Chapitre 21

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Téa et Asha couraient vers les Passerelles. Elles en gravirent les marches quatre à quatre. Habituée aux privilèges, Asha prit la file des Examinés. Il n'y avait que trois personnes. Une jeune femme au chignon tiré, au tailleur impeccable et tenant par la main une adorable petite fille. Elle semblait être tout aussi parfaite que sa mère. Elle avait un ruban dans les cheveux et portait une adorable petite robe rose. Devant elles, un adolescent portait une combinaison criarde rouge vermeil et une sacoche. Les yeux de Téa s'arrêtèrent sur l'écusson qui y était cousu. Elle le trouvait très joli, elle qui appréciait tant l'art des broderies. Je suis une vraie grand-mère, pensa-t-elle.

— Bonjour Asha, lança-t-il dans leur direction. Comment se porte ta mère ?

— Bonjour Auryn, à merveille. Et de ton côté comment vont Mena et tes parents ? Dis, tu n'aurais pas vu deux enfants? Ils sont roux. L'une est une fille, l'autre un garçon. C'est un frère et une sœur. La petite porte une robe bleue et répond au nom de Cordélia ou Délia. L'autre a une chemise blanche. Il s'appelle Iloan et sa sœur le surnomme Ilo.

— Euh...c'est possible, mais je ne les ai pas remarqués. Mena va plutôt mieux. Tu la retrouveras en classe à la rentrée.

— Merci Auryn, passe le bonjour à ta sœur et remercie ta mère pour le cadeau. Maman était heureuse.

— Bonne journée à toi Asha.

Téa était restée silencieuse. Elle suivait la conversation qui pour elle s'attardait trop sur des banalités. Quand Asha eut fini sa conversation, Téa, elle, avait déjà repéré Ilo et Délia.

— Ils sont là ! s'exclama-t-elle.

Tout le monde se retourna vers Téa. La mère lui lança un regard austère. Elle était très belle. Pourtant ses sourcils froncés qui froissaient son visage lui donnaient un air assez sévère pour gâcher son côté angélique.

— Un peu de tenue ! lui intima-t-elle.

— Vous faites trop de bruit Mademoiselle, lui sourit sa petite fille sûrement âgée de trois ou quatre ans.

Téa faillit s'emporter. Pour qui se prenaient-elles ? Mais elle fut vite calmée par une affreuse vision. Depuis l'autre rang, un ballon — de foot semblait-il mais ce sport existait-il encore ? — fonçait vers eux. Plus précisément vers Téa. La jeune fille hurla. Elle se jeta à terre.

Seul un silence ébahi lui répondit. Lorsque Téa leva la tête, tout le monde la regardait de travers. Le ballon n'était nulle part en vue. Avait-elle rêvé ?

La jeune fille se releva, écarlate. Asha la prit par le bras et l'emmena à l'écart.

— A quoi tu joues Téa ?

— Tu ne l'as pas vu ? Le ballon...

— Si et alors ? Il venait de la queue des Certifiés. Je ne vois pas en quoi ça nous concernait.

— Tu rigoles ? Il aurait pu me défoncer le crâne ! Ou m'emporter avec lui dans le vide !

— Aucune chance avec les murs en plexiglas.

— Les murs en plexiglas ? Mais quels murs ?

— Tu ne les avais jamais remarqués ?

Téa tourna la tête. En plissant les yeux, elle les apercevait. Les murs, si transparents qu'ils étaient presque invisibles, formaient une sorte de couloir sur la passerelle. Elle finit par comprendre. La passerelle était en fait une sorte de boîte géante tout de plexiglas faite. Un toit, des murs qui servaient de garde-fous et un, servant de barrière séparant les deux files. Raison pour laquelle il semblait toujours que le calme régnait. Sans le moindre bruit. Les files étaient insonorisées.

Rouge de honte, Téa s'aperçut qu'Iloan et Cordélia les avaient repérées à travers la vitre. Sa mésaventure lui aurait au moins servi à ne pas se prendre un mur en tentant de les rejoindre.

Téa prit Asha par la manche de sa tunique safran et la tira jusqu'aux marches de l'escalier. Au lieu de les descendre, elles se contentèrent de prendre la queue des Certifiés.

Immédiatement, le bruit s'amplifia. Étrangement, l'ambiance qui régnait dans la queue des Certifiés lui rappelait les cours de récréation sur Terre. Elle n'en avait pas connu beaucoup en maternelle et en primaire avec ses sauts de classes à répétition mais le collège et le lycée étaient tout aussi bruyants.

— Iloan ! Cordélia !

Les deux filles les avaient perdus de vue. Sillonnant la foule mal rangée, évitant les ballons et les bébés à quatre pattes sur le sol, Asha et Téa cherchèrent les deux enfants.

Ce fut la chevelure flamboyante, presque rouge, d'Iloan qui leur permit de les trouver.

— Vous êtes là ! Vous aviez oublié votre panier chez Asha alors on vous l'a ramené...

— Tiens donc, je ne pensais pas que vous étiez du genre à faire des bonnes actions. Quoique... Il faut du courage pour tenir compagnie à Asha. Et beaucoup de charité pour essayer de la rendre plus sympathique, répondit froidement Iloan à l'adresse de Téa.

— Très drôle. Tiens, les voilà vos cupcakes, cracha Asha.

— Merci de nous les avoir ramenés. Vous en voulez ? C'est cadeau, intervint gentiment Cordélia.

— Délia ! On est censés les vendre !

— Oui mais sans elles, on se serait fait drôlement gronder !

Avant qu'Iloan ne pût rétorquer, une voix familière interrompit la discussion qui au vu de la tournure qu'elle prenait n'allait pas tarder à virer en dispute.

— Téa ? Asha ? Où est Eloe ?

Ayden se tenait devant les escaliers. Le visage soucieux, il observait les deux compagnons des fillettes.

— Que faites-vous avec les Certifiés ? intervint-il encore.

Les quatre enfants se dépêchèrent auprès de l'homme.

— Bonjour Professeur, lança Iloan, nous sommes membres de l'ACEED et nous vous proposons des bons cupcakes faits maison ! Vous en voulez ?

— Non merci. C'est bien trop acide pour moi !

Ayden sourit jusqu'aux oreilles, ravi de son jeu de mot. Bientôt, Cordélia et lui riaient aux éclats. Asha, Iloan et Téa se regardèrent, désemparés par cette pointe d'humour trop étrange pour eux. La tension s'évacua doucement entre les trois adolescents. Alors qu'Asha détacha son regard des deux autres, Iloan et Téa continuèrent de se regarder, sans même s'en rendre compte.

— Alors, reprit Ayden, j'attends des explications.

Phrase qui eut le pouvoir de faire sursauter Téa. Gênée, celle-ci lâcha Iloan des yeux.

Asha en profita pour résumer rapidement la situation.

— Et vous alors ? Que faites-vous ici ? termina-t-elle, interrogative.

— J'allais chercher Téa. Eloe m'a demandé de te prévenir qu'elle rentrera un peu tard, Asha.

Téa remarqua les sourcils froncés d'Iloan et Cordélia. Asha leur avait dit qu'elle lui tenait compagnie ! Pourtant, ils gardèrent le silence.

— En route ! Je vous emmène ? demanda Ayden aux deux enfants de l'ACEED.

— Ce serait avec joie. Merci de nous faire cet honneur Professeur, répondit poliment Iloan.

Malgré son air faussement ravi, Téa décela une pointe d'agacement dans son regard. En le voyant serrer les dents lors de son transfert de la queue des Certifiés à celle des Examinés, Téa comprit qu'il ne portait pas Ayden dans son cœur.

— À plus tard Téa ! lança Asha d'un ton enjoué.


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