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« J'arrive à peine qu'ensuite ma mère s'envole vers le ciel. Chute libre dans un monde où j'en chie, où dès le départ ça devient le temps qui reste. Nico m'a dit : Dieu met à l'épreuve tous ceux qu'il aime. Si on touche pas le fond comment savoir qu'on est au sommet ? On renonce pas, on s'bat et pour l'avenir, ça promet. La vie est faite de pages sombres, de mystères, la mort c'est plus une étape mais un rencard « carpe diem ». Pas là pour aider nos vies mais plutôt vivre nos rêves, j'refuse de subir même au plus bas j'relève la tête. »

Une fois arrivé chez moi, j'ai foncé tête baissée dans la salle de bain afin d'éviter tout questionnement sur mon état. J'ai essayé d'enlever les traces de sang que j'avais sur mon corps mais saches qu'elles restent indélébiles, prisonnière de ma mémoire. Des bleus recouvrent la plupart de mes membres, ils finiront par s'estomper avec le temps.

En revanche il te faudra bien de l'endurance pour que je réussisse à te pardonner. Faut d'abord laisser le temps aux plaies qui pèsent sur mon morale de ce cicatriser.

Ouais, toi, mon frère, mon semblable t'as bien changé. Tu n'est plus la même personne, le Yassine d'entant a disparu pour laisser place à un inconnu. A l'époque, la seule chose que tu aurais osé poser sur moi, c'est un baiser en signe de ton respect. Mais, aujourd'hui, tu m'as roué de coups et tu n'y est pas aller mollo... Bien au contraire tu as frappé comme si j'étais un bonhomme. Les coups fusaient au rythme de mes battements de cœur.

Et ce qui m'a le plus blessé, ce n'sont pas les crochets du droit que tu m'envoyais... Nan, c'est l'averse d'insultes que tu prononçais à chaque coup porté. Ces injures, bien plus significatives les unes que les autres, qui montraient ton dégoût et ta lâcheté. Les mots que tu as employé m'ont brisé de l'intérieur, ta brutalité a piétiné mon cœur. Ce n'sont pas les ecchymoses qui jonchent mon corps qui me font mal, ce sont plutôt les hématomes que tu as déposé sur mon âme. Mes plaies sont rouges vif mais mon cœur, lui, saigne en indigo face aux poids de tes mots.

Au moment même où j'ai vu ton visage se décomposait et ton regard s'altérait, j'ai compris que Belzebuth avait imprégné chaque millimètre de ton épiderme. Tout ce que je ressens face à la saveur de tes poings, c'est de l'écœurement. Ce sentiment qui oppresse mon cœur et qui me donne la nausée.

Sans même chercher à comprendre le pourquoi du comment de la situation tu as frappé directement. Tu ne t'es même pas dit une seule seconde que jamais je n'aurais pu fréquenté, fricoté ou côtoyé une vermine telle que Jalil.

Par sa faute tu as sombré dans l'illicite et les trafics en tout genre et, aujourd'hui, à cause de lui, tu as perdu tout mon respect.

J'ai fini par me débarbouiller et sortir de la salle de bain. Je me suis rendue compte que la maison était vide... Personne à l'horizon, j'ai juste trouvé un mot dans le salon rédigé par Khadija. Elle me disait que, ce soir, elle mangeait chez sa meilleure amie avec Sofya et Nahla et que je ne m'inquiète pas, elles ne rentreraient pas tard.

Tant mieux, j'ai besoin de me retrouver seule avec moi-même, juste un moment de tranquillité.

J'ai même plus la force de pleurer, je pense mettre assez battu contre les démons qui tourmentent vos esprits. Petit à petit, sans que vous ne vous en rendiez compte, vous avez fini par consumer chaque parcelle de mon essence, vos mauvais génies ont donné l'amorce à mon asphyxie.

Chacun votre tour, vous avez baissé les bras en prenant des chemins opposés à ce que nous avait inculqué la madre. Son âme doit être tourmentée, voir sa famille exploser face au désespoir... C'est un attentat qu'on doit faire subir à son cœur...

J'ai honte d'avoir échoué. En fait, je m'en veux à moi-même, qu'est-ce que j'en sais du mal qui vous ronge en vérité ? En voulant vous tirer vers le haut, j'en ai oublié vos ressentis, grugé par les mensonges qui ont lobotomisé vos cerveaux.

On est différents et on ne fonctionne pas de la même manière. Chacun à son procédé pour éponger les épreuves de la destinée.

J'ai été ingrate parce que je me suis oubliée mais si moi-même je ne suis pas soigné, comment je pourrais vous apaisez ? En camouflant mon mal-être et en vous dissimulant les stigmates qui inondent ma cage thoracique, je vous ai emporté dans ma chute.

Avant de vous aider à traverser les épreuves de la vie, je me dois de reconstruire l'intérieur de mon cœur et comprendre pourquoi mes peines ne désemplissent pas. Je me rends compte de plein de choses...

Les filles ont finit par rentrer. Au début, Khadija n'a pas vu mon état... C'est bien plus tard dans la nuit qu'elle a remarqué... Je lui ai tout expliqué : Depuis l'après-midi avec Sou et Omran, la dispute avec Souheïla, le retour avec Jalil puis enfin la rage de Yassine.

On a décidé de ne pas dire la vérité à mon père, afin de le protéger (On lui a raconté que je m'étais interposée dans une bagarre de filles pour calmer le jeu et que ça avait dégénéré). Je ne suis pas fière de ce mensonge mais je ne pouvais pas lui dire que son fils m'avait tabassé, ça l'aurait anéanti.

Pour la première fois depuis longtemps, Khadija est resté éveillée à mon chevet. Sans m'en rendre compte, j'ai passé la soirée auprès de ma sœur. Elle m'a écouté parler une bonne partie de la nuit. Attentive, elle a su contenter mes frustrations.

Je me suis sentie protégée, cela devait faire six mois que j'avais perdu le sommeil mais, ce soir-là, j'ai réussis à dormir quelques heures. Aucun cauchemar n'est venu perturber mon sommeil.

Les jours, les semaines ont finit par s'écouler, nous sommes fin décembre. Le monde ne s'est pas arrêté, il tourne toujours... A moi de prendre sur moi et d'avancer. Suite à cette nuit, Yassine s'est absenté quelques jours, surement trop lâche pour assumer... Désormais, rien n'est plus pareil entre nous. De ma bouche, aucun son ne lui est adressé, sauf en présence de Baba, mais cela reste le strict minimum. Il n'a pas cherché à s'excuser mais je pense que la râclure qu'il appelle son frère a dû lui expliquer. Quand à lui, je l'ai croisé en bas de mon bloc, il s'est juste contenté de me taper son plus beau sourire.

La routine était mon quotidien. Khadija continuait à suivre le chemin du bien tandis que Yass se conduisait de plus en plus comme un chien. Afin d'arranger les choses, il ne faisait rien pour recoudre nos liens... Jusqu'à ce fameux soir ...

Abu Hurayra rapporte ces propos du prophète -sur Lui la Grâce et la Paix-: ''Que celui qui a offensé son frère dans son honneur ou de quelque autre manière, qu'il lui demande pardon immédiatement avant que n'arrive le jour où les dinars et les dirhams, ne seront d'aucune utilité. Sans quoi, s'il a à son actif de bonnes œuvres, elles lui seront ôtées dans une proportion relative à la gravité de l'offense. Et s'il n'a pas de bonnes œuvres à son actif il devra se charger des péchés de son frère." (Rapporté par Bukhari).

Chronique de Nessma : Ma vie en kilodramesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant