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« Soudain un buisson s'embrase, je vois les quartiers bruler. Des frères s'entretués pour du biff mal calculé. La cité a perdu sa tête décapitée »

Hein ? Espagne ?

Il a bien dit " arrêtes de jacter pour d'la merde", il m'a réduit à une merde maintenant.

Mais, il va faire quoi en Espagne avec son pote là ?

Heeeen ! Mais, je sais ! Naaan, pas ça. J'avais des doutes mais ils se sont transformés en certitudes.

Voir ma chair de ma chair, mon sang tomber aussi bas me désole ; je me dis que tout ce que nous à inculqué yemma n'a servi à rien. C'est donc ça ? Yemma n'est plus que du vent pour eux ?

Finalement je m'endors pleine de désillusion...

Le lendemain matin même routine, une routine qui me brise les reins, qui m'assassine le cœur.

Je prépare le déjeuner de mon père, je prends soin d'y mettre tout mon amour avec cet espoir qu'il y trouve un peu de bonheur. Je m'occupe de mes deux petites jumelles, mes perles. Les seules qui ont réussi à garder leur insouciance dans cette demeure ou règne la souffrance, le silence.

- Yassine : NESS !

- Moi : Oui je suis dans la chambre des filles.

Il arrive, me regarde et esquisse un léger sourire. Je ne peux m'empêcher de penser à sa conversation téléphonique de la vieille, moi, une merde ? Et tu penses certainement que la merde que je suis, je vais te faire l'honneur de te faire ta valise ? Tu peux rêver mon coco.

On se fixe silencieusement, attendant la première parole de l'autre. Cependant il décide enfin de briser ce silence rythmé par mes gestes ménagers.

- Yassine : Tu peux me faire ma valise ?

- Moi : En quel honneur ? Tu pars ou ?

- Yassine : Jacte pas pour rien stp ; tu me l'as fais ?

- Moi : Ou tu vas ?

- Yassine : PARLES PAS POUR RIEN ZEUBI.

Il se rapproche de moi, je sens son souffle qui s'accélère. Je peux voir ses mains se crisper. C'était devenu notre quotidien, un quotidien où le silence et les coups sont rois. Je maintiens tant bien que mal le regard mais le sien me glace le sang, il me fait peur. Oui, ce regard de haine, de colère et surtout de tristesse me fait peur. J'ai peur d'y voir la tristesse du monde, d'y voir des larmes qui n'ont jusqu'à présent jamais coulées. Je décide tout de même de prononcer quelque chose quitte à me faire frapper par cette main qui autrefois me caressait les cheveux.

- Moi : Tu... tu crois que je ne sais pas ?

- Yassine : Tu sais quoi sale bouffonne ?

- Moi : Tu pars en Espagne, je t'ai entendu hier soir en parler au téléphone.

Il me plaque alors violemment contre le mur, me regarde avec ce fichu regard dont j'ai horreur. Sa main en dit long sur ses intentions et pourtant je ne bouge pas, je reste stoïque face à sa colère, face à son mal-être qui se retranscrit sous forme de crise de violence. Je tremble, j'ai peur de mon frère. Moi qui me suis toujours jurée de ne craindre qu'Allah le Très-haut, je me retrouve aujourd'hui à craindre les coups de mon frère. Pourquoi notre famille s'est elle détruite yemma ? Pourquoi ta mort nous a rendu si étranger ? Tant de questions sans réponses ...

- Yassine : Petite bouffonne, tu m'espionne maintenant ?

- Moi : Non même pas, j'révisais quand tu es rentrée c'est pour ça que j'ai tout entendu.

Il s'éloigne enfin de moi, me laissant reprendre doucement un rythme cardiaque plus ou moins normal. De plus, il me tourne le dos, une façon pour lui de ne pas soutenir mon regard ; toute la pitié que j'éprouve pour lui est dans ce regard... Une fois de plus, il fuit la vérité. Il ne veut pas assumer ses responsabilités.

- Yassine : Ouais bah pourquoi tu me demande où je vais alors si tu sais ?

- Moi : Laisse tomber.

J'abandonne le combat, j'rends les armes. Je ne veux plus me battre contre mon frère, je ne veux plus perdre mes forces à lui faire comprendre que la vie ne s'arrête pas après la mort d'un être cher. Mais putain, je parle de ma mère là. J'arrive enfin à mettre un mot sur notre situation : « la mort ». Voilà ce qui a tué notre famille, décimé nos relations...

Tout compte fait, je vais quand même lui faire sa valise en prenant soin de ne rien oublier. Je rajoute des petites choses auquel seul une fille pourrait penser, tels que le nécessaire de toilettes etc.

Le jour du départ arrive enfin, il nous embrasse tous et en partant nous adresse un timide « je vous aime ». Les jours passent, mon père se fait du souci pour Yassine. Il assiste impuissance à sa descente aux enfers attendant patiemment qu'on ne l'appelle pour lui dire que mon frère est tombé. Quant à moi je m'accrochais à mes études, le seul refuge que j'avais pour fuir ma vie de famille chaotique...

« Je disais donc, la médecine a changé depuis ses dernière année. C'est fini le temps où l'on soignait le mal par le mal... » le professeur qui me sort de mes songes. Je tourne la tête, me rappelant que ce jour là Soumaya était absente. J'rêvassais comme à mon habitude, sauf que cette fois ci un regard était posé sur moi. Que me voulait-il ? Pourquoi me regard-t-il de la sorte ? J'ai une trace dû à ma sieste ? Je me regarde dans mon téléphone, aucunes traces. Bizarre.

Le cours se fini, je vais enfin rentrée chez moi ; aujourd'hui c'est le retour de Yassine. Je suis heureuse de le revoir malgré tout il reste mon frère, celui qui m'a longtemps conté des histoires pour m'endormir. Je repense souvent à cette époque et je me dis « Ce n'est pas possible que notre famille actuelle est été un jour celle que j'ai connu : soudée, aimante ».

Je sors enfin de cette salle mais l'inconnu au regard insistant m'interpelle...

" Ne perdez pas courage, ne vous attristez pas,

vous aurez le dessus si vous êtes de vrais croyants."

(Sourate 3/ Verset 139)

Chronique de Nessma : Ma vie en kilodramesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant