La couleur que je hais

Chapitre 33

Luna.

Ce n'est pas vraiment ce que je voulais dire mais j'ai craqué. Cela fait trop longtemps que je retiens ce que je ressens mais je ne voulais pas que cela sorte maintenant et surtout pas en français devant mon élève qui vient de m'entendre révéler trop de chose sur ma relation avec Eden. Et par-dessus tout, malgré ma rancœur envers cet homme, je ne supporte pas son regard blessé, comme s'il se retenait un secret interdit. Comme s'il pouvait m'expliquer chacune de ses actions autrement que par la lâcheté. Pourtant qu'est-ce que cela pourrait être ? Cet homme a juste eu peur de ses sentiments. Il a pris la fuite pour éviter de les avouer. Eden est un lâche qui a préféré me quitter il y a dix ans plutôt qu'affronter mon frère en lui avouant ce qu'il se passait entre nous. Il ne serait pas parti le lendemain sinon...

Pourtant son regard à l'instant me dit tout autre chose et je n'ai pas envie de savoir. Mon cœur n'est pas prêt, il ne le sera jamais. Si je n'ai pas fait le deuil de mon père, j'ai fait le deuil de cet amour pour Eden Williams.

Il hoche la tête, encore sonné de mon accès de colère qui chute indéniablement. Je soupire essayant de me reprendre afin de revenir auprès de mon élève qui nous regarde, interdite. Je m'assieds à ses côtés sur le canapé usé et prend sa main tremblante dans la mienne.

Non, je ne peux décemment pas laisser Ava se débrouiller seule. Pas quand ce qui lui arrive n'est en rien sa faute. J'avais minimisé le danger quand elle était venue me retrouver à la fin de mon cours pour parler. A la fin de la journée, j'étais venue chez elle pour éviter les oreilles trop indiscrètes. Il s'avère que mon élève n'avait pas vraiment été honnête la première fois que je m'étais rendu chez elle. Celle-ci m'avait indiqué travailler pour son propriétaire mais elle n'avait jamais précisé qu'il s'agissait d'un bar à la fréquentation peu recommandable. Une mineure jouant la serveuse dans une tenue plus qu'aguicheuse. Cela ne m'a pas vraiment surprise qu'elle me parle donc de ces hommes lui faisant des avances de plus en plus insistantes. L'homme est un porc par nature.

Après avoir longuement parlé, elle m'avait promis de quitter ce job bien trop dangereux pour elle. Je venais de lui trouver un stage à faire pendant les vacances scolaires : mieux payé et qui figure dans son dossier scolaire et déclaré pour plus tard. Le seul problème étant que le stage ne commencera que pour les vacances d'hiver en février. J'ai passé un nombre incalculable de fois chez Ava pour que l'on fasse les comptes. Elle pourrait largement tenir économiquement jusque-là... mais apparemment j'avais tort. Avant les vacances, Ava m'avait parlé d'un homme rencontré au bar où elle travaillait, qui l'avait suivi quand elle sortait du lycée. Elle avait réussi à le semer avant de rentrer chez elle.

Cet enfoiré avait dû la suivre sans qu'elle ne s'en rende compte. Quand elle m'a appelé un peu plus tôt dans la soirée pour me prévenir que ce connard la suivait, elle m'avait par la même occasion avouée qu'elle avait remarqué le même homme trainant non loin de son domicile. J'avais fait aussi vite que possible pour la rejoindre. Même si la situation actuelle ne s'y prête pas, il faudra que je remercie Eden.

« Ava, tenté-je d'une voix douce et calme, c'est devenu bien trop dangereux ici... non seulement cet homme connaît tes allés venues, mais qui sait ce qu'il te serait arrivé si Eden... je veux dire monsieur Williams, reprends-je en me raclant la gorge en sentant son regard sur moi, n'était pas intervenu.

Elle jette un regard à mon comparse qui acquiesce mes dires en pinçant les lèvres. Le regard de l'élève revient sur moi avant de hocher la tête, resignée.

_ Comment vais-je faire pour le logement, elle reprend en soupirant, les mains sur son visage.

_ Le bail est caduc, intervient Eden ce qui nous fait lever le nez dans sa direction. Il croise les bras avant de reprendre : Tu es mineure et le contrat est signé sous un faux nom. Il est évident que si cela se sait, c'est ton propriétaire qui aura des ennuies et non l'inverse.