La couleur que je hais

Chapitre 16

Eden.

En quatre jours, j'ai appris énormément sur l'établissement dans lequel je suis forcé de travailler et sur mes collègues.

Première chose : Je suis capable de bander juste en entendant Luna remettre à sa place Gérard. La façon dont elle lui a répondu lundi midi était magistral. Après son départ, ce dernier n'a pas pipé mot de tout le repas. J'avais déjà une mauvaise image de lui quand il était venu me parler plus tôt dans la salle des profs quand j'avais suivi Luna après l'avoir vu dans une étreinte avec son élève. Il se ventait de son poste d'enseignant pour les classes Elite. Il avait vu que j'étais un « petit génie des sciences » pour réutiliser ses mots mais que cela ne suffisait pas. Il fallait le savoir pédagogique que lui seul avait acquis pour gérer des élèves de haut niveau. Même si mon poing me démangeait, je ne l'écoutais que d'une oreille distraite. Mon regard était rivé sur cette satanée espagnole. Qu'est-ce qu'elle foutait dans les bras de son putain d'élève ! Quand je suis arrivé à sa salle, on aurait dit qu'ils étaient sur le point de s'embrasser.

Ce qui découle à la deuxième chose : Luna m'évite. Je capte de temps en temps son regard assassin mais elle fait toujours en sorte de ne pas être dans la même pièce que moi. Quand je suis arrivé mardi matin dans la salle des enseignants avant le début des cours, elle préparait sa boisson bien trop sucrée pour un être vivant. Elle me tournait le dos mais à peine avais-je mis le pied dans la pièce que j'ai vu son corps se raidir comme si elle avait senti mon regard. Elle s'est enfuit de la salle en prétextant une urgence. Maude a tenté de la retenir en lui disant qu'elle partait avec un latte simple sans caramel et sans sucre mais la brune s'était déjà volatilisée. Dans la journée, je suis passé de temps en temps devant sa salle toujours ouverte pour remarquer qu'elle n'avait pas touché sa tasse de la journée.

Troisième chose : Maude me fait de plus en plus de rentre-dedans. A ce stade s'en est même indécent. Mercredi, elle est venue dans ma salle pendant une de mes heures de libre pour vérifier si je m'étais bien installé. Elle avait pris soin de fermer la porte derrière elle et en roulant des hanches, avait fait le tour de la salle en laissant trainer ses ongles manucurés sur les surfaces en bois des tables. On aurait dit un félin en chasse. Je la regardais se déhancher, assis à mon bureau quand elle s'est approchée en me regardant dans les yeux. Honnêtement, si elle m'avait offert un strip-tease, cela ne m'aurait même pas étonné. Elle avait plaqué ses mains sur mon bureau en se penchant de manière suggestive vers moi me donnant une visibilité impeccable sur son décolleté. Trop abasourdi par ce qui venait de se passer, je n'ai pas réagi quand elle s'est dirigée vers la sortie, peut-être en s'attendant à ce que je la suive. J'ai appris également qu'elle connaissait mon emploi du temps... elle fait en sorte de me croiser dès qu'elle le peut et ne se retient pas pour initier un contact physique.

Quatrième chose : Les élèves sont mes meilleurs alliés. Grâce à eux, je peux savoir toutes les actualités de l'établissement sans même demander. Cela implique les rumeurs mais aussi les actions de mes collègues. Je sais donc que Gérard, le prof de sciences met mal à l'aise toutes les élèves et qu'à cause de lui, aucune fille de la classe Elite n'ose mettre de jupe où short en ce mois de septembre infernalement chaud. Je sais également que mes doutes sur la relation entre Luna et son élève sont fausses puisqu'Adam est apparemment intéressé par une deuxième année. Je sais aussi que mon espagnole s'amuse à apprendre à ses élèves des insultes et expressions loufoques dans sa langue maternelle. Ça, je l'ai su quand un terminal Ulysse s'est mis à utiliser la magnifique expression « La madre que te parió » qui peut être interprétée par un « putain de merde ». Je sais aussi que madame Alonso, c'est-à-dire Maude, est le plus gros fantasme de mes lycéens. Je ne peux pas leur reprocher, Maude est vraiment bien foutue. Et enfin, je sais que Matéo Collins, prof d'histoire, en pince pour mon Luna mais que celle-ci le repousse poliment depuis deux ans.