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« Ne lui dis pas que je regarde ses photos tous les jours, dis tout ce que tu veux mais ne lui dis pas que je l'aime toujours »



Je pouvais apercevoir les tours de bétons au travers de la vitre, retenant mes pensées prisonnières.
Par soucis de conscience, il ne me déposa pas devant mon bloc mais quelques immeubles plus bas. J'ouvre la portière et m'apprête à descendre quand soudain il me prend le poignet violemment et me dit :

« Nessma, tu fais la maligne mais un jour tu perdras »

Je n'ai pas prêté attention à son discours de vainqueur et je suis sortie.

J'étais heureuse de sortir de cette voiture qui emprisonnait mon esprit, il était comme déconnecté de cette fichue vie. Dans cette voiture je n'étais plus Nessma, petite banlieusarde qui trime pour réussir, pour rendre fier le père qui veille sur sa famille comme sur une pépite d'or brute, qui se bat chaque jours que Dieu fait pour garder un semblant de structure familiale. Dans cette prison de tôle, j'en ai oublié que ma sœur avait une réputation, que ma meilleure amie, en plus de toucher à la femme de ma vie, a touché a mon amour propre, que mes mains ont été souillées de son sang. J'en ai même oublié la présence de Jalil.

Je me dirige vers mon immeuble où je vois inlassablement les mêmes têtes, où j'entends sans cesse les mêmes discussions tournant pour la plupart autour du business.

Je monte chez moi, mon père est présent et absent à la fois.
C'est paradoxale de voir son père présent physiquement mais qui, mentalement, ère dans les couloirs du paradis à la quête de son amour perdu dans l'oubli. J'avais mal de le voir ainsi, de voir mes frères aveuglés par l'argent facile, ma sœur s'époumoner a crier son amour à Soryan.

La seule dose de joie, que cette famille maussade pouvait encore m'apporter, était mes deux petites princesses. Elles étaient ma bouée en plein mer, je m'étonnais parfois à vouloir avoir leur âge, me disant que la vie serait tellement plus simple. Mais je suis ici, dans cette appartement HLM, à contempler mes amours, à veiller jusqu'au petit jour, par peur d'oublier ton amour Yemma.
Amour rime avec toujours, alors saches que toujours mon amour te sera entièrement dédié, mes pensées te seront adressées, mes larmes, par ton souvenir, seront épongées.

* * * * * * * * * * * * *

Les saisons défilaient, les souvenirs se dissipaient dans un épais brouillard de regrets. Je regrettais un peu plus chaque jour ma vie d'autrefois où, Yemma, j'admirais ta bonne foi. Je n'arrive pas à croire que le silence que connait cette demeure est le résultat d'un grand malheur : la perte de notre pilier de nos cœurs.

Un après-midi comme un autre où je n'avais pas cours et où les taches ménagères m'emmenaient loin de mes tracas, Yassine est rentré à la maison ses chaussures pleines de boue.

- Moi : Yassine ! Tu pourrais faire attention, je viens de tout nettoyer là

- Yass : VAS-Y, TU M'LES CASSES LA NESSMA ! NETTOIES ET FERMES LA !

Je ne saurais vous dire si l'amas de responsabilités, reposant sur les frêles épaules, était devenu trop lourd ou si la situation était tout simplement devenue ingérable mais j'ai éclatée en sanglots, serrant fort dans les bras le chiffon avec lequel je nettoyais les vitres. La pression que j'exerçais sur ce maudit chiffon était une délivrance, cela me faisait un bien fou... Ce bout de tissu prenait la place d'une épaule attentive, d'un torse à serrer...

Mes larmes coulaient sur la table de la cuisine, mon regard était obscurcit jusqu'à ce que je sente des mains glaciales soulever mon menton sans faire preuve de douceur.

- Yass : Pourquoi tu pleures zeubi ?

- Moi : C'est la javel qui me brule les yeux

De ses yeux marrons noisettes, il inspecta le chiffon où ne se trouvait pas une goute de javel.

Il souleva mon menton un seconde fois, plus violemment que la première et me dit calmement d'une voix presque angélique :

- Yass : Nessma, pourquoi tu pleures ?

- Moi : J'en ai marre... Je craque. J'ai le droit de craquer, non? Putain ! J'AI LE DROIT DE CRAQUER UNE FOIS DANS MA VIE NON ?

J'haussais de plus en plus le ton, telle une mélodie allant crescendo.

- Yass : Oh arrêtes de gueuler là... Viens

Il me pris le poignet... Le contact de sa peau sur la mienne était une sensation presque oubliée, une sensation que mon cœur demandait depuis si longtemps que la pression était pour moi une douce caresse.

- Yass : Assis-toi

Je regardais autour de moi, pourquoi m'a-t-il emmené dans cette chambre ? Pourquoi sommes nous dans la chambre de Yem... Baba ?

- Moi : Pourquoi tu m'as emmené ici ?

- Yass : Ta gueule et regardes

Je regardais autour de moi... Mon cœur fut pris par une vague d'émotions que mes larmes esquissaient tel un tableau. Si mes larmes pouvaient parler, elles en diraient long sur ma peine, ma souffrance, mon mal être...

- Moi : Voir quoi ?

- Yass : Le vide

- Moi : J'comprends pas c'que t'essayes de me dire

- Yass : C'est à cause de ça que j'fuis la maison,à cause de cette chambre vide. Zeh... J'me rappelle encore quand Yemma elle dormais le dimanche et qu'on sautait tous sur elle pour lui dire de s'lever

Son visage était celui qui avait disparu depuis cet été... Ce visage, je ne l'avais plus venu depuis ton départ... Ce visage m'avait redonné espoir... Espoir dans le changement.


- Moi : Pourquoi tu fais c'que tu fais alors ? Pourquoi t'essayes pas de rendre fière Yemma dans le hlel ? Pourquoi tu...

- Yass : Tu poses toujours trop d'questions ! Parce c'est pas l'argent hlel qui payera les factures. Sort de ton monde dial (*des*) bisounours. Sans mon business, on mange pas tous les jours. Tu crois que Baba, il n'accepte pas mon argent mais quand les huissiers frappe, il abandonne et l'accepte cet argent sale. Pourquoi ? Parce que c'est comme ça la vie Nessma

- Moi : Non je suis pas d'accord, la vie est une épreuve du berceau au linceul. Ton chemin doit être le plus droit possible malgré les huissiers, les banquiers parce que ta place fil Jannah (*au Paradis*), ce n'est certainement pas l'huissier, le banquier, le client qui te l'offrira. Le jour où tu comprendras ça tu auras tout compris

- Yass : Pourquoi tu craques si tu te sens invincible face aux épreuves ?

- Moi : Parce que Yemma me manque, il me manque du soutien. J'fais tout ici, personne ne me remarque, personne ne prêtes attention a moi. J'ai pris l'habitude mais Yemma elle ne me laissait pas dans l'indifférence

- Yass : Vas-y, j'aime ap parler de ça, je m'arrache

- Moi : Attends, je...

- Yass : Ciao

Il s'en alla me laissant seul avec mes souvenirs...
Je quittais cette pièce lourde de mélancolie, remplie de nostalgie,...






Abû Abd Allah As Sidiqq a dit : « Si tu entends au sujet de ton frère, quelque chose que tu détestes , trouves lui jusqu'a 70 excuses . Si tu n'en trouves pas ; dis toi : " il a probablement une excuse que je ne connais pas " ».

Chronique de Nessma : Ma vie en kilodramesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant