𝐁𝐄𝐓𝐖𝐄𝐄𝐍 𝐓𝐇𝐄 𝐋𝐈𝐍𝐄𝐒 ; 𝑎 𝑠𝑜𝑛𝑔 𝑓𝑜𝑟 𝑎𝑛 𝑜𝑡𝘩𝑒𝑟

✦ C H A P I T R E • D I X - H U I T

SPENCER'S POV

Je me suis réveillé bien avant l'aube, ou peut-être que je ne me suis jamais vraiment endormi. Je suis resté là, allongé, les yeux perdus sur le plafond qui s'effacent doucement avec la lumière naissante. Les heures s'étirent, mais je ne parviens pas à relâcher cette tension, comme si mon propre corps s'était ligué contre moi, incapable de trouver le moindre repos.

Je pourrais prétendre que c'est à cause de ce volet cassé qui laisse entrer la lumière trop tôt, qui m'agace un peu plus chaque matin... mais non. Ce serait un mensonge. Parce qu'en réalité, il n'y a qu'elle. Bella. Toujours elle, pas vrai ?

Je laisse échapper un soupir, m'enfonçant dans l'oreiller avec un agacement vain, espérant que cette pression contre ma tête étouffera mes pensées. Mais dès que je ferme les yeux, elle est là, son sourire dansant derrière mes paupières. Ce sourire... quelque chose entre la timidité et une franchise désarmante, comme si elle l'offrait sans filtre, sans penser à l'effet qu'il produit. Et puis sa voix... elle résonne encore en moi, chaque note qu'elle a chantée hier se superpose comme une mélodie qui refuse de s'éteindre. Hier soir, ce n'était pas juste un duo. C'était un moment brut, un espace partagé où, pour la première fois depuis longtemps, je me sentais vulnérable.

Je laisse un rire s'échapper, un peu amer. Peut-être que je suis devenu dingue. Cent fois cette pensée m'a traversé depuis que je l'ai raccompagnée, et cent fois elle revient, encore plus insistante. J'ai beau me retourner dans tous les sens, ce qui bouillonne en moi ne disparaît pas. C'est plus qu'une obsession, c'est une brûlure, une énergie qui prend vie et me consomme peu à peu.

Et pourtant, je sais que je ne suis pas le premier homme à devenir fou pour une femme. Après tout, je ne suis qu'un homme.

Je secoue légèrement la tête, esquissant un sourire ironique. Tout a commencé par la musique, pas vrai ? Un simple partenariat, un truc professionnel. Deux artistes, deux voix, rien de plus. Mais chaque session, chaque moment partagé, est devenu comme une couleur que je n'avais jamais vue, une intensité qui dépasse le simple studio. Maintenant, cette ligne que j'avais soigneusement tracée entre elle et moi semble floue, presque effacée. Comme si, sans m'en apercevoir, je l'avais franchie, entraîné dans quelque chose qui dépasse la simple collaboration.

Une ligne où la musique n'est plus le seul élément qui nous lie.

Je me revois dans la voiture, après l'avoir raccompagnée. Elle s'est endormie si rapidement. Elle avait l'air si paisible, presque vulnérable, et pendant quelques instants, je me suis surpris à la regarder. Non, pas seulement à la regarder, mais à l'admirer. C'est fou, non ? Cette fille qui, il y a quelques semaines, était une inconnue pour moi, a désormais une emprise inexplicable sur mes pensées, mon esprit, et... mon cœur ?

Je finis par me lever, sentant une impatience me traverser. Chaque seconde allongée là ne fait qu'ajouter à cette confusion qui pulse en moi. Mes pieds touchent le sol froid, m'ancrent légèrement dans la réalité, et je me dirige vers la fenêtre, traînant le pas comme si avancer me pesait. Je fixe les rues en bas, comme plongées dans un calme presque irréel, une tranquillité que rien ne semble pouvoir troubler. L'aube est douce, et pourtant en moi, c'est tout sauf la paix. C'est comme si le monde entier retenait son souffle, à l'affût, tout comme moi.

Bella. Sa silhouette se dessine dans mon esprit, accompagnée de cette façon qu'elle a de s'abandonner à chaque morceau, de laisser ses émotions s'envoler dans chaque note, de s'effacer dans sa propre voix pour offrir au monde quelque chose de rare, de brut. Hier soir... hier soir, c'était plus intense, différent. Elle ne jouait pas seulement. Elle vivait chaque parole, chaque silence. Sa voix, cette intensité dans son regard... j'avais l'impression de voir une part d'elle qu'elle ne montre jamais à personne, et ça m'a retourné. Cette connexion, cette sensation qu'un fil invisible nous liait à cet instant... ça dépassait la musique.