16. Retour sur les enseignements
Récapitulons.
Le nez plongé dans mes notes de premier Cycle, je parcours l'Enseignement consacré à la paix du Continent Régent, et en l'occurrence, à l'unique menace territoriale jamais répertoriée chez nous : le mouvement des Dissidents.
Il y a vingt trois ans, une première attaque a marqué de début de la période dite « de terreur » qui a engloutit la capitale, quatre années durant. Un groupe d'anonymes, masqués, s'est introduit à l'Union pour égorger une trentaine d'employés. Ils ont fait connaître leur emblème ce jour-là : un cercle blanc, barré sur le côté, sur un fond noir.
Symbole du globe qu'on raye d'un trait sec. S'ils ont choqué le territoire entier par la violence du massacre, les avis quant à leurs motivations ont divisés. Dem Estrade nous précisait, à ce sujet, qu'il restait aujourd'hui encore de fervents défenseurs de ces opposants au Régime Continental.
Léna m'a d'ailleurs évoqué cela, il y a peu. Harry Harlock estimait leur nombre à 3%. Ici, sur le Régent même.
J'avais pouffé sur l'instant, mais il semble que je doive admettre mon erreur.
Les revendications étaient, somme toute, honorables. La décolonisation du nord du Grand C, la libération des Annexes, la fin du néo-esclavage. Trois éléments que la Régence ne risque pas de changer demain.
Je me souviens de cet Enseignement... Du ton calme et pédagogue de mon Vénérable favori. De son absence de jugement, lorsqu'il déposait sa connaissance dans nos oreilles :
« Ces attaques ont posé la question du « mal faire pour de bonnes raisons ». Comprenez bien que d'un point de vue moral, nous nous devons de condamner les tueries des Dissidents. Les condamner, cependant, ne doit pas nous empêcher de tenter de les comprendre. Comparons, par exemple, le nombre de morts. En quatre ans, les Dissidents ont commis une trentaine d'attaques, qui ont causé la mort de 856 Continentaux. Un chiffre immense, dont la portée vous atteint certainement. »
Le Vénérable a marqué une pause, comme seul lui savait les manier, pour ajouter :
« Et, pendant ces quatre mêmes années, la colonisation du grand C, et l'exploitation des mineries des Annexes, ont – mais c'est une simple estimation- décimé environ six cent mille personnes. »
Il y a eu un débat, houleux, je m'en rappelle, dans notre salle de Premier Cycle. « On ne résout pas la violence par la violence ! » « Mais les gens tués sur notre continent étaient innocents ! » « Les exploités du grand C, aussi ! ».
Et tandis qu'ils élevaient la voix, s'opposaient, se masturbaient de bien-pensance et de démagogie typique du Stikos, je me souviens avoir compté. Ça faisait douze mille cinq cent mort par mois.
Tout ça pour que des Apprenantes comme Maga Kravil puisse porter un manteau à lanières prisé par toute le Stikos ; Nhils des chaussures hermétiques, ou moi, cette stupide écharpe offerte ma mère.
Il n'y a pas que les vêtements, bien sûr. Les bijoux, notre énergie, la nourriture, tout nous vient de l'esclavage moderne sur le grand C. Je dis « moderne », car, depuis la Proclamation de l'égalité des naissances, l'esclavage au sens strict est interdit.
Ethique et Equité se charge d'ailleurs de parcourir les Continents pour vérifier qu'on applique réellement la Proclamation, et que les droits humains sont respectés. Mais la Régence a trouvé de brillantes feintes, à la loi. Et sur le papier, tous ces hommes et toutes ces femmes sont payés.
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La troisième Rive, tome II
FantasiaTome 2 : La lumière du Grand C A présent, l'élite observe Hélianne Kahn d'un oeil nouveau. Mais si son nouveau statut auprès de la Régence lui assure un avenir radieux, son rôle dans le monde des Passeurs, lui, constitue encore une menace. Qui son...