7. Une bonne rhétorique

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7. UNE BONNE RHETORIQUE






Ma première journée au Stikos de Beleveil fut...instructive.

L'emploi du temps d'un rhéteur n'a rien à avoir avec celui d'un apprenant. La Vénérable chargée de ma promotion, (première année de rhétorique, donc), a accepté de prendre un peu de temps après ses quatre heures d'Enseignement grancien, pour m'expliquer ce que j'ai raté la semaine passée.

Ici, quelle que soit son rang ou son niveau, un rhéteur en Histoire doit être présent huit heures par semaines dans les locaux, pour deux Enseignements de son choix, parmi la liste suivante : linguistique grancienne, Histoire grancienne, Histoire de la Régence, Croyances et Spiritualité, Droits continentaux, et Histoire des Annexes. J'ai sélectionné, d'évidence, Croyances et Spiritualité, et Histoire grancienne. 

Le reste des heures dont une semaine dispose, sont à utiliser pour mener ses travaux de recherche. En l'occurrence, moi, je serai concentrée sur la rédaction des Ecrits Fondateurs. Ou en tout cas, la légende de leur rédaction, puisque personne ici n'est censé savoir qu'ils existent réellement, et que j'en ai aperçu la puissance il n'y a pas trois mois.

A midi, nous avons été libérés de ce cours auquel je n'assisterai plus jamais. Je me suis faufilée hors de la salle réservée à mon niveau, sans prêter attention aux regards qu'on me lançait. J'ai simplement repéré une rhéteur, magnifique, coiffée de longues tresses noires, portant la tenue stikostique avec autant d'élégance qu'une reine du Grand C (c'est peut-être ce qu'elle est, après tout), solliciter l'attention du jeune homme dont le dos m'a indiqué le chemin ce matin.

Elle l'a hélé dans un couloir, où je suivais encore naturellement ses pas :

— Eh, Maïdib ! Tu manges avec nous ?

Le prénommé Maïdib n'a pas daigné se retourner. Il a lâché « sans façoooon ! » d'une voix chantante, avant de disparaître dans un nouveau couloir. Cette fois, je ne l'ai pas précédé. Mais j'ai noté son nom intérieurement.

Puis, en franchissant les portes rondes qui font la beauté de cette entrée, je ne me suis pas étonnée de retrouver deux Indisciples en train de m'attendre sur le trottoir d'en face, un sourire malicieux à leur bouche respective. Ça les amuse visiblement de m'agacer. Ils savent que je n'ai aucune envie de refaire mon trajet à leur côté. Et ils s'en moquent allègrement.

Nous voici donc tous les trois, sous une chaleur inenvisageable, puisque midi vient de sonner dans le ciel, à marcher jusqu'à la demeure du Dem Langlois.

Pour le moment, mes pensées, tournées vers ma rhétorique, sont envahies d'angoisse. Comment vais-je pouvoir, en trois ans seulement, réaliser une étude à inscrire dans l'Histoire continentale, avec pour seul élément de base : « quelqu'un a rédigé deux textes il y a cinq mille ans ». Pertinente idée de recherche, Hélianne.

Il va falloir que je lise tout ce qui a déjà été écrit, que j'étudie chaque rhétorique portant sur le sujet, que je visite les premiers villages ayant eu trace des Ecrivains, que je remonte le temps. Que j'enquête.

J'ai le vertige.

Oui, parce que, d'après ce que m'a dit James, même chez les Passeurs, on ignore complètement qui a rédigé les Ecrits. On les appelle simplement les « Ecrivains » ou, les « Douze des Artres ». Mais c'est tout. On ignore jusqu'à leur nature : continental ou Passeur ?

Et moi, je vais plonger dans cet inconnu, pour en tirer...Eh bien certainement rien.

— Ou un aigle !

— C'était le lié d'un Degré, je crois.

— D'accord, mauvais choix. Bon bah, je reste sur ma première idée. Je prendrai un continental.

La troisième Rive, tome IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant