10 000 mètres au-dessus de l'Atlantique [terminée - correction]

21. Dans un avion, Atlantique

Dans un avion, au-dessus de l'Atlantique √

12h46

Elle ne pensait qu'à lui, à cet homme qui tenait une si grande place dans sa vie dorénavant, à cet homme qui se trouvait quelque part dans cet avion. Elle voulait se mentir à elle-même, se dire qu'elle ne l'avait pas espionné mais c'était naturellement un mensonge. Elle n'avait cessé de le dévisager, de croiser son regard ce qui l'avait fait plus d'une fois rougir de confusion. Elle poussait son chariot rempli de plateaux repas dans la grande allée avec la pensée que chaque pas qu'elle faisait le rapprochait d'elle. Elle connaissait par cœur le numéro de son siège et elle comptait combien de personnes elle aurait à servir avant de se trouver devant lui.

« Je désirerai une coupe de champagne » Répéta le vieux monsieur qu'elle servait en obtenant finalement son attention car depuis quelques secondes, elle avait été tout accaparée à observer Dave qui mâchonnait le bout d'un crayon, la mine sérieuse et plongée dans des dossiers très importants, semblait-il. Elle détourna son regard de celui qu'elle aimait et offrit un sourire poli au monsieur avant de lui servir ce qu'il désirait. Elle poussa son chariot une nouvelle fois. Il lui restait juste deux personnes avant de tomber nez-à-nez avec Dave. Elle ne savait si son cœur allait résister à tous ces soubresauts mais elle essaya de se composer une mine qui ne trahisse pas ses sentiments enflammés.

Plus qu'un siège et elle se tiendrait devant lui, se répétait-elle inlassablement. Malheureusement, il fallut qu'elle tombe sur une de ces personnes qui se croyait tout permis. Assis sur le siège juste devant Dave se trouvait un homme d'une trentaine d'années habillé d'un costume impeccable qui venait de sortir de sa sacoche un paquet de cigarettes. Elle l'observa incrédule avant de l'arrêter dans ses gestes.

« Il est formellement interdit de fumer ici monsieur, aussi je vous prierai de ranger ce paquet de cigarettes » Dit-elle, lui rappelant les consignes de sécurité. Tandis qu'elle s'attendait à ce qu'il s'excuse, elle obtint un regard noir, supérieur. Il la scruta méchamment, la toisant. Pour lui elle n'était rien qu'une hôtesse de l'air, qu'une personne inférieure.

« Je n'en ai rien à foutre de tes consignes. J'ai payé mon billet assez cher » Osa-t-il répliquer et elle faillit s'étrangler.

« Je suis désolée mais les règles de sécurité s'appliquent à tout le monde » Répondit-elle, gardant son calme comme elle le pouvait. Elle était seule face à ce client inconscient des risques qu'il faisait encourir aux autres ; Camille se situait à l'autre bout de l'avion. De plus, elle ne voulait pas paraître trop incompétente en appelant sa meilleure amie à la rescousse. Certes, Emma avait déjà eu affaire à des personnes obstinées mais jamais à ce degré.

« Ah oui ? Et tu sais qu'avec tout mon fric je pourrais te faire facilement virer ? » Ajouta-t-il d'une voix empreinte d'irascibilité qui faillit faire perdre les moyens à la jeune hôtesse. Elle se retint de lui envoyer un soufflet mais elle ne put s'empêcher de s'énerver.

« Mon travail n'a rien à voir dans cette histoire » Et soudain, elle le vit allumer sa cigarette dans un élan de colère « Eteignez tout de suite cette cigarette ! » Dit-elle assez fort pour que les passagers de la première classe se retournent vers elle et la dévisagent. Elle crut un instant défaillir sous toute l'attention qu'elle captait. Même Dave l'observait curieusement, sans comprendre.

« Je vais me répéter : je n'en ai rien à foutre de tes consignes » Et sur cette phrase, il tira une bouffée de sa cigarette pour la souffler sur Emma.

« Je vais me répéter moi aussi : vous éteignez cette cigarette ou... »

« Ou quoi ? » Osa-t-il demander d'une voix où l'amusement pointait. Il se moquait d'elle ouvertement et elle ne pouvait pas entrer dans son jeu parce que son activité professionnelle l'interdisait. Elle se contenta de s'emparer brusquement de la cigarette et d'écraser le mégot sur le chariot métallique sous les yeux remplis de haine du trentenaire.