Paris, 18ème arrondissement √
9h56
Emma faisait les cent pas dans son petit appartement dans l'espoir que ce minime effort physique chasse Dave de ses pensées. Évidemment, ça ne servait strictement à rien puisqu'il était constamment ancré dans son esprit et que sans cesse elle se remémorait les moments tendres passés à ses côtés. Elle se maudissait quelquefois de lui donner tant d'importance alors qu'elle n'avait aucune idée si, de son côté, Dave pensait à elle de la même manière. Le matin, elle se fixait une mission : celle de ne pas trop fantasmer sur cet homme devenu inaccessible mais, même si sa volonté d'accomplir ses souhaits était forte, la passion qu'elle vouait à Dave l'était bien plus. Il fallait qu'elle se rende à l'évidence que l'oublier ne menait à rien, il fallait juste qu'elle apprenne à penser à lui avec plus de recul.
Souvent, quand elle allumait son ordinateur, elle se jetait sur la barre de recherche et tapait son nom entier rien que pour admirer les photographies qui peuplaient le net. Elle l'adulait comme si elle était une adolescente éprise de son idole et tout alors lui paraissait lointain, vague et elle se demandait souvent si elle n'avait pas rêvé d'avoir entretenu une relation particulière avec cet homme qui apparemment l'avait chassée de ses pensées. Il n'avait pas appelé depuis qu'il était parti et cela faisait exactement cinq jours qu'Emma était sans nouvelle. Elle avait essayé de le joindre plusieurs fois en vain, Dave était introuvable et elle ne put s'empêcher de se dire qu'il fallait qu'elle lâche prise. Le sixième jour, elle sentit la colère monter en elle. Non seulement il lui avait fait la promesse de l'appeler mais il semblait avoir tiré un trait sur tout ce qui s'était déroulé ici en France. Elle aurait pu lui envoyer un message hargneux, voire blessant mais elle ne voulait pas paraître comme les autres jeunes femmes qu'il avait dû connaître avant. Elle aurait aimé être plus encline à se raisonner mais il lui semblait que Dave avait emporté avec lui son sens de la réflexion. Au bout d'une semaine, elle n'allait déjà plus chercher des images sur internet mais elle pensait toujours à lui en soupirant faiblement.
Il l'appela au bout du huitième jour, lui qui n'avait pas daigné la rappeler avant. Elle prit le loisir de ne pas répondre et même si elle regrettait son geste, elle se sentit mieux comme si elle avait enfin repris le contrôle de sa vie.
*
La pénombre qui avait gagné les rues ne surprit pas Emma quand elle les observa du haut de son appartement en coinçant un pan du rideau derrière une chaise. Le vent dehors devait être fort puisque les branches des platanes dénudés s'agitaient dans tous les sens. La jeune femme entrebâilla légèrement la fenêtre et dut la refermer aussitôt après avoir reçu une bourrasque d'air glacé à la figure. Tout en regardant les allées désertes, elle soupirait, se demandant pourquoi elle avait accepté de sortir à nouveau avec Camille qui était accompagnée de Luke, celui-ci ayant fait le déplacement pour voir sa petite-amie. Elle ne savait même pas où ils se rendaient, à vrai dire, elle s'en moquait éperdument.
La robe qu'elle portait était presque semblable à celle qu'elle avait mise le soir où Dave l'avait invitée au restaurant. Sa toilette était verte et fendue et épousait ses formes avec élégance, pourtant elle se trouvait tout sauf élégante ce soir-là.
Que pensait-elle encore de cet homme qui menait dorénavant une autre vie en Amérique ? Indéniablement, Dave lui manquait ; la jeune femme s'était vite rendue compte que retourner à son ancienne routine n'était pas aussi simple que ça le paraissait. Elle avait pensé qu'au bout d'une semaine de pleurs, de gémissement et de colère, sa cure serait tout à fait terminée et qu'elle pourrait recommencer à nouveau à vivre comme avant. Mais étrangement, chacune de ses pensées se dirigeaient vers ce beau jeune homme bien qu'elle mette tout en œuvre pour l'effacer de son esprit. Elle se détestait d'avoir un tel penchant pour quelqu'un qui n'avait apparemment aucune minute à lui consacrer. Il avait essayé de la joindre encore sur son portable juste après son premier appel mais elle n'avait fait aucun geste, ayant préféré l'observer dans un silence pesant mais en ressentant quand même une certaine once de contentement : les jeux s'étaient inversés. Seulement, quand elle n'entendit plus la sonnerie de son téléphone, elle sut que c'était le dernier pas que faisait Dave vers elle et elle ne put s'empêcher de se sentir vraiment seule. Il ne la rappellerait plus après ça, il devait d'ailleurs posséder de bien plus belles conquêtes qu'elle et il avait dû se rendre vite compte que le jeu n'en valait pas la chandelle. Après tout, elle n'était ni dotée de jambes longues et infinies ni de belles lèvres pulpeuses alors comment avait-elle pu imaginer qu'elle avait attiré le regard du bel entrepreneur ? Comment avait-elle pu un instant croire qu'il lui suffirait d'être elle pour qu'il reste ? Elle n'était ni mannequin ni assez effrontée pour rendre une visite à Dave et lui montrer ce qu'elle pensait véritablement de lui, elle qui avait déjà du mal à faire ses courses sans se ridiculiser d'une manière ou d'une autre. Elle ressassait le baiser échangé à l'aéroport avec une pointe de nostalgie tout en désirant secrètement plus - bien que maintenant elle savait qu'elle devait tirer un trait sur ces instants qui devenaient au fur et à mesure plus douloureux. Jamais elle n'avait été aussi intimement liée à quelqu'un, jamais elle n'avait autant désiré un homme. Il lui semblait que tous ses membres s'embrasaient quand il était près d'elle, qu'elle était prête à tomber en pâmoison à tout instant. Mais il ne faisait dorénavant plus partie du paysage et elle devait apprendre à vivre sans.
VOUS LISEZ
10 000 mètres au-dessus de l'Atlantique [terminée - correction]
RomanceQuels sont les chanceux qui peuvent se vanter d'avoir fait une rencontre opportune à 10 000 mètres d'altitude ? * Elle détacha ses bras de son cou et se recula pour mieux l'apercevoir. Dieu qu'il était beau sous la clarté de la lune ! Que ses...