2. Aéroport Charles-de-Gaulle, Paris

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Aéroport Charles-de-Gaulle, Paris √

7 h 45 du matin

Emma se trouvait à l'aéroport depuis vingt minutes et regardait d'un œil distrait les voyageurs s'affairer avec leurs bagages. Elle était debout depuis cinq heures du matin car elle n'avait pas pu fermer l'œil de la nuit. Et le pire, c'était qu'elle avait beau avoir cherché la cause de son insomnie, elle n'avait trouvé aucune raison. Même pas un petit indice. Alors, assise à un stand qui vendait des boissons chaudes et des petits pains, elle était perdue et exténuée. Mais elle savait que si elle posait sa tête contre le dossier de sa chaise, elle n'arriverait pas à dormir. Son vol, pour son travail, n'était prévu qu'en fin de matinée mais comme elle préférait observer les passagers que de rester dans son lit où elle ne trouvait pas le sommeil, elle avait conduit à toute vitesse sa vieille Peugeot qui l'avait tant dépannée quand elle était encore étudiante. Maintenant, elle était devenue un déchet ambulant mais elle ne pouvait pas la vendre pour deux raisons : cette voiture était le symbole de sa jeunesse, du temps de l'université et elle se rappelait qu'elle avait été embrassée pour la première fois par un garçon sur la banquette arrière et aussi – la principale raison – parce qu'elle n'aurait pas vraiment les moyens de s'en racheter une neuve.

Elle quitta la table, laissa son gobelet de café dessus et quelques miettes de pain et suivant les indications des panneaux qu'elle connaissait par cœur, elle sortit dans le froid polaire. Un souffle d'air glacial semblait venir tout droit de l'Arctique et la congelait presque instantanément malgré la couche épaisse de ses vêtements. Elle fit de petits mouvements pour se réchauffer et alluma une cigarette. Elle avait du mal à actionner le briquet tant ses doigts étaient glacés par faute de ne pas être emmitouflés. Elle ne fumait presque jamais sauf quand elle en avait l'occasion (et heureusement pour elle, elle n'en avait pas toujours le temps). Emma était sans cesse en déplacement d'un pays à l'autre, jouant les hôtesses de l'air avec plaisir. Elle aimait son métier parce qu'elle, au moins, avait eu le choix de le choisir. Le seul problème c'était qu'elle ne pouvait pas avoir une relation amoureuse de longue durée. Ce n'était pas à cause de son physique ; elle était rousse avec de petites taches de rousseur et de grands yeux bruns pétillants de malice ; mais parce qu'elle était tout le temps en vadrouille et personne ne semblait vouloir attendre Emma. Alors, quand elle rentrait épuisée de longs voyages où elle avait dû s'occuper de voyageurs irritants qui affirmaient que la nourriture de l'avion était mauvaise, elle avait le moral à zéro en pensant que personne ne l'attendait à la maison et encore plus quand il faisait ce temps et qu'elle trouvait son petit appartement plongé dans le noir et dans le froid. Elle en frissonnait souvent d'avance.

C'était toujours le même depuis l'Université. Autrefois, elle aimait ce petit studio sous les toits parce que ça avait quelque chose de charmant, de rustique. Et puis, elle était plus jeune et tout aurait été bien pour elle à cette époque, même un taudis. Elle se rappelait avoir appelé ses parents et leur avoir crié au téléphone « Mon dieu, j'habite à Paris ». Elle qui venait d'un petit village du centre de l'Auvergne, posséder ne serait-ce que quelques mètres carrés dans la capitale, l'avait rendue folle de joie et elle s'était empressée de le raconter à sa famille. Ses copains de l'Université, qui tous habitaient à Paris depuis leur naissance, avaient ri de son caractère enjoué. Ils ne pouvaient pas comprendre, eux qui avaient baigné depuis leur enfance dans cette ville bruyante. Ils étaient habitués à la Tour Eiffel, au Panthéon, à la cathédrale Notre-Dame. Ils ne faisaient plus attention aux monuments alors qu'Emma, elle, leur rendait hommage à chaque fois qu'elle passait devant. Elle avait aussi cette manie de se documenter sur chaque pierre qui formait la ville et cela excédait secrètement ses amis.

Mais, avec le temps, elle avait commencé à se rendre compte que son habitation comportait mille et un courants d'air, que le seul radiateur électrique tombait sans cesse en panne et que les plaques de gaz dans la cuisine-salle de bain faisaient souvent de leurs siennes.

10 000 mètres au-dessus de l'Atlantique [terminée - correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant