— Non !
Claire se réveilla, le souffle court, poisseuse de sueur. Petit à petit, alors qu'elle reprenait lentement conscience, le bureau du Directeur s'estompait, les conversations et les détails glaçants se perdaient dans l'oubli des rêves, ne laissant plus flotter que le regard noir et la sinistre promesse de celui qui l'avait recueillie, qui lui avait tout appris... et qu'elle avait abandonné... trahi... à qui elle avait tourné le dos.
Peu importent les mots. Il comptait sur toi, et tu es partie... !
La boule de glace, la voix accusatrice, disparurent peu à peu. Bientôt, comme à chaque fois, il ne lui resta plus que la peur. Noire, froide, paralysante. La petite chambre était peu chauffée, mais ce n'était pas de froid qu'elle tremblait.
Pour se forcer à revenir à la réalité, elle tendit l'oreille, écoutant pour se rassurer les bruits devenus familiers de la principale base des Libertans, la Station Claée. Le sourd ronflement des moteurs, loin au-dessous d'elle, le quasi imperceptible sifflement, à la limite des ultrasons, des moniteurs en veille, le ronflement diffus des ventilations, et le souffle paisible et régulier de sa compagne de chambre, Camyl, qui dormait sur la couchette opposée. La pièce était plongée dans la pénombre, et seules les lueurs diffuses du moniteur installé à côté de la porte luisaient faiblement. Le chronomètre mural indiquait que, selon le cycle arbitraire de la station spatiale, basé sur l'Horaire de Référence Galactique – celui du Mont Miroir sur Kivilis Occidental - le milieu de la nuit venait à peine de passer.
Mais ses muscles refusaient de se décrisper.
Cela faisait six mois que le rêve revenait toutes les nuits, ou presque. Cette fois, il avait été si clair ! Cette fois, allait-elle réussir à se rappeler ce qu'elle avait vu ? Il y avait Leftarm, le Directeur, et le père de Camyl, le Président de la République de Kivilis, Micaïl Molla. De quoi parlaient-ils ? Que faisaient-ils ? Mais comme à chaque fois, ne restaient que Leftarm et son visage ravagé par l'explosion d'Armora. Et sa promesse.
Parce qu'elle savait d'expérience qu'elle ne se rendormirait pas, elle s'assit dans son lit. Sans doute un petit tour par le gymnase lui permettrait-il de se changer les idées...
C'est alors que toutes les lampes s'allumèrent, et que l'alarme se mit brusquement à hurler.
Alerte à tout le personnel. Alerte à tout le personnel. Vous êtes priés de vous rendre immédiatement à votre salle de briefing. Je répète : rendez-vous immédiatement à votre salle de briefing. Alerte Code Écarlate. Alerte Code Écarlate.
Elle sauta à bas de sa couchette, presqu'avec soulagement.
— Allons bon... Code Écarlate, encore ! marmonna Camyl en émergeant difficilement du sommeil, cherchant à tâtons la combinaison posée à ses pieds.
La pâle jeune femme aux courts cheveux blancs et à l'allure si altière avait toujours beaucoup de mal à se réveiller, au contraire de sa compagne de chambre. Le matin, il lui fallait une bonne dose de l'équivalent local du café avant d'être totalement opérationnelle, alors que Claire était instantanément prête à commencer sa journée.
Mais, malheureusement pour Camyl, ce n'était pas la première fois que l'alarme générale sonnait en pleine « nuit ». Claire était déjà debout, enfilant ses bottes, alors que la spatione enfilait à peine sa tunique par-dessus son éternelle combinaison bleue et ocre.
— Tu vois quelque chose ? poursuivit la jeune mutante en bataillant avec ses habits, alors que Claire s'était levée pour aller jusqu'à la minuscule fenêtre – un des deux seuls luxes de cette pièce exiguë, dans laquelle tenaient tout juste leurs deux couchettes, un petit bureau, et une unité sanitaire basique, mais complète - l'autre luxe de la chambre.
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Voria - Le Cycle du Vortex, T2
Science FictionAprès avoir découvert la duplicité de son mentor, le redoutable Leftarm, Claire, la jeune lycéenne terrienne qui avait traversé le Vortex, s'est enfuie en compagnie des Libertans, ce groupe armé qui s'oppose à la dictature de Kivilis. Mais Leftarm...