans cette zone de docks, de quais et d'entrepôts, mais la course-poursuite ne pouvait manquer d'attirer l'attention.

— Bien sûr que c'était un piège, pesta Claire, agenouillée comme les deux autres contre le rebord.

Elle jeta un regard à Camyl, puis croisa le regard de Marc, qui secoua la tête. Il ne lui en voulait pas, de toute évidence. Mais elle¸ elle ne se le pardonnait pas.

La dola virevoltait avec aisance entre les quais et les rares autres embarcations, dont les conducteurs les fixaient, éberlués, en tentant de les éviter. Beaucoup plus maniable que les barges massives qui les suivaient, elle regagnait du terrain dans cette zone où les manœuvres se faisaient plus complexes. Les échanges de tirs se firent plus sporadiques puis cessèrent alors que la circulation s'intensifiait, masquant bientôt le bateau à ses poursuivants.

— Ne vous réjouissez pas trop vite, cria Giles. Les renforts aériens ne vont pas tarder ! Il faut qu'on s'abrite quelque part !

— Là ! indiqua Camyl, montrant un passage étroit entre deux entrepôts.

Giles réduisit la vitesse et manœuvra la dola en souplesse pour l'insérer dans le chenal sombre, à peine assez large pour l'embarcation effilée. Derrière, le canal s'élargissait en un vaste cul-de-sac, rempli de dolas pressées les unes contre les autres. Au fond, le bassin se poursuivait sous un grand hangar de pierre, bas de plafond, faiblement illuminé, et tout aussi encombré.

— C'est ça, ton plan ? railla Giles, incrédule. On est fait comme des rats, là-dedans !

— Je connais cet endroit, expliqua Camyl. Valentyne m'y a emmenée quelques fois, quand j'étais petite. C'est un hangar à dolas, c'est là qu'on les stocke et qu'on les répare. De l'autre côté, c'est le quartier marchand, le soduro. On va laisser la dola ici et s'enfoncer dans les ruelles, ils ne pourront pas nous retrouver.

A ce moment, un vrombissement caractéristique leur fit rentrer la tête dans les épaules.

— Vite ! intima la spatione. Dans le hangar !

Pour une fois, Giles s'abstint de tout commentaire et engagea la dola sur le bassin couvert. Juste à temps : un drone de reconnaissance surgit bientôt au-dessus des bâtiments, scannant la zone.

La dola s'était rangée contre une zone libre du quai, au fond du bâtiment. Écoutant le bourdonnement qui se répercutait sur l'eau, Giles souffla :

— Ça ne les ralentira pas longtemps ! A l'heure qu'il est, et avec le foin qu'on a fait, ils ont les références de nos puces d'identité ! Ils nous repèreront même sans nous avoir en visuel !

— La pierre d'Akwafeene brouille les senseurs, rappela Marc à voix basse, prenant la parole pour la première fois. Ils n'ont aucun moyen de savoir que nous sommes là s'ils ne nous voient pas - et ne nous entendent pas.

Tendus, ils écoutèrent le drone survoler le bassin extérieur, puis le hangar. Heureusement, il devait être trop gros pour pouvoir s'engager sous la voûte – à moins que leurs poursuivants n'aient pas noté l'ouverture, qui pouvait facilement passer inaperçue depuis les hauteurs.

Le bourdonnement disparut. Pour l'instant, ils étaient hors de danger...

— Retournons à bord de Met-Ahne, intima Camyl. Là-bas, nous pourrons décider de la suite.

— Ah... fit Giles. Il y a juste un petit souci. Le hangar de Met-Ahne est sous scellés. C'est quand on s'est rendu compte de ça qu'on s'est dit que vous risquiez d'avoir besoin d'aide...


Voria - Le Cycle du Vortex, T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant