Un temps passe, incertain.
Les Dissidents font des allers-retours avec l'extérieur. D'autres se sont assis sur le sol. Maïdib, lui, m'a proposé une chaise et a pris place sur la sienne. Depuis quelques minutes, sans prononcer un seul mot, il fait tourner un couteau sur le bois de la table ; il me regarde souvent. Comme s'il espérait que je puisse lire dans ses pensées.
Ma tête s'est apaisée. Je ne perçois pas encore le crépitement de l'argent sous ma peau, mais je vois mieux, et j'entends tout. On est censé venir me sauver. Je déteste ça. Je devrais être capable de me sauver moi-même.
Et si je volais à Maïdib sa lame pour m'entailler le bras, est-ce que ça ferait venir James ?
Les pas dans l'escalier s'accompagnent de la voix de la Vénérable. Elle descend les marches, un chiffon à la main, suivie de son rhéteur le plus loyal. Celui qui veut m'arracher la tête, donc.
— Maïdib, lance la Chuchoteuse en s'avançant vers notre table.
Sa robe verte est tâchée de rouge, sur le buste, et le bas du voile.
— On va communiquer à la Régence. Ils ne la laisseront pas mourir.
Elle vient de m'indiquer d'un signe de tête, tout en nettoyant ses mains pleines de sangs dans le torchon.
— Tu ne peux pas révéler ton identité, contre Maïdib en se levant de sa chaise.
— Je sais. C'est pour ça que tu t'en charges.
Elle va le sacrifier. Elle lui ordonne sans le prononcer, de se faire passer pour le Chuchoteur. Et la Régence le croira : c'est le fils de Chergui Farass.
Il s'apprête à accepter, je le sais à ses épaules plus hautes et son port plein d'une dignité de soldat, soudain. Quand un fracas résonne à l'étage. Moins étouffé que les bruits de la ville au-dessus de nous. Cette attaque est plus proche.
Aussitôt, les Dissidents bondissent. Tous trouvent les armes à leur taille, les brandissent, et se placent en position de combat. Je saute à mon tour, et agite mes mains. Allez viens, viens Essence, c'est le moment !
Elle vrombit sous ma peau, mais elle ne se déclenche pas. La peur ne suffit pas à me révéler. C'est la haine, et c'est l'amour, mes deux sources de don. Et pour l'instant, je ne hais pas assez.
— Tu sais te battre héritière ? lance Maïdib, en tournant un profil dans ma direction, sans jamais perdre les marches de vue.
— Absolument pas.
— Je suppose que ça aussi, tu me le revaudras.
Il se place alors complètement devant moi, je ne vois plus que son dos, et ses mains, écartées, qui enserrent ses dagues avec menace.
Des bruits de combat, de pas, des cris. Ils sont à l'étage et essayent d'accéder à la cave.
— Il y a une trappe sous la table, m'indique mon étrange ami.
Ami, oui, dans ces circonstances, je ne peux plus le nier.
— Ouvre la pendant que je fais le guet, on va partir quand ils seront occupés à survivre.
Et tout se passe très vite. Des silhouettent surgissent dans l'escalier, tous les Dissidents présents s'y précipitent, et j'en profite pour courir sous la table où j'ai été allongée. Un loquet dans le sol, en fer rouillé, me montre ladite trappe. Je tire dessus, en vain. C'est coincé.
Derrière moi, le combat général a englouti les sons. Que de lames s'entrechoquant, de grognements, d'os frappés. Une main à plat sur le sol pour me donner de la force, je continue de tirer sur ce fichu loquet, sans résultat.
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La troisième Rive, tome II
FantasyTome 2 : La lumière du Grand C A présent, l'élite observe Hélianne Kahn d'un oeil nouveau. Mais si son nouveau statut auprès de la Régence lui assure un avenir radieux, son rôle dans le monde des Passeurs, lui, constitue encore une menace. Qui son...