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«Cousin, j'ai beau me remettre en boucle le clip de Billie Jean, mais quand je marche dans la street, je vois pas le béton qui s'illumine »

J'arrive vers le parking à l'autre bout de la tess, je m'arrête de courir et m'adosse au capot d'une voiture afin de reprendre mon souffle. Ensuite, je reprend mon chemin... Je laissais aller ma peine là où mes pieds me traîne...

Je marchais telle une SDF sans destination fixe. J'étais l'ombre de moi même, je marchais sans trop savoir où aller. Je n'avais jamais remarqué la beauté de ce paysage, ces tours éclairées par nos remords, embellies par nos pêchés. Je voyais cette prison tous les jours mais la nuit elle paraît charmante... C'est certainement pour cela que mes frères préfèrent la rue de nuit qu'à midi. Je comprends maintenant par quel procédé, elle a charmé ces banlieusards qui se perdent dans son brouillard.

Sur ce chemin, la réflexion est ma meilleure amie, la solitude est ma femme, le regret est mon homme...

Je regrette de me mêler de choses qui ne me regardent pas parce qu'après tout, ça me retombe toujours dessus. Ma gentillesse me perdra... "Trop bon, trop con", la phrase que me répète toujours Yassine, son cri de guerre, c'est ce qui le fait tenir dans ce monde de requins assoiffés de sang.

Je vois enfin ma tour que j'ai rebaptisé "la tour de mes peines". Dans cette tour j'y ai longtemps vu le bonheur mais, hélas, aujourd'hui, la peine a pris le dessus sur la joie. J'y ai vu entrer des choses illicites, en sortir la femme de ma vie, pleurer des mères endeuillées, des pères énervés. J'entre dans mon hall, personne à l'horizon. Je me faufile dans mes escaliers, grimpe toujours plus haut... Si seulement ces escaliers étaient une échelle vers l'ascension, on serait déjà toutes et tous au sommet.

J'ouvre la porte, elle n'est pas fermée à clés. Pourtant, j'aurais juré l'avoir fermé, je ne suis pas folle. Je priais pour que ce ne soit pas Yassine ou Redouane.

Je marches timidement vers ma chambre quand j'entends :

- ... : T'étais où ?

- Moi : Je ... Bah... Euh... Je cherchais Khadija

- ...: Elle est où ?

- Moi : C'est compliqué Redouane

- Redouane : Parles, j'aime ce qui est compliqué

- Moi : On s'est embrouillée, elle en a eu marre donc elle a pris sa valise et elle est partie je n'sais où

Il s'assoit et commence à marmonner tout en tenant sa tête entre ses mains. J'avais peur qu'il s'énerve sur moi, j'étais dans un état de frayeur pas possible qu'à ce moment j'ai haïs ma sœur, Allah smahni (*Dieu pardonnes-moi*), mais j'aurais voulu la secoué, lui remettre les idées en place, la frapper de toute ma petite force.

- Redouane : Si c'est pas toi, c'est elle. Vous allez me rendre fou ! Yemma, pourquoi tu nous a abandonné ? Je vais faire comment pour élever tes deux filles?

Il regardait le ciel, ou plus précisément le plafond de notre maudite demeure et m'a timidement dit : "Dégages... Et t'as d'la chance que c'était moi et pas Yassine"

Je passe devant lui pour m'en aller afin de ne plus subir ses injures qui me tétanisent le cœur...

- Redouane : Hey ! Reviens par ici !

- Moi : Quoi ?

- Redouane : Approche...

Mais que me veut-il ? J'aimerais tant prendre la fuite comme Khadija, prendre la fuite car je crois savoir pourquoi veut-il que j'approche vers lui... Mais, en m'avançant vers lui, je sais que je fais un pas de plus vers un torrent de questions... Un torrent de questions qui prendra surement la forme d'un torrent de coups foudroyants...

Chronique de Nessma : Ma vie en kilodramesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant