Chapitre 29

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Luna.

Je suis réveillée par une odeur qui me rappelle les jours où avec Lilly, nous nous faufilions dehors sous la pluie. On adorait sentir l'eau se cracher contre notre peau même si nous tombions toujours malade le lendemain. Les trois jours à vomir et rester au lit n'étaient qu'un simple échange équitable contre un moment de pur bonheur sous l'averse. Encore aujourd'hui, il m'arrive de me jeter dehors sous la pluie mais je ne tombe plus malade. A l'époque, Lilly passait ses journées avec moi. On était alitées dans le même lit et Alex s'amusait à recouvrir la porte de ma chambre de scotch indiquant une zone contaminée. Papa nous préparait des repas légers pour ne pas retourner notre estomac et je me souviens que l'odeur de la banane cuite se frayait un chemin jusqu'à ma chambre. Cette même odeur qui prenait possession de ma maison des années après ce souvenir me vola un sourire.

Je me relève et poursuis l'effluve jusque dans la cuisine où Eden dresse des assiettes. Dès qu'il me voit, il me rejoint et pose sa main fraîche sur mon front. Oh Dios mio, oui ! Il semble satisfait de ma température mais je regrette instantanément qu'il retire sa main. Non pas que je veuille qu'il me touche mais sa peau était si fraiche contre la mienne si chaude... Rangez votre esprit mal placé s'il vous plait.

Il retourne vers les casseroles où il dépose une purée de banane cuite ainsi que du riz dans une assiette qu'il dépose sur l'ilot en granite devant moi. Le même plat que papa...

Je devrais être folle de rage, je devrais être triste et pourtant, une chaleur se loge dans mon cœur. Eden venait toujours quand je tombais malade... Il ne venait pas directement dans ma chambre mais il venait voir mon frère et demandait à rester à la maison prétextant vouloir jouer aux jeux vidéo. Dans les derniers jours de ma convalescence, il déposait toujours une madeleine devant ma porte ou vers le pommier où je grimpais, parce qu'à peine étais-je rétablie que je m'enfuyais dans ce champ comme si l'on m'avait privé d'air et que cet endroit, ce refuge, était mon oxygène.

Tout se chamboule dans ma tête. Ce que je ressens n'est pas logique. Durant ces quatre dernières années, j'ai haï tout ce qui me rappelait mon père. J'ai même détesté cette ressemblance folle entre mon frère et lui. Pendant quatre ans, j'ai eu envie de vomir chaque fois que mon regard croisait un miroir parce qu'en moi, je le voyais lui. Ses yeux vert émeraude, son nez, ses lèvres... tout venait de lui.

Devant mon mutisme, Eden comprend la sonnette d'alarme et revient immédiatement à mes côtés. Un seul pas nous sépare. Un seul pas, qu'il ne franchit pas. Mon cœur se serre quand il m'implore de le regarder. J'ignore pourquoi, comment, mais à la seconde où mon regard plonge dans le sien, un sourire s'étire sur ses lèvres. Je sens mes lèvres mimer les siennes et bientôt nous nous mettons à rire. Peut-être était-ce sous le coup de la nervosité ou de la fatigue ou la maladie... bref mon corps réagissait sans logique et je me retrouvais là à rire pour rien alors que je pensais à mon père la seconde précédente. Non, je dois avoir perdu la tête pour rire.

Le malaise se dissipe instantanément et nous prenons place sur l'ilot pour manger, ensemble en silence. Etrangement, je meurs de faim. Je me jette sur le plat réconfortant de mon enfance sans pouvoir retenir un gémissement de plaisir. Cela le fait pouffer de rire et je l'interroge avec un sourcil arqué.

« Ton frère m'avait dit que cela faisait plusieurs jours que tu n'avais pas mangé correctement. Je suis rassuré de te voir engloutir ton assiette.

_ Ce repas est le plus fade et le plus savoureux que j'ai pu manger depuis des jours, réponds-je en souriant.

Mon commentaire a le succès de lui voler un rire timide et nous finissons mon repas habillé de sourires, de regards et d'un silence que j'apprécie plus que je ne le devrais. En regardant l'heure je me rends compte que je n'ai dormi que vingt minutes, pourtant je me sens tellement plus reposée qu'avec une nuit complète. Il doit être à peine quinze heures.

La couleur que je haisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant