La couleur que je hais

Chapitre 4

Eden, un peu plus tôt.

La journée a été catastrophique. Liam m'avait parlé d'une soirée tranquille où les filles seraient agréables à contempler, sans prises de tête. J'étais venu dans la simple idée de satisfaire quelques pulsions consenties pour repartir dans ma vie quotidienne... J'avais rencontré Bettany ou Cathy, une grande blonde pulpeuse. On avait passé une bonne soirée. Jusqu'à ce qu'elle me harcèle toute la journée.

Ça a commencé ce matin quand elle m'a envoyé un message pour me souhaiter une bonne journée. Son message finissait sur un « bisou mon cœur ». Ça a continué le midi quand j'ai vu qu'elle m'attendait dans mon petit restaurant préféré au coin de la treizième avenue. Comment cette femme pouvait savoir que je m'y rendais tous les vendredis midi, putain ! J'ai aussitôt fait demi-tour en envoyant un message d'excuse à David et sa femme, propriétaires du restau. Je pensais que ne pas répondre à ses messages serait assez clair pour elle... Elle a passé son après midi à m'appeler en laissant des messages vocaux à foison. Je me retrouve avec une messagerie vocale saturée.

Je me suis posé dans notre parc car il était prévu que je le rencontre. Nos échanges se font de plus en plus rares mais nous tentons de nous voir dès que nous le pouvons. Un an que je n'ai pu le revoir mais j'imagine qu'il n'a pas vraiment changé depuis le temps. Aux dernières nouvelles, il était nommé meilleur joueur de hand pour la France. Il a fait un sacré chemin alors que moi... moi j'ai stagné, refusant d'avancer depuis quelques années. Mon regard se porte sur des enfants d'environ une dizaine d'années. Le garçon commence à s'énerver et crie sur la fille plus jeune que lui. Celle-ci semble lui donner une réponse qui rend le gosse fou de rage puisque ce dernier commence à lui tirer les cheveux en lui ordonnant de retirer ce qu'elle vient de dire. Je regarde autour pour voir où son les parents quand mes yeux suivent subitement le corps d'une autre petite fille courir en direction des deux autres. Elle pousse violemment le garçon avant de lui faire littéralement manger du sable. Sous les yeux ébahis de l'autre fille, le garçon hurle de détresse. La sauvageonne se relève, laissant le garçon respirer qui lui hurle qu'elle est folle. En simple réponse, l'autre lui montre un joli doigt avant de tirer son amie par le poignet en s'éloignant.

Je ne peux m'empêcher de ricaner devant cette scène qui me ramène dix ans en arrière durant notre jeunesse. Elle n'était pas aussi physiquement sauvage. Ses farces étaient plus fourbes et quand je tombais dans son piège, elle s'était déjà enfuie depuis longtemps, ne me laissant que la possibilité de me venger plus tard. Je me demande ce qu'elle penserait de cette scène si son frère lui en parlait... peut être qu'elle serait admirative de la gamine en se disant qu'elle n'avait jamais pensé à me faire bouffer du sable.

Une masse imposante se pose à mes côtés sur le banc. Je ne regarde pas le visage de la personne. Je le connais. C'est celui de mon meilleur ami depuis que nous avons quinze ans. Tout comme moi, il a assisté à la scène des gosses et lui, ne manque pas de rire de bon cœur.

« Une chance qu'elle ne fût pas comme ça à l'époque, la remarque de mon ami me fait pouffer de rire.

Au fond de moi j'ai envie de lui demander comment elle va. Qu'est-ce qu'elle devient, est-ce qu'elle traine toujours avec sa blonde ravagée ou si elle cherche encore à me retrouver. Je me retiens. Rien de positif ne peut émerger de tout ça... C'était notre deal il y a dix ans. Je devais m'éloigner. A la place, je prends la parole.

_ Comment tu vas ?

J'ose enfin tourner mon visage pour contempler le facies de mon ami. Il est toujours le même putain d'espagnol prétentieux et je cherche dans son visage des traits plus féminins afin d'imaginer à quoi elle peut ressembler aujourd'hui.

Il me répond qu'il va bien, qu'il a gagné tous ses matchs et qu'il va bénéficier d'un bref répit pour les deux prochains mois.

_ Je vais en profiter pour voir ma frangine. »