Chapitre 35

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Eden.

Je dois être suicidaire ou débile. Les deux en fait. Oui, c'est forcément ça... parce que rien ne pourrait expliquer ma présence chez les Garcia un mercredi matin – soit le surlendemain de la nuit agitée – pour prendre le petit-déjeuner.

Pour ma défense, je ne viens pas sans y être convié. C'est Alex qui m'a envoyé un message ce matin aux aurores. Il m'a littéralement supplié de venir en renfort dans cette maison remplie de femmes à la répartie tranchante. Je dois avouer que cela ne me surprend pas du tout... Lilly et Luna j'y suis habitué mais je n'imaginais pas Ava être semblable... Parfois j'ai l'impression de voir une mini réplique de ma rivale, sans la beauté qui me fait chavirer. Ça me fait rire de voir qu'Alex n'a tenu qu'une journée au milieu de ces trois furies... s'il pense que ma présence va équilibrer la chose, il se trompe lourdement. Surtout que cet abruti m'a demandé de venir avec ma chienne. Peut-être que Nana fera diversion... J'en sais foutre rien. Je sais juste que je suis qu'un débile pour me pointer ici, avec des viennoiseries. J'ai à peine le temps de me garer que Nana s'impatiente dans la voiture. Elle adore découvrir de nouveaux endroits. J'ouvre la porte arrière et aussitôt, elle saute pour renifler les rosiers qui jonchent la maison des espagnols. Dès qu'il entend ma chienne japper de bonheur, Alex sort de l'habitation pour me rejoindre.

Je passe la palier, accueilli par une odeur douce et familière de gâteau au beurre typiquement espagnol. Alex me voit humer cet effluve et m'indique que sa sœur à préparer du sobao. Nana me suit de très près comme à chaque fois que nous pénétrons dans une maison qu'elle ne connait pas. Mauviette.

Cependant, elle ne reste pas longtemps réservée... dès que nous arrivons dans la cuisine, les têtes se tournent vers moi, surprises, puis dévient sur la chienne et arbore une expression gaga. Luna se jette même de son tabouret pour s'accroupir par terre en prenant une voix trop aiguë pour être agréable en parlant à Nana. Et vous croyez quoi ? Bien évidemment que ma chienne s'est mise à remuer la queue avant de venir vers la démone espagnole pour recevoir mille caresses. Le canidé en profite même pour lécher le visage de la folle aux bêtes. Amusé de la scène, je m'approche de l'ilot pour y déposer les sacs de viennoiseries en constatant que ce n'était pas forcément nécessaire vu tout ce qui a déjà été préparé. Ava vient me saluer et je remarque l'un des carnets préparés par son enseignante dans sa main. La gamine semble s'être déjà acclimatée à son nouvel environnement. Un peu trop peut-être si je m'attarde sur le regard et du sourire en coin qu'elle me lance après avoir regardé Luna. Sale gosse.

Pour ma défense – en fait je n'en ai aucune – je regardais simplement la tenue de ma collègue. Vêtue d'un jean moulant noir et d'un croc-top blanc dévoilant son ventre avec bien évidemment, des manches longues. Alex et Lilly sont forcément au courant... Merde j'en serais presque à en vouloir à mon meilleur ami de ne pas m'en avoir parlé.

Et qu'est-ce que ça aurait changé ? Tu ne serais pas revenu alors cela ne servait à rien de le savoir... tu as choisi de tout fuir pour son bien.

C'est vrai... Je n'aurais rien pu faire...

Lilly rentre, encore vêtue d'un pyjama Winnie l'ourson et les cheveux en bataille. Quand elle me voit, planté au milieu de la cuisine, elle émet le même rire que les psychopathes prêts à commettre un meurtre avant de se diriger vers Alex et le défie du regard sans oublier de lui souffler un petit « fragile ». Luna pince les lèvres pour se retenir de rire avant de se reprendre et de nous inviter à nous assoir pour manger. Puisque chacun semble prendre leur place attitrée je me retrouve face à ma rivale. Au moins j'ai une excuse si jamais je la regarde trop étant donné qu'elle est la première personne que je vois si je lève le nez de mon assiette.

« Hey Alejandro ça fait quoi ? Demande soudainement Lilly après avoir siroté son thé.

Alex lève les yeux au ciel en entendant son prénom en entier mais demande à la blonde d'expliquer ce qu'elle veut dire.

_ Ça fait quoi d'être le seul débile à cette table ?

Je manque de m'étouffer avec mon gâteau et Luna reprend sa meilleure amie quand Ava est hilare et Alex trucide Lilly dans ses pensées.

_ Bah quoi c'est vrai ! Se défend-elle. Regarde : 872 fois 456 ?

_ 397 632, je réponds machinalement en même temps que Luna et Ava tandis qu'Alex nous regarde interdit devant le sourire de Lilly.

_ Ça ne veut strictement rien dire, il répond en fronçant les sourcils.

_ C'est quoi sa racine carrée ? Poursuit la blonde.

_ 19,9249, nous répondons encore une fois instantanément.

Fière d'elle, Lilly se penche vers l'espagnol, un énorme sourire aux lèvres et rajoute en lui tapotant la joue :

_ Ce n'est pas grave mon bichon. Faut de tout dans un monde... même d'abrutis.

_ Parce que toi tu aurais pu répondre à ça ? Demande Ava simplement curieuse et Alex pouffe.

_ Pas du tout, Luna est ma calculatrice ambulante. Moi, mon génie c'est ma beauté, répond avec assurance Lilly et nous mettons tous à rire. »

Cet échange simpliste a le don d'alléger l'atmosphère jusqu'alors gênante. Je ne devrais pas mais je souris car j'ai l'impression de revivre les repas chez les Garcia quand nous étions gosses et innocent. Cela me paraît surréaliste de me retrouver dix ans plus tard ici avec ces personnes qui ont tant compté pour moi. Qui aurait cru que les liens se reformeraient alors qu'aujourd'hui, la peau de Luna est la preuve de ses tourments et de sa dépression, l'inquiétude d'Alex pour sa sœur retranscrit que les dernières années ont été particulièrement éreintantes et moi... et moi mes mains sont tâchées de sang. 

La couleur que je haisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant