NOVA [Nouvelle version]

Chapitre 3

Le sol tangua sous les pieds de la jeune fille. Le monde se mit à tourner et elle vacilla.

— Petite ? Tout va bien ?

La voix de l'homme éclaircit son esprit et la petite dissimula son trouble derrière un sourire.

— Ne vous en faites pas. Je...

Elle chercha une excuse pour expliquer son drôle de comportement.

— Il m'arrive d'avoir des trous de mémoire et des vertiges à cause d'une commotion assez récente.

— Oh je vois ! Comment t'es-tu retrouvée ici ?

— Je n'en sais rien ! Je n'ai pas les idées très claires en ce moment...

L'homme fronça les sourcils. Allait-il la croire ?

— Eh bien... je suppose que ce que tu me dis est fort handicapant. Je ne peux encore moins me permettre de laisser une jeune fille dans un tel état de détresse au beau milieu de Farlig. Cette cité n'est pas sûre... Ayden, et toi ? dit-il en lui tendant la main.

— Téa. Merci beaucoup pour votre aide. Je ne suis jamais venue ici.

Elle prit sa main qu'elle serra poliment, sous le regard étonné d'Ayden qui ne connaissait cette pratique que de par ses cours d'histoire. Cette fille était véritablement étrange. Il préféra faire profil bas.

— Dans Farlig ? Ça ne m'étonne pas ! Personne n'y va sauf en cas de grande nécessité.

— Et vous ? Qu'est-ce-que vous faites ici ?

L'homme ne répondit pas et entraîna Téa dans un véritable labyrinthe de ruelles étroites et sombres. Au bout d'une centaine de minutes environ, Téa ne put se retenir de briser le silence qui s'était formé.

— Monsieur Ayden ? Où allons-nous ?

— Pas de "monsieur". Juste Ayden. Le métro n'est pas loin. C'est là que je te conduis.

Satisfaite, Téa se tut. Elle se demanda comment allait-elle pouvoir survivre dans ce monde où tout lui était étranger ? Et ce n'était pas le pire: tous ses proches, toutes ses connaissances, ils étaient, logiquement tous morts ! Enfin, si on croyait les dires de cet Ayden. La fillette s'efforça de dissimuler ses larmes en repensant à sa mère, Evelyne. Elle aussi l'avait abandonnée dans cet univers. Les derniers souvenirs de Téa étaient flous. Elle ferma les yeux et se concentra. Une vague réminiscence lui revint :

Elle avançait dans une épaisse brume, sa tête la faisait souffrir, le monde tournoyait. Les voix lui parvenaient comme étouffées. Son cerveau semblait tourner au ralenti. Le haut et le bas se mêlaient. L'obscurité se fit la première, rapidement suivie par le silence absolu.

— Euh... sans vouloir te vexer... Téa, je ne pense pas que marcher les yeux fermés soit une très bonne idée.

Encore une fois, la voix d'Ayden lui éclaircit les idées et lui permit de revenir à la réalité.

— Vous avez raison ! J'étais encore prise d'un de mes fameux vertiges ! Je suis désolée de vous causer autant de soucis...

— Ne t'inquiète pas pour ça Téa. Dis-moi plutôt où tu veux que nous nous rendions ! Enfin, si tu te souviens d'où tu habites ! Sinon, nous irons au commissariat. Sauf si tu veux profiter de ton égarement pour visiter un peu la capitale ! Je parie que tu n'as jamais tout exploré ! Moi, ça m'a pris plusieurs mois mais j'ai fini par réussir. Et tes parents ? Ils l'ont déjà faite en entier ?

— Mes parents ? Oh, euh... papa préférait, enfin euh... préfère rester bien au chaud dans son sofa. Et maman, elle, adore voyager !

Ce n'était que la stricte vérité. Aurélien, son père, et sa femme était radicalement opposés.Leurs opinions divergeaient sur beaucoup. Le moyen le plus sûr de profiter de la vie était un des sujets qui les différenciaient le plus. Leur seul accord était probablement Téa, et leur amour pour leur famille ! La jeune enfant repensa soudainement à tous les débats qui les avaient opposés avant que la mort ne les séparât. Un sourire vint flotter sur son visage jusqu'à ce qu'elle aperçût le regard interloqué d'Ayden. Il semblait avoir buté sur le mot "sofa". Peut-être que les canapés n'existent plus à cette époque ! pensa Téa. Ayden finit par se ressaisir voyant que la fillette l'observait fixement. Il s'exclama alors.

— Chacun ses goûts ! Et toi, tu préfères quoi ? s'informa-t-il, même si ayant oublié leur sujet de conversation initial.

— Voyager sans hésiter ! Mais maman ne m'a jamais emmenée avec elle... Ses voyages sont souvent professionnels.

Cette fois, Téa mentait, sa mère l'avait bien emmenée une fois dans l'espace. Il semblait bien que leur mission eût abouti. Ils avaient trouvé une planète !

— Quel dommage ! commenta Ayden, qui avait décidément le don de la tirer de ses pensées, moi, si j'avais des enfants, je les emmènerais partout avec moi ! Sauf dans les toilettes bien sûr !

Tout en riant avec l'homme, Téa songea que les toilettes existaient encore. Maigre information certes, mais utile.

— Oui c'est sûr que les toilettes ce n'est pas de la grande aventure, répondit-elle en tentant de faire de l'humour.

Visiblement sa tentative vola au ras des pâquerettes. Ayden fut plus intrigué par sa blague qu'amusé. Tant pis ! Ayden changea subitement de sujet.

— Bon alors je crois qu'une visite de Célestial s'impose ! Que veux-tu voir en premier ?

La jeune fille ne répondit pas tout de suite. Célestial était le nom du vaisseau dans lequel ils avaient embarqué. Et maintenant, c'était la capitale de cette planète nommée Nova ? Cet homme la menait de surprise en surprise. La voyant si hésitante, Ayden sourit et l'entraîna dans une ruelle. Il reprit la conversation.

— Tu es en panne d'inspiration ? Alors direction les musées ! Un peu d'histoire ne peut faire que du bien!

Téa acquiesça, secrètement ravie par cette opportunité d'en apprendre plus sur sa situation. Ce qui était étrange par contre, était l'enthousiasme de cet homme. Ils ne se connaissaient pas pourtant. Soit cet état d'esprit était typiquement novien soit cet homme n'était pas net. Elle prit tout de même le parti de le suivre. Il lui semblait que, de toutes façons, rien ne pouvait être moins net que sa situation hasardeuse.