« Crois-moi sur parole tu peux remplacer des poumons mais surement pas une daronne.»
Bon assez cogiter ! Je sors !
Je franchis enfin cette porte, fermant ainsi cette demeure détenant tant de peine et où flotte tellement de tristesse...
Je quitte cette demeure avec cet espoir d'y revenir et d'y voir de nouveau régner la joie, l'esprit de famille comme d'entant. Cette joie, c'était toi. Je quittais la maison le cœur lourd, lourd de devoir te laisser ; j'en venais même à être pressée de rentrer pour revoir ton doux visage un petit peu ridé. Mais, aujourd'hui, plus rien n'est pareil ; je quitte ce logis contente, contente de fuir cette mélancolie qui nous habite. Je crains le moment de rentrer et de voir ses visages marqués par la tristesse d'avoir perdu un être cher. Ainsi va la vie, nous sommes à Allah et vers lui nous retournerons, n'est ce pas ? Oui, j'en suis certaine.
J'sors donc de cette cité HLM pour rejoindre un semblant de civilisation, d'éducation et surtout côtoyer des gens ayant un avenir...
Je prends mon bus, les idées pleines la tête, les questions me tourmentent sans trop savoir quelles réponses y donner.
Sur le chemin, je vois pleins de gens sourire, rigoler mais pourquoi, moi, Nessma en suis-je incapable ? J'ai perdu le goût à la vie depuis que tu m'as quitté, depuis que tu nous a laissé yemma. Ce jour où j'ai appris malgré moi que tu allais nous quitter, j'suis morte de déshydratation, toute l'eau que détenait mon corps s'est échappée sous forme de perles salées...
Cette scène ne me quitte plus, tant de scènes tristes ont tatoué mon esprit. Celle-ci fait parti du top 3.
Je vous revois baba et toi dans le salon, assis entrain de boire un bon thé au ne3 ne3 (*menthe*) ; ce thé qui me manque et que toi seul faisait si bien. Vous étiez là, tu étais nichée dans le creux de son bras lui disant « Adnane, c'est fini. Ce monstre m'a eu », et baba qui te regardait ne pouvant qu'acquiescer cette nouvelle. Il le sentait, vous le sentiez. Tu as rajouté j'me rappelle encore « Je veux mourir au Maroc, je veux qu'on m'enterre au Maroc près de mes parents ». Baba s'est contenté d'approuver par un énorme bisou sur le front et une étreinte retraçant votre vie de couple. Cette fichue scène que je n'aurais jamais du voir et dont tu nous a jamais parlé me hante, comme toute les autres qui ont précédé ton départ yemma.
Le jour où tu nous a annoncé notre départ au Maroc était pour les autres un énorme soulagement mais pour moi c'était le début de la fin. J'savais ce que toute cette maison ignorait, je pensais à des choses qui n'effleuraient même pas l'esprit de Yassine, de Redouane, de Khadija ; quant à Nahla et Sofya trop jeune pour comprendre que leur mère rentrait au pays mais ne reviendrait plus ici, laissant son corps au-delà de la Méditerranée. C'est ça, mon cœur est prisonnier de cette mer, j'ai laissé mon amour là bas contre mon gré.
C'est cette scène que je revis chaque soir que Dieu fait, à chaque instant où mes yeux se ferment. Chaque moment de répit me rappelle que tu n'es plus là... Yemma je t'aime tu me manque. J'me rappelle encore quand tu as appris ta maladie, ce fichu cancer : « ce monstre » comme tu l'appelais pour ne pas t'avouer la chose, tu avais si peur. Et moi, j'ai si mal yemma, tellement mal d'être impuissante face à cette situation. Je ne regrette rien, c'est le mektoub après tout. Mais j'aurais tellement aimé qu'Allah te laisse auprès de moi quelques années de plus, que tu me vois me marier, que tu embrasses tes petits enfants... Tant de rêves que le temps saura gommer.
Sur ce trajet qui mène à la réussite toutes mes pensées te sont destinées. Cette épreuve m'a fait grandir, ma foi a grandit avec toi. J'avais certes la foi, je priais mais j'étais dans une phase où ta maladie embrumait mon cerveau et mon corps, au lieu de loué notre Seigneur pour l'implorer de te laisser auprès de moi j'ai délaissé ma Salât. Allah smahni (*Dieu pardonne moi*) Je m'en veux yemma, si j'avais tenu bon pour moi, pour toi... Non je n'ai pas le droit d'aller contre la volonté de Dieu. Tu es partie et j'espère que ta destination sera le paradis... Tu t'es éteinte à l'âge de 45, et je dis bien éteinte car tu étais pour moi ma lumière, mon modèle, ma lueur dans la pénombre. Une malédiction, tu disais. En effet, grand-mère est partie à l'âge de 45, Khalti (*Tata*) Souad est aussi partie à l'âge de 45... ALLAH Y RAHMEK YEMMA
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Hassoul, j'arrive enfin à l'université, lieu où les rêves deviennent possibles où la réussite n'est pas une utopie...
J'entre dans cette salle immense, je ne prête même pas attention aux étudiants ; je pars m'installer là où il y a de la place. J'écoute le cours attentivement, ce serait bête d'en perdre une miette alors que j'ai déjà loupé une bonne partie. En parlant de cours, à la fin de celui-ci, Soumaya est venue à ma rencontre.
- Soumaya : Salam a3leykoum ma sœur
- Moi : A3leykoum Salam
- Soumaya : J'ai ton cours hbiba, j'ai galéré à tout faire dans la soirée mais j'ai réussi
Elle me tend une pochette en carton avec écrit sur un post-it « Pour Nessma ». Pourquoi était-elle si gentille avec moi ? Je ne mérite pas d'affection, j'ai un regard vide, mon cœur est glaciale et en même temps si chaud que je m'y perds moi-même. Elle est attentionnée envers moi, et je dois dire que ça me plait assez. Ça fait tellement longtemps qu'on ne m'a pas parlé sans arrière pensée, sans vouloir profiter de ma situation de fille fragile. La mort de ma mère m'a transformé, moi qui a toujours été de nature discrète et réservée cette discrétion est devenu un profond mal-être. Je crains le rapport avec autrui, de peur qu'on me détruit... Je suis devenu froide avec tout le monde, mon sourire s'est figé et ne veut plus rien dire. Une simple forme de politesse pour ne pas montrer que je vais mal sur mon faciès.
-Moi : Ah, merci c'est gentil. Merci
-Soumaya : Tu m'as dit deux fois merci. Donc, de rien de rien Mdrrr
Un moment d'hésitation, je ne savais pas comment m'y prendre avec cette parfaite inconnue. Mes rares amies savent comment je suis, je suis froide et assez directe mais elle comment va-t-elle comprendre mon comportement ?
Elle me sortit de mes pensées en me demandant d'aller manger un truc au grec d'en face. J'accepte, tout simplement parce que la bouffe et moi ça fait 1. J'aime manger, j'ai noyé mon chagrin dans la nourriture et c'est certainement pour ça que mes formes sont généreuses. Cela dit je n'ai jamais eu de problème avec ça. Je ne suis pas complexée plus que ça bien que j'aurais aimé avoir une taille de guêpe mais que voulez-vous.
Donc, on file manger, on discute mais je reste sur la défensive. Cette défense qui m'a évité bien de problèmes. La solitude est ma femme, je me sens bien quand je suis seule quoi qu'une fois seule je pense à ma mère c'est certainement pour ça que la solitude est ma femme, yemma tu es ma femme.
La journée s'finit sans trop de soucis, les cours sont assez durs mais je tiens le coup pour ma famille ; pour notre future maison avec un jardin, notre future sortie de cette cité HLM.
Je rentre à la maison le cœur serré, la misère au « bout du couloir ». J'mets les clés dans la porte, j'peux entendre mes petites sœurs chahuter à travers cette porte blindée.
J'entre, « Bismillah ». Je me dirige d'instinct vers le petit salon où s'repose mon père après le travail. Je l'embrasse et lui demande comme ça va et sa réponse est la même à chaque fois « ça va benthi labes hamdoulilah », à ses mots je peux y déceler la peine, la tristesse d'avoir laissé partir sa moitié, son amour, sa femme...
Je dépose mes affaires, je me change, rattrape mes prières... Je vais dans la cuisine, c'est comme un automatisme depuis le décès de yemma la cuisine est devenue mon refuge, j'y laisse parfois couler des larmes en pensant à toutes ces fois où nous avions cuisiné de bons petits plats ensemble, où nous les avions dégusté tous ensemble autour d'une même table nous racontant nos journées... Mais ce temps est révolue, notre famille n'en est plus une, mes frères découchent, mon père ne mange plus.
J'en peux plus de cette situation, faut vraiment que je mette les choses à plat avec elle.
- Moi : KHADIJA VIENS LA STP !!!
http://www.dailymotion.com/.../xh42pc_l-oeil-de-ma-mere...
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Chronique de Nessma : Ma vie en kilodrames
Romance« On s'enlace tendrement. Nous venions de nous promettre la vie, de signer pour un amour éternel. Aujourd'hui on écrit notre histoire... »