Chapitre 28

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Luna, deux ans plus tôt.

Quand je me réveille, je ne sais pas où je suis. C'est devenu une habitude depuis ma dernière hospitalisation.

Je regarde autour de moi pour essayer de reconnaître les lieux mais rien à faire. Les draps dans lesquelles je suis enchevêtrée ne me disent rien. Pas même l'odeur de vieux tabac et d'alcool qui en émane. Le lit, ou devrais-je dire le clic-clac, dans lequel je suis, semble bon marché et les fenêtres n'ont pas de rideaux laissant au soleil une pleine possibilité de me faire chier avec ses rayons. Reprenant peu à peu mes esprits malgré le mal de tête, je me sens étouffer. Quand j'essaie de comprendre pourquoi, je prends conscience de ce bras niché sur mon ventre et une jambe poilue sur ma hanche. Tant bien que mal, je me libère de cette étreinte reptilienne et inspecte le visage de l'homme avec qui j'ai passé la nuit. Nope, je ne le connais pas du tout. Pour ce que ça change...

J'inspecte par sécurité mon entre-jambe et n'y décèle aucune trace d'humidité non désirée. En regardant un peu autour de moi, je constate un préservatif usagé sur le sol et je me détends. Ce n'est pas parce que je fais n'importe quoi avec mon corps que je dois infliger une vie non désirée à un bébé qui n'aura rien demandé. Celle que je veux détruire c'est ma vie, la mienne. Pas celle d'un autre.

Je me rhabille rapidement et détale avant que l'inconnu ne se réveille. Je suis devenue experte avec le temps. Cela fait partie de ma routine : je sors, je bois, beaucoup, je flirte et puis je me fais baiser. C'est la seule chose que j'ai trouvé pour compenser les coupures sur ma peau. Je m'écorche de l'intérieur.

J'ai promis à Alex de ne plus déchirer ce qui me sert de coquille. Il ne comprend pas que cette coquille est vide et que si je la déchire, c'est pour libérer mon âme qui ne désire plus être ici. Mais j'ai promis. Alors je regarde ma peau cicatriser, les plaies extérieures se refermer. Mais je l'incise de l'intérieur. Je pensais que l'alcool ne m'aiderait pas. C'était vrai au début.

Au début, cela m'aidait à revoir mon père alors j'avais arrêté et puis j'ai découvert que si je buvais encore plus, je noyais le souvenir de mon père. Je noyais tout. Je me noyais. Alors je bois, jusqu'à tomber inconsciente. Jusqu'à oublier ce que j'ai fait dans cet état. Et je me laisse baiser. Parce qu'ils ne sont jamais doux, les personnes qui me baisent. Parce que si j'ai promis de ne plus blesser ma peau, eux ne l'ont pas promis.

Je regarde mes poignets striés de lignes rosies, fraichement endolories. Un bracelet bleuté virant au violet décor chacune de mes articulations. Celui-là n'y est pas allé de mainmorte. Ma chair est encore à vif d'avoir été attachée avec une corde en mauvais état. Connaissant mon trauma j'ai sûrement pleuré ou hurlé même si j'étais alcoolisé. Sûre que cela l'a excité. Peu importe. Je ne le reverrais sûrement pas...

Quand je rentre à la maison, maman est assise sur le canapé. Depuis quelque temps, elle semble reprendre des couleurs mais refuse toujours de me regarder dans les yeux. Elle sait que moi, j'ai raison. Elle relève la tête et inspecte mon corps portant les mêmes habits que la veille, chancelante. Elle soupire et retient un sanglot. Je sais ce qu'elle pense. Ce que tout le monde pense. Ça fait deux ans maintenant, je devrais me reprendre et accepter. Sauf que ce n'est toujours pas le cas... Elle tente de me proposer à manger mais je n'ai pas faim. Je n'ai plus faim. J'ai dû perdre beaucoup de poids puisque la plupart de mes vêtements ne me vont plus. Il m'arrive parfois de ne pas avoir la force de lever les bras pour prendre un verre d'eau. Peu importe. C'est ce que je veux. Un jour, quand mon corps n'aura plus de force, il se brisera de l'intérieur et cette fois, je pourrais dormir en paix. Pour une fois, je ne ferais plus de cauchemars ou même l'alcool n'arrive pas à les faire taire.

Je monte les escaliers menant à notre chambre. Je n'ai plus de chambre depuis mon dernier séjour à l'hôpital. Je partage celle d'Alex depuis quelques mois. Ça devait le rassurer... jusqu'à ce qu'il comprenne que je passe toujours la nuit dehors à boire et m'envoyer en l'air. Quand j'entre dans la pièce, je le retrouve dans la même position que ma mère plus tôt sur le canapé. Lui par contre, me regarde dans les yeux. Il me dévisage avec son air inquiet et fatigué. Cet air qu'il porte depuis deux ans maintenant. J'ai tenté de lui dire que s'il me laissait faire, il pourrait reprendre sa vie et guérir mais il refuse. Pour une raison qui m'énerve, il refuse de me laisser partir. Quand j'entends les gens dire que je suis égoïste j'ai envie de rire. Je ne vis pas pour les autres, d'ailleurs, j'ai arrêté de vivre bordel. Personne ne le comprend. L'égoïsme c'est quand on retient une personne de partir alors qu'elle n'a plus aucune raison d'être ici. Cela fait trop longtemps que je suis tombée à terre et je ne me relèverais jamais. C'est ainsi.

La couleur que je haisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant