34. New York, Aéroport John-F. Kennedy

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New York, Aéroport John-F. Kennedy√

10h16

Bien qu'autour règne une forte effervescence, Emma se sentait plus seule que jamais. Sa valise à ses pieds, elle attendait. A côté d'elle, ses parents parlaient bruyamment, vantaient la beauté de leur belle-fille et s'offusquaient des collègues peu cordiaux de Julien. Elle avait décidé de rentrer avec eux, chez elle, là où elle appartenait vraiment. Elle était étrangère à New York et à son tumulte, elle n'avait plus sa place ici. Le seul américain qui aurait pu la retenir sur ce continent était probablement loin, sans désir de revenir. Comme à Paris, rien ne la retenait ici. Julien et Pamela vivaient leur grand amour dans leur appartement luxueux, préférant remettre leur lune de miel après la naissance de leur enfant ; Camille recevait la visite de Luke à Paris et elle, n'avait rien à part ses origines et ses parents. L'Auvergne lui manquait : les champs verts et les pâturages pourraient peut-être éteindre sa douleur, les personnes qu'elle connaissait depuis longtemps permettraient probablement de rendre l'absence de Dave moins douloureuse. Dans sa main, le billet de retour. Elle s'y accrochait comme un naufragé à sa bouée. Ce simple bout de papier qui menait vers deux directions : elle pouvait soit prendre cet avion et s'envoler loin d'ici, soit le déchirer en morceaux et se sentir esclave de sa douleur. La pensée de retourner dans cet appartement vide et silencieux l'empêchait de faire demi-tour et de courir vers la sortie. Elle signait son futur ainsi, choisissant la certitude de moins souffrir à celle de vivre en ayant peur d'être moins aimée un jour. La nuit dernière, tout lui semblait clair. Maintenant elle n'était plus certaine d'elle.

« Granny sera tellement heureuse de te voir ! » S'exclama sa mère, enchantée tandis que son père regardait pour la centième fois le tableau d'embarquement. Aucun des deux n'était au courant de la situation périlleuse du couple : Claire aurait sûrement poussé Emma à rester en Amérique quant à son père, Emma était certaine qu'il lui dédierait un regard qui disait à quel point il ne s'était pas trompé sur la nature de ce jeune homme.

« Tu as la mine fatiguée. Quelques jours à la campagne te feront le plus grand bien » La jeune femme avait pour idée de rester bien plus que quelques jours. Si elle pouvait rester à la ferme sans que ses parents ne se doutent de rien, elle serait bien restée. Malheureusement, elle devait prendre en compte son retour sur la capitale. « C'est tellement dommage que Dave ne puisse pas nous accompagner, je suis persuadée qu'un séjour à l'air vivifiant l'aurait changé de cette pollution ! » Même si Emma avait voulu rejeter Dave de ses pensées, il existait d'autres personnes pour ranimer ce sujet brûlant.

L'annonce de l'embarquement interrompit Claire dans ses déblatérations mais n'empêcha pas Emma de cogiter à propos de Dave et de sa disparition. Quand elle emboîta le pas à ses parents, elle se surprit à se retourner dans l'espoir de l'apercevoir bien que les chances soient infimes. En espérant, elle se torturait. Elle n'était pas l'héroïne d'un roman d'amour. Il fallait qu'elle cesse de se comparer à Jane Eyre ; comme la Princesse de Clèves, elle fuyait un amour mais aussi, contrairement à celle-ci, le duc de Nemours n'apparaissait pas à l'horizon. Dave n'était là, pourquoi serait-il venu ? S'il s'était rendu compte de son erreur, ne serait-il pas déjà retourné à la maison ? Avec beaucoup de doute, elle tendit son passeport. Une vingtaine de minutes plus tard, elle ne faisait plus partie du continent américain.

Seattle, Etat de Washington

3h45

Tous les sanglots qu'il avait refoulés s'échappaient maintenant, tandis qu'il se tenait à genoux, la tête posée sur le granit froid. Sa tristesse n'avait rien de pathétique et n'affectait en rien sa virilité. Un homme qui pleure, c'est un homme capable de ressentir alors pourquoi la société rangeait-elle ces personnes dans des cases ? Il n'y a rien de plus véritable qu'un homme pleurant. Dave ne perdait rien de sa dignité en se conduisant ainsi. L'homme dans toute sa splendeur effroyable. Son visage baigné de larmes était bouleversant : s'il y avait eu des personnes présentes en cet endroit, à cette heure indue, elles auraient respecté quelques instants de silence à la vue d'une telle détresse. Mais il était seul, comme il l'avait été durant ces quatre derniers jours. Il avait traversé l'Amérique dans le seul but de venir se recueillir à Seattle, ville qu'il n'appréciait pourtant que très peu. Les belles années qu'il avait vécues ici avaient été entachées par les moments douloureux. Les victoires de son équipe de football, les sorties en cachette et les si bons souvenirs d'enfance avaient été supplantées par la douleur de ses parents face à l'annonce effroyable de la mort de leur fille. Quatre ans que cette ville était hantée par le deuil de Lily, quatre longues années. Il n'avait pour cette ville, que peu de considération. New York était son refuge, son asile ; ici était son cachot.

10 000 mètres au-dessus de l'Atlantique [terminée - correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant