De ruelles en venelles, de ponts couverts en allées étroites, ils s'enfoncèrent plus profondément encore dans le soduro. Le quartier marchand était également le quartier des tavernes, bars et autres établissements de nuit – l'endroit idéal pour se cacher, mais aussi pour trouver des gens prêts à les vendre à prix d'or.
Camyl était ulcérée. Avoir appris que le hangar de Met-Ahne avait été mis sous scellés – des scellés officiels ! - l'avait mise dans une rage folle.
— Romus ne perd rien pour attendre ! marmonnait-elle alors qu'elle suivait Giles sous les arcades qui bordaient un canal étroit aux eaux sombres.
Malgré l'heure tardive, l'endroit était noir de monde. Les échoppes brillamment éclairées alternaient avec des escaliers qui montaient vers des tavernes, des restaurants et d'autres lieux bien moins recommandables, à en juger les pictogrammes très explicites qui tournoyaient sur leur devanture.
Avec Claire, elles avaient échangé leurs tenues en piteux état contre des combinaisons de travail trouvées dans un placard du hangar à dolas, et la jeune spatione avait accepté de cacher ses cheveux sous un chapeau à larges bords qui avait connu des jours meilleurs. L'embuscade, puis l'annonce que Met-Ahne leur était inaccessible, semblaient avoir eu raison de ses velléités d'indépendance, et elle avait violemment rougi quand les yeux de Giles et Marc étaient tombés sur ses jambes nues. Pourtant, il n'y avait là rien d'indécent aux yeux de Claire, qui avait vu des robes beaucoup plus courtes sur Terre, mais Camyl semblait éprouver envers les membres nus le même tabou que celui qui existait sur Kivilis, et qui avait tant étonné la jeune fille à son arrivée à Bhénak.
Mais même si la spatione était en fureur, elle reconnaissait désormais qu'il allait leur falloir faire profil bas jusqu'à ce qu'ils trouvent une solution. Aussi suivait-elle sans trop rechigner Giles, qui les emmenait de plus en plus profondément dans le soduro, comme s'il connaissait le quartier comme sa poche – alors que deux jours auparavant, il n'avait encore jamais mis le pied sur Margnez.
Derrière les deux jeunes gens, Marc et Claire conversaient à voix basse, en vérifiant sans cesse que personne ne les suivait – tâche peu évidente dans la foule.
— Romus était sincère, j'en aurais juré, tentait de se justifier la jeune fille. Si j'avais eu le moindre doute à ce sujet, je n'aurais pas laissé Camyl aller là-bas, tu peux me croire !
— Mais tu n'étais pas d'accord.
— Non. Je n'étais pas tranquille, et pourtant, j'étais sûre qu'il ne nous mentait pas... ! Je pensais que c'était une mauvaise idée, mais Camyl n'a rien voulu entendre... A partir du moment où je lui ai dit que Romus était sincère, elle a décidé d'aller là-bas.
Je me suis trompée. Et j'aurais dû lui mentir ! L'empêcher d'y aller !
— Quand Camyl a quelque chose en tête, impossible de l'en dissuader, répliqua Marc, se plaquant contre le mur pour laisser passer un groupe de Sullites éméchés. Et tu as bien fait d'être honnête avec elle, reprit-il une fois la voie libérée. Si tu lui mentais, elle ne te le pardonnerait jamais.
— Mais c'était un piège, et on est allées droit dedans !
— Toute cette histoire est un piège, depuis le début. Je lui ai dit, Giles lui a dit, Det lui a dit...
— J'aurais dû me fier à mon instinct, et prendre une arme quand même !
— Surtout pas ! Il y a des détecteurs à l'entrée du Sanctuaire, tu n'aurais pas pu passer... Et de toute façon, étant donné ce que tu m'a raconté, ça n'aurait pas changé grand-chose...
VOUS LISEZ
Voria - Le Cycle du Vortex, T2
Science FictionAprès avoir découvert la duplicité de son mentor, le redoutable Leftarm, Claire, la jeune lycéenne terrienne qui avait traversé le Vortex, s'est enfuie en compagnie des Libertans, ce groupe armé qui s'oppose à la dictature de Kivilis. Mais Leftarm...