8. L'Essence à l'Horizon

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8. L'ESSENCE A L'HORIZON



Néhala me manque.

Je l'ai rejetée, parce qu'être aimée me paraissait inconciliable avec la mort qui me rongeait, il n'empêche qu'elle me manque. J'espère qu'elle est heureuse. C'est à peu près tout ce à quoi je pense, quand son visage revient me sourire en mémoire.

Il m'accompagne, durant le trajet de retour. Au même titre que les deux insupportables Passeurs qui parlent, et parlent encore, sans jamais m'inclure dans leur échange.

La route devient familière. Le goudron qui s'efface pour se transformer en chemin terreux, les plaines qui s'étalent à l'infini devant moi. La pente. Puis, la demeure de verre, posée là, dans un désert d'herbe sèche, entourée d'un fossé.

Cependant, cette fois, lorsque la maison du Dem apparaît entière, régnant de ses quatre faces lumineuses sur la plaine en contre-bas, une agitation neuve me paraît différente. Les Indisciples la perçoivent également.

Derrière la demeure, des étincelles rouges jaillissent, et des bourrasques de vents dérangent les quelques brindilles jaunes attardées sur la terre.

— Ooooh, elle ne nous attend même pas ! s'exclame Domi.

— Si elle croit qu'elle peut y arriver seule..., se moque Kaïkouria. Je veux voir les dégâts !

Ils accélèrent, je les imite, et bientôt, nous sommes en train de courir. Nous ne passons même pas le chemin, coupant directement dans l'herbe sèche, et sautant par-dessus le fossé.

Si je m'étonnais de ne pas voir Iktou courser mes pas, c'est tout simplement parce qu'elle se trouve de l'autre côté de la demeure. Elle sembler observer quelque cho...

Je me stoppe, net. Les Passeurs à mes côtés font de même. Et je déglutis devant le spectacle.

Araphël est revenu. Et il est clairement en train d'affronter Jahnin dans une sorte de combat d'Essence qui aurait pu me fasciner, si je n'étais pas happée par une tout autre chose, à l'instant.

Son torse, qu'il a dénudé entièrement, pour combattre, sous le soleil plombant, quelques gouttes de transpiration perlant le long de ses trapèzes, ses pectoraux, glissant jusqu'au creux d'une ligne abdominale parfaitement ciselée. J'ai déjà vu le torse d'Araphël, une fois.

Et j'avais subi le même choc esthétique.

Mon cerveau met quelques secondes avant de retrouver ses fonctions. Je secoue la tête, et tente de comprendre ce à quoi j'assiste réellement. Janhin, vêtue de cette tenue sombre qui épouse ses courbes superbement, utilise les gestes. Le deuxième degré de puissance. Face à un Araphël concentré, magnifique, ne portant qu'un pantalon de lin clair, qui n'exécute aucun mouvement.

Lui, n'a pas besoin des gestes. Ses efforts ne sont traduits que par sa respiration, visiblement erratique, à travers des lèvres entrouvertes, gonflées par la chaleur et l'entrainement.

Iktou surveille, derrière lui. Droite, ses quatre pattes bien encrées sur la terre sèche, elle lève la trompe dès que Jahnin bouge. Mais elle ne charge jamais.

— Pourquoi elle est encore debout ? chuchote Kaïkouria, visiblement déconcerté.

— Parce qu'il le veut bien, s'amuse Domi dans un murmure similaire.

Je reporte mon regard sur le « combat ». Janhin semble épuisée. Les traits tirés, ses sourcils roux froncés, elle halète, elle transpire. Face à elle, le rhéteur n'émet aucun mouvement. Un léger sourire, presque imperceptible, fend le coin de ses lèvres pâles.

La troisième Rive, tome IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant