SPENCER'S POV
Les volets, ces fichus volets, ne m'ont jamais vraiment dérangé avant. Ils étaient juste une de ces choses sur ma longue liste de "à réparer un jour". Mais dernièrement, leur dysfonctionnement n'est plus simplement mécanique, il semble avoir pris un tout autre sens. Leurs fentes laissent entrer des rayons de lumière impitoyables qui découpent l'appartement en un damier désordonné de clarté et d'ombre, révélant crûment l'état lamentable du lieu. Ce n'est pas seulement le spectacle lumineux qui me dérange, mais aussi cette fatigue écrasante qui s'accroche à moi, refusant de lâcher prise : ce genre de fatigue qui ne se contente pas de résider dans le corps, mais qui s'infiltre dans l'esprit, s'enroule autour de mes pensées comme une brume épaisse.
Hier soir, je savais déjà que ce matin ne serait pas facile. C'est ce vide intérieur, cette sensation de fatigue qui s'accroche à chaque muscle, chaque nerf qui rend tout ça plus compliqué. Dès que j'ai posé le pied sur cette scène hier soir, je l'ai senti. L'adrénaline montait en flèche, chaque battement de mon cœur se calquant sur le rythme effréné de la musique, chaque note me demandant plus que ce que je pensais pouvoir offrir. C'était exaltant, c'est vrai. Les acclamations, les regards braqués sur moi, l'énergie brute qui vibrait dans la salle – tout ça m'a porté bien au-delà de mes limites habituelles. Mais maintenant l'adrénaline s'est évaporée, et les retombés sont lourds. Une vraie claque dans la gueule.
J'ai aucune envie de sortir du lit. Pourtant, la lumière s'infiltre à travers ces foutus volets cassés, insistante, me poussant hors du lit comme si elle cherchait à me forcer à affronter une journée que je préférerais ignorer. Je reste allongé, les yeux mi-clos, espérant retrouver un peu de cette paix fragile que la nuit avait apportée. Mais mon esprit refuse de se taire. Un chaos tranquille règne, où mes pensées tourbillonnent sans fin, chacune plus lourde et envahissante que la précédente.
Je suis coincé dans ce moment, incapable de m'échapper. Je sais que je devrais bouger, faire quelque chose pour secouer cette lassitude, mais c'est comme si mon corps était cloué au matelas, écrasé par une fatigue que seule la musique semble pouvoir apaiser, et même elle, parfois, semble insuffisante.
Cet appart' est un paradoxe en lui-même : il est trop petit pour contenir les souvenirs que j'essaie de fuir, et pourtant trop impersonnel pour que je m'y sente vraiment chez moi. Chaque centimètre carré est soigneusement ordonné, les surfaces épurées, les objets disposés avec une précision presque maniaque. Tout semble à sa place, à l'exception de ces cartons, relégués dans le passage de mon entrée, intacts, intouchés depuis le jour de mon emménagement.
Ces cartons ne sont pas là par accident ou par simple paresse. Ils sont un choix délibéré, une manifestation physique de mon refus de m'enraciner. Ils contiennent des fragments de ma vie passée, des morceaux de moi-même que je ne suis pas prêt à affronter. Déballer ces cartons signifierait accepter cet espace comme un foyer, et je ne suis pas prêt pour ça. Pas encore.
L'appartement que je partageais avec Lauren me hantait encore, chaque pièce imprégnée de sa présence, de nos moments, bons ou mauvais. Surtout mauvais, en fait. Alors, j'ai fait ce qu'il fallait pour fuir, pour me libérer de ce poids. J'ai quitté cet endroit en hâte, laissant derrière moi tout ce qui pouvait me rappeler ce que j'avais perdu, ou plutôt ce que je n'avais jamais vraiment eu. Je voulais tout effacer, repartir à zéro, mais je ne suis parvenu qu'à créer un vide aseptisé.
Ce nouvel espace, aussi organisé soit-il, est froid, dépourvu de l'âme que je me refuse d'y d'insuffler. En réalité, je ne cherche même pas à m'y sentir bien. Je ne veux pas de ce confort qui viendrait avec l'acceptation de ma nouvelle réalité. Je veux rester en mouvement, ne jamais m'attacher, comme si en restant en suspens, je pouvais éviter de faire face à tout ce que je refuse de voir. Je ferme les yeux.
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𝐁𝐄𝐓𝐖𝐄𝐄𝐍 𝐓𝐇𝐄 𝐋𝐈𝐍𝐄𝐒 ; 𝑎 𝑠𝑜𝑛𝑔 𝑓𝑜𝑟 𝑎𝑛 𝑜𝑡𝘩𝑒𝑟
Любовные романы𝑩𝑬𝑻𝑾𝑬𝑬𝑵 𝑻𝑯𝑬 𝑳𝑰𝑵𝑬𝑺 Maribel n'a jamais connu l'amour, sauf celui de la musique. En tant que compositrice passionnée, elle trouve son bonheur à composer des ballades, sa voix souvent comparée à celle d'un ange. Accompagn...
