11. New York, Manhattan

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New York, Manhattan

Dans un restaurant, 11h25

« C'est vraiment délicieux » Affirma Emma en se délectant de chaque bouchée de son maquereau fumé.

Le restaurant, qui avait été choisi par Dave, était une sorte de petit bistrot français qui contenait tous les stéréotypes que les étrangers peuvent avoir sur la France. Elle avait ri des bérets que portaient les serveurs sans que Dave ne comprenne pourquoi. La décoration avait été faîte avec goût : des tableaux représentant le bout de la Tour Eiffel perçant dans un ciel bleu cotonneux, une bibliothèque ancienne avait été installée dans un coin de la pièce et celle-ci regorgeait de vieux ouvrages tels que 'Les Misérables', 'Le Bourgeois Gentilhomme' ou encore un recueil de poèmes écrit par Arthur Rimbaud. Emma aperçut aussi des photos en noir et blanc, encadrées avec soin, représentant le côté romantique de la ville de Paris avec deux personnes s'embrassant sur le pont des amoureux.

Elle ne put s'empêcher de penser que tout cela n'était que des clichés qui montraient Paris d'un point de vue mélioratif. Emma aurait très bien pu briser le rêve de certains qui pensent encore que la capitale française est le lieu de l'Amour : après tout, elle était française, vivait à Paris même et ses relations amoureuses côtoyaient le chiffre zéro. Elle aurait aimé crier que 'non, toutes les françaises ne sont pas sexy' et que trouver l'Amour à Paris est encore plus difficile que de pointer dans le monde du showbiz.

« Je viens souvent ici. La gastronomie française est de loin la meilleure » Emma ne savait pas si Dave était vraiment sérieux ou s'il faisait juste ça pour lui adresser un compliment sur les avantages à être né français.

« On ne mange pas tous les jours comme ça en France, vous savez » Avait-elle dit cela sans réfléchir, naturellement.

« Et ici, on ne mange pas toujours des hot-dogs et du maïs soufflé » Ajouta-t-il, toujours en souriant. Ils étaient maintenant en train de débattre des clichés français et américains en parlant à moitié français et anglais.

« Je suppose que vous n'êtes pas végétalien ? » Le questionna la jeune femme en l'observant enfourner une bouchée de son steak saignant. Dieu qu'elle aurait aimé être à la place de cette nourriture pour découvrir l'intérieur de cette bouche désirable...

« Non, je ne l'ai jamais été » Il rit, se souvenant sûrement de la brève histoire de l'avion.

« Mais alors... Pourquoi avoir fait semblant de l'être ? »

« N'aurais-je pas été qu'un simple voyageur si je n'avais pas accaparé votre attention ? » Elle avait envie de répondre par la négative mais s'abstint, certaine qu'elle l'aurait remarqué même sans cette petite altercation, parce que Dave faisait partie de ces personnes qu'on croise, qu'on ne revoit jamais mais qu'on n'oublie pas aisément. Un souvenir grisant sans suite. Un fantasme lointain.

« Vous savez que j'ai encore votre veste en cuir ? » L'informa-t-elle dans un moment de silence.

« Vous me la rendrez la prochaine fois » Répondit-il. Pour Emma, ça signifiait que Dave appréciait sa compagnie et qu'il souhaitait la revoir ! Elle aurait presque eu envie de sauter de joie si elle ne s'était pas sentie aussi observée.

« Qui vous appelle si constamment ? » Demanda Dave en fixant le portable d'Emma qui résonnait, sur la table. Emma ne voulait pas décrocher parce qu'elle ne voulait pas que le charme d'une si belle journée soit brisé.

« Pas tout de suite. J'ai déambulé dans les rues de New York. Vous savez, quand le chagrin vous prend, il n'y a rien de tel pour oublier que de marcher sans but dans cette grande ville. Il y a tant de choses à voir, à sentir, à goûter, que l'esprit est vite accaparé »

« Je comprends. Vous êtes-vous sentie mieux après cette promenade ? » S'enquit-il

« New York ne soigne pas mais apaise » Emma ajouta avec tact. Les doigts de la jeune femme s'amusaient à faire tourner l'eau gazeuse que contenait son verre.

Il affirma ces dires d'un hochement de tête. Il connaissait bien les sentiments que sa voisine de table évoquait, il en était souvent la victime. Plus d'une fois, il avait pris son manteau pour sortir dans le soir dans le but d'oublier sa peine.

New York avait l'effet grisant de l'alcool. Pendant un moment, on se laissait aller, bien à l'abri dans cette foule humaine qui était insensible. Le Chagrin, la Peine, le Désespoir, comme pour éviter d'avoir des témoins encombrants, vous laissaient tranquille temporairement. C'est seulement dans la pénombre de votre chambre que vous pouviez retrouver ces vieux copains que sont ces sentiments, qui vous happent sans plus de cérémonie.

« Aimez-vous votre vie ? » Le questionna Dave une fois qu'il ait pris conscience de son silence prolongé à la table.

Emma fut d'abord incapable de parler, comme si elle ne comprenait pas la question puis elle songea à élaborer une réponse.

« Je ne me plains pas. J'ai un frère et une future belle-sœur que j'adore, des parents qui me soutiennent quoi que je fasse et un travail qui me tient occupée »

« Il y a quelque chose que je ne comprends pas en vous » Prononça le jeune entrepreneur après avoir bu une gorgée du vin rouge – le meilleur et aussi le plus cher de la carte – qu'il avait commandé. Il reprit :

« Vous ne cessez de parler de votre famille et de votre travail mais jamais de vous comme si vous vouliez vous convaincre que vous êtes heureuse » Emma eut tout d'abord du mal à digérer cette information, les mots se mélangeant dans sa tête. Et soudain, tout s'éclaira, tout pris sens.

« Je pense pouvoir m'estimer heureuse » Fut les seules paroles qu'elle prononça parce qu'elle ne trouvait pas d'autres explications, elle n'avait jamais vraiment pensé à ça avant. Elle se disait heureuse devant les autres parce qu'elle croyait l'être. Au plus profond d'elle, elle savait qu'elle était comme seule sur un bateau qu'elle ne savait pas faire naviguer. A tout moment elle pouvait chavirer et se laisser attirer par l'écume sombre. Elle sourit à Dave et lança un autre sujet de conversation, consciente qu'en moins de cinq minutes, il l'avait percée à jour.

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Que pensez-vous du fait qu'Emma entre dans la salle en pleine réunion ? Du repas en tête-à-tête ?

N'hésitez pas à commenter, à voter et à partager mon histoire si vous l'appréciez :) Cela me ferait très plaisir! xx

10 000 mètres au-dessus de l'Atlantique [terminée - correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant