𝐁𝐄𝐓𝐖𝐄𝐄𝐍 𝐓𝐇𝐄 𝐋𝐈𝐍𝐄𝐒 ; 𝑎 𝑠𝑜𝑛𝑔 𝑓𝑜𝑟 𝑎𝑛 𝑜𝑡𝘩𝑒𝑟

✦ C H A P I T R E • D O U Z E

NARA'S POV

Je franchis les portes de ma faculté, et tout de suite, c'est comme si je plongeais dans un autre monde. Le brouhaha des conversations s'élève autour de moi, chaque voix se mêlant à une autre dans une sorte de brouhaha assez désagréable. Les pas précipités des étudiants, les discussions rapides et les rires étouffés emplissent l'air, mais tout cela me semble lointain, presque irréel.

Mes talons claquent doucement contre le sol, mais même ce son, habituellement rassurant, ne parvient pas à me réveiller totalement de cette torpeur dans laquelle je me trouve.

La vérité, c'est que je suis épuisée. Pas juste physiquement, mais mentalement aussi. J'ai l'impression de marcher dans un épais brouillard, tous les jours. Les cours, les révisions tard dans la nuit... tout ça me pèse. Je n'ai pas eu une nuit de sommeil complète depuis des jours, peut-être même des semaines, et cette accumulation commence à me ronger.

Chaque jour semble être une montagne à gravir, et chaque fois que j'arrive au sommet, je me rends compte qu'il y en a une autre juste derrière qui attend patiemment que je la monte, elle aussi.

Autour de moi, tout est vivant, en mouvement, et pourtant, je me sens terriblement déconnectée de tout ça. Les autres étudiants se pressent dans les couloirs, cherchant leur salle, échangeant des sourires et des mots qui me paraissent si légers. Alors, je tente de sourire en retour, d'adresser un signe de la tête à ceux que je connais, mais c'est comme porter un masque. À l'intérieur, je suis vide, éteinte, incapable de retrouver cette énergie que j'avais autrefois.

Je m'arrête devant un panneau d'affichage, plus par habitude que par réel intérêt. C'est un de mes petits rituels : regarder les nouvelles annonces, espérant trouver quelque chose qui pourrait, d'une manière ou d'une autre, raviver une petite étincelle en moi. Mes yeux balayent rapidement les affiches, et puis je tombe sur celle d'un débat à venir. L'éthique en droit pénal. Mon cœur fait un petit bond, pas grand-chose, mais assez pour que je prenne la peine de sortir mon téléphone et de prendre une photo de l'affiche. Peut-être que ce débat me rappellera pourquoi j'ai choisi cette voie en premier lieu.

Ces derniers temps, tout me semble flou, comme si la raison qui m'avait poussé à suivre des études de droit s'éloignait de plus en plus de moi. Je sais que c'était pour aider les autres, pour défendre ce qui est juste, mais dans l'état où je suis, ces idéaux semblent presque irréels, inaccessibles. De toute façon, nous ne savons tous : la justice absolue n'existera jamais. Pas tant que la politique sera plus importante. Mais d'un autre côté, ce débat... peut-être que ça pourrait me donner un peu de perspective. Me reconnecter à cette flamme que j'ai l'impression d'avoir perdue.

Je reprends mon chemin, mes pensées dérivant vers ce débat. L'éthique, c'est un sujet qui m'a toujours passionnée, surtout en droit pénal. Comment prendre des décisions justes quand chaque choix peut bouleverser des vies humaines ? Comment équilibrer justice et compassion ? Ces questions, je le les pose souvent, mais en ce moment, j'ai l'impression que les réponses m'échappent.

Je croise des visages familiers en chemin, des camarades de classe, certains m'adressent un salut rapide, d'autres me sourient. J'aimerais pouvoir m'arrêter, discuter, rire avec eux, mais je n'ai pas la force aujourd'hui. Je me contente de marcher, la tête pleine de questions, mes muscles tendus par les longues heures passées à étudier, à me battre contre cette fatigue écrasante.

Pourquoi je fais tout ça, déjà ? Pourquoi j'ai choisi cette voie qui semble m'épuiser plus qu'elle ne me nourrit ?

Mais alors que je monte les escaliers qui mènent à ma salle de cours, je sens quelque chose de différent. Comme si le simple fait de penser à ce débat, à ces dilemmes moraux et intellectuels, avait dissipé un peu de la brume dans laquelle je me trouve. L'espace d'un instant, je me souviens. Je me rappelle pourquoi je me bats, pourquoi je continue malgré tout. La passion. L'ambition. Le désir de faire une différence, de rendre ce monde un peu plus juste, même si cela demande tout de moi.