9. (bis) Les caves à baie de Beleveil (2)

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Nb : le chapitre étant trop long, je l'ai coupé en deux. J'ai repris un peu avant pour ne perdre personne :) 




Cependant, en ces quelques mois de fréquentation, je n'ai entendu parler d'une libération de prisonnier qu'une fois. Un prisonnier dangereux, qui avait mené une guerre sur la Régence, s'était fait prendre et enfermer pour actes terroristes impliquante la mort de civils, et qui, sous les ordres de Chost, s'était vu gracié la fin de sa peine, pour les aider à trouver le nouveau chuchoteur. Son nom... ? Je crois qu'il s'appelait...

— Chergui Farass, complète Maïdib avec une simplicité qui me trouble d'autant plus

— Le...Dissident ?

— Je préfère « révolté ». Mais oui. Tu comptes finir ton verre ou me fixer avec ces yeux de pigeons toute la soirée durant ?

Je pense que ça mérite bien d'en commander un nouveau, en effet.

Je termine le mien d'une traite, appelle le serveur, et ne suis même plus surprise lorsque Maïdib ajoute, alors que je me replace face à lui :

— Tes gardes du corps comptent se joindre à nous, ou est-ce qu'on est tranquille pour discuter ?

Je jette un œil aux trois Passeurs, pris dans une discussion visiblement houleuse, à en juger les gestes vifs de Domi et les sourcils froncés de Kaïkouria. Jahnin, quant à elle, boit sa baie, le regard lassé, comme si les emportements de ses deux amis la fatiguaient quotidiennement.

Je reviens au rhéteur :

— Ils ne viendront pas.

— Pourquoi tu as des gardes du corps ?

— C'est une lubie de mon oncle.

— Qui est ton oncle ?

La Vénérable Kahn n'avait pas de frères et sœurs, je me doute assez qu'un jeune homme comme Maïdib s'est renseigné sur ma filiation, avant ce rendez-vous. J'élude donc :

— C'est du côté de mon père.

— Qui est ton père ?

— Tu poses toujours autant de questions invasives quand tu rencontres quelqu'un ?

— Non, je te l'ai dit : la majorité des gens me désintéressent. Qui est ton père ?

Je soupire, en mêlant l'agacement à l'amusement, je le reconnais. Maïdib est tellement étrange qu'il me divertie. Je repose mon verre et mes coudes, à même la table, pour me pencher vers lui :

— Je ne répondrai pas à tout, déclaré-je, mes yeux plantés dans les siens. Et je veux une contrepartie.

— Je t'écoute, Hélianne Kahn.

— Est-ce que tu vois souvent ton père ?

Maïdib, bien encré dans le fond de la banquette, son bras allongé sur celle-ci, m'observe avec dubitation. Comme si je venais de perdre plusieurs points de quotient intellectuel en une seule question. Il lève un sourcil, plisse le regard, et susurre, déçu par mon évidente stupidité :

— Tu me demandes si j'ai souvent vu mon père au cours des vingt dernières années où il était retenu dans une cellule de haute sécurité sur un autre continent, Hélianne Kahn ?

Effectivement, j'ai manqué de pertinence. Je m'apprête à me défendre de ma bêtise, quand il enchaîne :

— Non, donc, je ne l'ai jamais vu. Hormis de mes zéro à huit mois, mais, bien que mon cerveau soit brillant, je ne conserve pas de souvenirs de cette époque, tu t'en doutes. Enfin, j'espère que tu t'en doutes.

La troisième Rive, tome IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant