Seattle, √
11h32
Un silence terrifiant accueillit la jeune femme ainsi qu'un courant d'air froid. Elle grelottait à présent et regrettait la tiédeur de l'extérieur. Elle ferma avec précaution la porte derrière elle pour ne pas qu'on la remarque. Ensuite, au lieu d'aller s'asseoir, elle chercha des yeux celui pour lequel elle avait parcouru 8 000 kilomètres. L'église était bondée, des gens se mouchaient discrètement ou laissaient perler quelques larmes. Emma n'avait jamais été croyante, elle avait eu droit au baptême mais ça s'arrêtait là. Ce qui la frappa c'est qu'il régnait une certaine sérénité dans ce grand bâtiment. Si Dieu devait être quelque part, il était là, dans cette église, suivant la cérémonie. Les vitraux laissaient pénétrer des rayons de lumière qui coloraient le sol de l'église ; elle était presque béate, se tenant encore près de la sortie car elle n'avait pas trouvé la force de faire un pas vers le dernier banc. Il régnait dans l'église un silence religieux que tout le monde respectait. Quelquefois, ce mutisme était brisé par le son presque imperceptible de sanglots. Emma était certaine que plus de la moitié des gens rassemblée ici ne connaissaient pas la défunte qui reposait dorénavant dans le cercueil ouvert, juste devant l'autel. Même de loin, elle pouvait sentir la présence réconfortante de la fillette : Daisy n'était pas totalement partie, son corps avait été vaincu mais son âme vivait quelque part dans cette église.
Elle ne l'avait pas aperçu auparavant, non, elle en était sûre et certaine. Et pourtant, il était là, devant le pupitre en bois, le prêtre à ses côtés comme si le vieux monsieur pouvait lui apporter une aide spirituelle. Elle le sentit défaillir, prêt de s'effondrer mais aucune larme ne coulait sur son visage. Il était terne mais le désespoir qu'il essayait vainement de cacher ne pouvait pas être dissimulé aux yeux de son amante. Il était cruellement beau dans son costume noir mais d'une beauté dangereuse. Habillé ainsi, il aurait pu charmer la mort, lui susurrer de lui rendre ce qu'il avait de plus cher. Il paraissait fort mais il était en vérité, fragile, vulnérable désormais. Emma ne l'avait jamais vu dans un si piteux état. Il commença à prendre la parole.
« Je voulais d'abord tous vous remercier d'être ici parmi nous » Dave buta ensuite contre les mots comme s'il avait perdu le sens des paroles. « Elle n'aurait pas dû mourir. Ce n'était qu'une enfant qui méritait le meilleur de la vie et qui n'a connu que les chambres impersonnelles des hôpitaux. Ces moments-là, on ne devrait les connaître qu'à l'heure de mourir, que quand on atteint un âge qui ne permet plus au corps de continuer sa rude existence. A dix ans, elle s'était déjà habituée aux allers-retours vers la clinique. Ce n'est pas à cet âge-là qu'on doit mourir. Daisy... » Il gémissait presque de douleur et Emma, bien que ne pouvant supporter le fait que Dave souffre autant, restait muette et immobile. Et soudain, il la vit, se tenant sans bouger dans l'allée, dans une simple robe noire tel un ange déchu. Il pensa à Daisy dont les dernières paroles lui revenaient à l'esprit « Laisse toi aimer par les autres ». Il n'en pouvait plus de paraître fort, courageux, bordel ! il n'était qu'un humain, las. Emma le voyait ainsi, elle le voyait entièrement dans toute sa splendeur mais aussi dans toute sa faiblesse. Elle savait qu'il n'allait pas bien, elle le comprenait mieux que quiconque. Comment faisait-elle pour pouvoir sonder ainsi son âme ? Tous les yeux étaient braqués sur sa personne mais lui ne regardait que la jeune femme qui esquissa le plus simple des sourires, celui qui vous donne envie de courir vous réfugier dans les bras de celle qui vous l'offre. Il descendit prestement de l'estrade et courut vers elle. Il se nicha dans ses bras et laissa la peine le submerger. Elle ne disait rien, elle ne prononçait pas les mots que tant de personnes lui avaient soufflés à l'oreille « tout ira bien ». Rien n'irait bien mais avec Emma tout irait mieux. Il la serra plus fortement contre lui avec l'impression que Daisy les couvait du regard, d'un œil complice. Il ne lâcha pas Emma même quand sa mère fit son apparition derrière lui et qu'elle lui frotta gentiment l'épaule. Il foutait en l'air le bon déroulement de la cérémonie mais Daisy lui avait fait clairement comprendre sa mission. Cette fois-ci, il ne ferait plus les mêmes erreurs, enfin, il espérait.
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10 000 mètres au-dessus de l'Atlantique [terminée - correction]
RomanceQuels sont les chanceux qui peuvent se vanter d'avoir fait une rencontre opportune à 10 000 mètres d'altitude ? * Elle détacha ses bras de son cou et se recula pour mieux l'apercevoir. Dieu qu'il était beau sous la clarté de la lune ! Que ses...