✦ C H A P I T R E • Q U A T R E

15 4 20
                                    


MARIBEL'S POV


Depuis mon réveil, chaque clignement de mes yeux rougis me rappelle à quel point la nuit a été courte, voir inexistante. La fatigue pèse sur moi comme un voile lourd, et les cernes sous mes yeux trahissent la lutte que j'ai menée contre l'insomnie. Nara et moi ne sommes pas rentrées trop tard hier soir, mais cela n'a rien changé. Ma batterie sociale s'est épuisée bien avant que ma tête ne touche l'oreiller, comme d'habitude après une longue soirée. Pourtant, la tranquillité de la nuit n'a pas apporté le répit que j'attendais.

Toute la nuit, mes pensées n'ont cessé de s'accrocher à un seul et unique point d'ancrage : la musique. Mais ce n'était pas simplement la musique en général qui envahissait mon esprit. C'était sa musique, celle de Spencer. Elle résonnait en moi, s'infiltrait dans chaque recoin de mon esprit, refusant de me laisser en paix. Ces sonorités, si différentes des miennes, avaient laissé une empreinte profonde, comme si chaque battement de son rythme se synchronisait avec mon propre pouls.

Il y a une vérité universelle que j'ai toujours su : la musique, pour moi, est une échappatoire, une nécessité. Mais ce que Spencer a apporté hier soir allait bien au-delà de cette simple compréhension. Sa présence sur scène était magnétique, irrésistible. Il y avait en lui une intensité, une passion qui transcendait l'acte même de jouer. Ses yeux brillaient d'une flamme que je n'avais vue que chez les artistes les plus dévoués, ceux pour qui la musique n'est pas seulement une passion, mais une raison de vivre. Et cela m'a touchée d'une manière que je n'avais pas anticipée.

Assise dans ce bar, entourée du brouhaha des conversations et des rires, je me suis sentie transportée ailleurs, dans un espace où seule sa musique existait. Je pouvais voir qu'il vivait pour ces moments sur scène, que chaque note, chaque parole, était une extension de lui-même. Il était à la fois le créateur et la création, totalement en phase avec son art, comme s'il était né pour cet instant précis, sur cette scène, sous ces lumières.

Et c'est cette intensité que je cherche désespérément à capturer dans ma propre musique. Je veux que les gens ressentent ce que j'ai ressenti hier soir. Je veux que ma musique soit une expérience, pas simplement quelque chose que l'on écoute distraitement. Spencer, lui, ne se contente pas de faire de la musique. Il en fait une expérience immersive, quelque chose qui touche l'âme, qui remue les émotions les plus enfouies. Les gens comme lui méritent l'admiration, non pas parce qu'ils réussissent facilement, mais parce qu'ils se donnent entièrement à leur art, au point où il devient impossible de distinguer l'homme de l'artiste.

J'aimerai dire que ce ne sont pas  tous ces souvenirs et la nuit que je viens de passer qui va m'empêcher de faire mon travail correctement, mais la vérité, c'est qu'au moment où j'ai failli rater mon arrêt de métro, j'ai su qu'aujourd'hui serait une journée difficile.

Je pousse la porte du Brew & Beans avec une lenteur inhabituelle. Elle me paraît beaucoup plus lourde qu'à son habitude, comme si le poids de mes pensées s'y ajoutait. L'arôme familier du café fraîchement moulu m'enveloppe aussitôt, mais même cette senteur réconfortante ne parvient pas à alléger ma fatigue.

Aiden est derrière le comptoir, en train de passer un dernier coup de chiffon, avant que les premiers clients n'arrivent, et il lève les yeux en me voyant entrer. Je lui adresse un sourire malgré ma lassitude.

— Salut, Aiden. Zoey t'a encore échangé tes shifts ?

— Oui, répond-il avec un clin d'œil. Je lui en devais une.

Je hoche la tête en signe de compréhension et me dirige vers le vestiaire, traînant un peu des pieds. En entrant dans le vestiaire, je remarque Colin, déjà en train d'enfiler son tablier, sa chemise encore à moitié déboutonnée.

𝐁𝐄𝐓𝐖𝐄𝐄𝐍 𝐓𝐇𝐄 𝐋𝐈𝐍𝐄𝐒 ; 𝑎 𝑠𝑜𝑛𝑔 𝑓𝑜𝑟 𝑎𝑛 𝑜𝑡𝘩𝑒𝑟Où les histoires vivent. Découvrez maintenant