NOVA [Nouvelle version]

Chapitre 2

La rue était déserte. La jeune fille promenait son regard noir sur les façades désolées des maisons alentoures. Le soleil, déjà haut dans le ciel indiquait une heure tardive. Au moins, elle n'avait pas perdu son esprit pratique. Il fallait qu'elle se rende au commissariat. Les gendarmes pourraient lui indiquer où elle se trouvait. Où est donc maman quand j'ai besoin d'elle ? pensa-t-elle. Elle prit soudain conscience de ses vêtements: un large T-shirt de la NASA et son petit short en jean. Elle détestait cette tenue. La NASA était le lieu de travail de sa mère. C'était ce qui l'avait empêchée de revoir son mari, son père à elle, avant qu'il ne mourût. Enfin, dans son cauchemar. Il était impossible que cela soit vrai. N'est-ce pas ? Une pression à sa cheville la força à y porter son regard. C'était un bracelet. Il était large et inconfortable. Il avait un boîtier, sûrement de programmation, qui s'appuyait sur sa malléole externe. Elle aurait juré qu'il s'agissait d'un bracelet électronique. Comme ceux des prisonniers. Son aventure prenait une tournure étrange. Inconsciemment, elle avait continué à avancer et avait débouché sur une place bondée. Des affiches publicitaires couvraient les murs. La fillette s'approcha de l'une d'entre elle et resta bouche bée: les lettres lui étaient inconnues ! Elle se trouvait dans un autre pays ! Comment avait-elle bien pu atterrir là ? Et où était sa mère ? Un homme d'âge mûr s'approcha de Téa. Il la dévisagea de la tête aux pieds. Il semblait être troublé par sa tenue. Il fronça les sourcils en déchiffrant l'inscription NASA au centre de son haut. L'enfant était étonnée. Elle eut comme premier réflexe de reculer de quelques pas. L'homme secoua la tête quelques secondes plus tard. La cinquantaine de secondes qui s'étaient écoulées avait paru à l'enfant durer une éternité. L'homme se décida enfin à prendre la parole.

— Tout va bien jeune fille ? Tu me sembles perdue. Ce n'est pas très sûr pour une enfant de ton âge de rester dans ce genre de quartiers...

— Où... où sommes nous exactement ? demanda-t-elle.

— Mais à Farlig bien entendu ! J'avais raison, tu t'es bien perdue! Où habites-tu ? Je vais te raccompagner chez toi.

Téa ne releva pas et poursuivit.

— Je... dans quel pays... dans quel pays se trouve Farlig?

— Un pays ? C'est quoi un pays ? Tu es sûre que tout va bien ?

— Je ne suis pas folle si c'est ce que vous vous demandez. Si vous voulez vraiment un exemple, je peux déterminer votre année de naissance rien qu'en vous regardant !

— Ah oui ? J'aimerais bien voir ça ! s'exclama l'homme étonné.

— Hum... laissez moi me concentrer un instant...

Téa fronça les sourcils et déclama à toute vitesse.

— Vous avez environ la quarantaine. 45 ans ? Non ! Moins... Plutôt 44! 44 ans... vous êtes né en 82 !

— Bien joué ! Je dois avouer que tu me surprends ! Comment as-tu fait pour deviner que j'étais né en 6682 ? Il est facile de déterminer une tranche d'âge, comme je dirai que tu dois avoir une dizaine d'années, mais avec autant de précision, c'est plus qu'étonnant !

— Eh bien...

L'enfant s'interrompit avant de reprendre d'un air grave.

— Attendez, vous avez bien dit 6682 ?

— Euh... oui ! Qu'est ce que tu croyais ? répondit l'homme.

— Mais... mais... bafouilla Téa, je voulais dire 1982 !

— C'est vexant... tu me croyais si vieux que ça ?

— En.. en quelle année sommes-nous exactement ?

— Bon là je commence à envisager sérieusement que tu aies pris un coup sur la tête. Et pas un petit à mon avis !

— Attendez ! S'il vous plaît ! Dites moi quelle année nous sommes ! Et tant que vous y êtes, la planète sur laquelle on se trouve !

— OK, articula l'homme d'un air abasourdi. Tu as complètement perdu la tête ! Encore une qui sera envoyée sur Ligo, dans l'asile de fous. C'est une vraie épidémie dans cette ville ! Nous sommes en l'an 6726, sur Nova. Le premier avril exactement, dit-il d'un ton exaspéré.

La petite fille en resta bouche bée. Tant d'années... non ! Tant de millénaires se seraient écoulés ! Impossible. Elle était née en 2015. Elle aurait donc 4711 ans ! Ce n'était juste, humainement, pas possible. Quant à la planète Nova, elle n'existait pas. Tout cela était faux ! Un mot lui revint à l'esprit. Le premier avril. Serait-ce une farce ? Elle regarda l'homme avec insistance. Il avait l'air on ne peut plus sérieux. Rien qui ne pouvait laisser présager qu'il la faisait marcher. Mais après tout, il fallait se méfier des menteurs. Certains pouvaient être très doués. La chose était simple, s'il s'agissait d'une farce, il serait en train de s'exclamer "poisson d'avril" fier de son piège et de la réaction de son interlocutrice. Mais ce n'était pas le cas. Se pouvait-il alors que ses dires soient véritables ?