𝐁𝐄𝐓𝐖𝐄𝐄𝐍 𝐓𝐇𝐄 𝐋𝐈𝐍𝐄𝐒 ; 𝑎 𝑠𝑜𝑛𝑔 𝑓𝑜𝑟 𝑎𝑛 𝑜𝑡𝘩𝑒𝑟

✦ C H A P I T R E • O N Z E

MARIBEL'S POV

Aujourd'hui, la maison est étrangement silencieuse. Il n'y a que moi, seule avec mes pensées, et cette sensation de solitude me prend à la gorge, autant qu'elle m'a manqué. Nara est en cours, et je me retrouve face à moi-même, sans échappatoire face à mes pensées. C'est à la fois apaisant et inconfortable, cette sensation de tête-à-tête forcé avec moi-même. Alors, pour tromper ce vide, je me lance dans un nettoyage frénétique, comme si mes gestes pouvaient remettre de l'ordre dans mon esprit chaotique.

La lumière du matin pénètre doucement par les fenêtres, les rideaux laissant passer des filets de soleil qui se répandent en motifs dorés sur le sol. Il y a quelque chose de réconfortant dans cette chaleur, dans cette lumière douce qui apaise légèrement le poids que je ressens. Comme une couverture invisible qui se pose sur mes épaules. J'ai mis ma playlist habituelle, celle que je connais par cœur. Chaque chanson est familière, elles sont devenues des refuges silencieux, des compagnons fidèles dans mes moments de doute. Le rythme des morceaux me guide, et sans y penser, je commence à récurer chaque recoin de la cuisine.

Chaque coup d'éponge est précis, presque mécanique, mais il y a quelque chose de libérateur, et d'habituel dans ce processus. La musique emplit la pièce, se fraye un chemin dans mon esprit et résonne en moi. Chaque note, chaque parole semble m'offrir une énergie nouvelle, comme si la musique me donnait le courage de continuer à avancer, même dans ces moments de vide.

Et puis, sans prévenir, une sensation étrange de liberté s'empare de moi. Je me surprends à chanter à haute voix, avec une audace que je ne me connaissais pas. Ici, dans cette maison vide, il n'y a personne pour m'entendre, personne pour juger. Il n'y a que moi, ma voix, et ces chansons que je connais trop bien. Les paroles s'échappent de ma bouche sans effort, remplissant l'air de cette maison qui, tout à coup, semble plus vivante. Je me sens légère, libérée d'un poids invisible qui pesait sur mes épaules.

Je virevolte avec mon balai, mes pieds suivant instinctivement le rythme. Chaque geste, chaque mouvement semble en parfaite synchronisation avec la musique. C'est grisant, cette sensation d'abandon, de laisser la mélodie guider mes pas. Il n'y a plus de règles, plus de limites. Juste moi, la musique, et ce moment suspendu dans le temps.

Lorsque je passe à la salle de bain, je m'arrête devant le miroir. Mon reflet me surprend. C'est bien moi, mais quelque chose a changé. Mon regard est différent, plus vif, plus intense. Il y a une étincelle que je n'avais jamais remarquée auparavant. Mes cheveux sont en bataille, mon visage est rougi par l'effort, mais je me surprends à sourire. Ce reflet, c'est moi, vraiment moi, débarrassée des attentes des autres, dépouillée des doutes qui m'envahissent habituellement. Je me redécouvre, et cette découverte est à la fois terrifiante et exaltante.

Je me perds un instant dans mon propre regard, cherchant à comprendre cette nouvelle sensation qui m'envahit. Cette journée, cette solitude, cette musique... tout semble s'être aligné pour m'offrir un moment de clarté, comme si, enfin, les pièces du puzzle s'emboîtaient. Peut-être que cette nouvelle assurance, cette liberté que je ressens aujourd'hui, est le début de quelque chose de plus grand. Quelque chose que je n'avais pas encore osé explorer.

Je détourne finalement les yeux du miroir, mais le sourire reste accroché à mes lèvres. Je ne sais pas où ce chemin va me mener, ni comment il va se dérouler, mais je sens que je suis prête à le suivre. Un pas après l'autre, une note après l'autre.

Pour l'instant, la maison résonne de ma voix et de ma musique. Et c'est tout ce dont j'ai besoin.

Pour dire vrai, moi aussi, je suis un assemblage complexe de contradictions que je ne maîtrise pas. Une partie de moi veut tout comprendre avant d'agir, avant de me laisser emporter, avant de ressentir pleinement. Je déteste l'incertitude, je crains le flot incontrôlable d'émotions qui pourrait me submerger si je lâche prise. Pourtant, en même temps, je ressens ce besoin viscéral d'abandonner ce contrôle, de me laisser porter par quelque chose de plus grand que moi. Une lutte intérieure incessante, entre cette envie de tout maîtriser et la tentation de céder au chaos.