Chapitre 13

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Téa, accrochée à son siège, se repassa la scène qui venait de se jouer.

Eloe avait entraîné Téa vers le tramway. Une grande queue était encore présente, et il avait semblé à Téa que certaines des personnes aperçues lors du trajet de l'aller avec Ayden étaient encore en train d'attendre leur navette. Téa avait de nouveau essayé de se ranger dans la file d'attente qui devait désormais compter une centaine de personnes. Eloe l'en avait empêchée. À la place, elle avait emprunté un second couloir semblable à celui qu'Ayden avait lui aussi pris. Ce n'était pas ce qui avait le plus troublé Téa. Eloe avait sorti sa carte. Elle n'était pas violette comme celle d'Ayden mais orange. Elle l'avait scannée.

Une navette était arrivée. Un homme qui se trouvait à l'avant de la file d'attente s'était avancé pour la prendre. Le portillon aurait certainement dû s'ouvrir pour lui. En effet, Téa l'avait vu poser sa carte beige sur le scanner quand elle et son hôtesse d'un soir étaient arrivées. Comme rien ne se produisait, il plaça à nouveau sa carte sur le boîtier. La machine émit un bruit sourd et le portillon de la seconde file s'ouvrit. Eloe s'était donc avancée pour entrer dans le véhicule.

Pour son plus grand malheur, l'homme avait juré à mi-voix. Le garde en costume rouge qui surveillait de loin la scène s'était approché. Il lui avait abattu sa main sur le visage. Si fort, que la pauvre victime était tombée. Eloe avait alors précipité Téa dans la navette qui était aussitôt partie. La fillette avait eu le temps de voir le garde pousser l'homme hors de la file, qui perdit ainsi sa place qu'il avait dû mettre des heures à obtenir.

Le cerveau de Téa bouillonnait. Pourquoi personne n'était-il intervenu ?

Même Eloe s'était contentée de regarder. Pourtant, Téa croyait cette femme juste et généreuse. Après tout, c'était celle qui s'était apitoyée sur son sort, l'avait consolée et s'apprêtait à lui offrir le gîte et le couvert sans même la connaître.

La navette s'arrêta brusquement. Cela mit court aux pensées étourdies de l'enfant. Eloe se détacha, imitée par Téa.

Elles étaient dans une nouvelle ville. Aux yeux de Téa, c'était la plus belle de toutes. Des hauts bâtiments en verre se dressaient devant elle. À travers les vitres, Téa distinguait des hommes et des femmes en blouse blanche. Était-ce des scientifiques ?

Tout de suite, Téa se détendit. Elle était dans son environnement ici. Elle le sentait. Eloe semblait elle aussi soudainement plus à l'aise.

— Alors ? Comment trouves-tu Erudycja ? La célèbre ville des Savants !

— Elle est magnifique ! Vous vivez ici ?

— Eh bien... oui ! Comme tous les Savants ! Mais suis-je bête ! Tu ne pouvais évidemment pas savoir que j'en fais partie ! Sauf bien sûr si tu as observé ma carte mais vu ton jeune âge je doute que ce soit le cas...

— Votre carte ? Celle que vous avez sortie pour le tramway ? Celle de couleur orange ?

— Évidemment ! Quelle carte voulais-tu que ce soit ?

Eloe n'attendit pas la réponse de Téa pour emmener la jeune fille dans une grande allée fleurie. Téa soupira, soulagée. Décidément, elle apprenait de plus en plus de choses. Apparemment, les cartes qu'utilisaient Ayden, Eloe et le pauvre homme du tramway indiquaient leur classe sociale. Celle d'Eloe, la orange, informait que la femme appartenait à ces fameux Savants qui devaient être l'équivalent des scientifiques qu'elle avait connus.

Téa reprit la parole.

— Vous travaillez avec Ayden ?

— Oui. Nous sommes de très bons collègues.

— Les Savants travaillent donc avec les Professeurs ?

— Les Professeurs dis-tu ? rit Eloe. On les appelle des Sages. Mais à ton âge, j'aurais pensé que tu le savais.

Téa préféra garder le silence face à la stupéfaction d'Eloe. Quelle imbécile ! Maintenant elle se pose des questions ! jura-t-elle en silence.

— Nous y sommes ! lança Eloe, changeant de sujet de conversation au grand soulagement de sa compagne de voyage.

Une énorme villa de trois étages s'étendait devant elles. Sa forme de prisme et sa grandeur contrastaient fortement avec la maison d'Ayden. Au contraire de cette dernière, l'habitation semblait accueillante, vivante et chaleureuse. La villa avait des parois de verre opaques, comme toutes les maisons aux alentours. Le quartier était uniforme. Les Savants semblaient tous pouvoir profiter de l'abondance matérielle.

— Allons allons, pressons-nous ! C'est Asha qui va être étonnée de me voir rentrer si tôt ! Accompagnée en plus ! s'excita Eloe en entraînant Téa vers sa demeure de rêve.


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