La couleur que je hais

Chapitre 34

Luna, 14 ans.

Nous avons repris notre guerre ridicule depuis l'incident des capotes à la sauce piquante. Je me suis trahie, c'est ma faute. Quand je suis rentrée le week-end, Eden était avec mon frère et se déplaçait... étrangement. Je n'ai pas pu m'empêcher de lui proposer le sachet de petit-pois surgelé pour son entrejambe. Il est évident qu'il a compris que ce n'était pas un défaut de fabrication mais bien une diablesse espagnole qui était la cause de ces brulures sur son membre viril.

Depuis ce moment, notre guerre a passé une limite. Si précédemment il s'agissait de farces sans importance qui n'impliquaient que nous, les blagues sont devenues plus vicieuses :

Lancer une rumeur sur une nouvelle espèce de champignon trouvé sur le gland d'Eden qui prolifère dès qu'il est en contact avec un organe féminin ? Check.

Découvrir un faux cadavre dans ma chambre d'internat en indiquant qu'il s'agit de mon dernier amant ? Check.

Se faire passer pour une vieille de quarante balais appelant les filles intéressées par Eden en leur hurlant qu'il est marié ? Je check fièrement juste en repensant aux cris d'effroi des filles.

Être victime d'une rumeur indiquant que je ne souhaite pas goûter aux plaisirs charnels avant le mariage et que cela ne sera uniquement dans le but de faire une ribambelle d'enfants au milieu d'une ferme comprenant six chats, huit chiens et autres animaux ? Check et je reconsidère la partie ferme actuellement. Quoi ! J'adore les animaux.

Mettre en ligne une vidéo d'Eden un lendemain de farce où le jeu était de manger le plus de poulet ultra épicé, coincé aux toilettes en hurlant et implorant qu'on soulage son anus ? Bon dieu check avec plaisir !

Trouver le jour même une photo de moi sur internet, recouverte d'une substance visqueuse dans les cheveux dans mon pyjama pilou ? j'aimerais le nier mais check.

Bref, on s'éloigne de plus en plus de nos farces privées loin du regard des autres et cela se met en travers de nos relations amoureuses. Seulement aujourd'hui, tout cela n'a pas empêché Benjamin de m'inviter à sortir. Je rentre rapidement chez mes parents et passe sous la douche pour me changer.

Je vais voir une adaptation d'Hamlet au cinéma. J'ai déjà vu ce film mais je l'adore. Benjamin le sait ; nous nous connaissons depuis le jardin d'enfance. Nous n'étions pas spécialement proches mais nous avons déjà échangé plusieurs fois. Il a toujours été quelqu'un de réservé adorant les livres, lui aussi. Notre passion nous avait rapprochés malgré mon transfert pour Saint-Anne. Je lui parle depuis plusieurs semaines sur les réseaux sociaux alors je ne vais pas refuser un rendez-vous avec ce charmant blondinet aux yeux vert désormais chargé de muscles.

Je sors de la douche et retourne rapidement dans ma chambre, vêtue uniquement d'une serviette. J'entends des voix que je ne connais que trop dans la chambre de mon frère. Eden est là, bien évidemment. Je roule des yeux et verrouille la porte avant de m'habiller. L'été me permet de mettre en valeur mes atouts. La puberté m'a bien frappé : mes seins ont décuplé comme mes hanches et mes longues jambes caramel attirent le regard à tous les coups. Mon visage s'est légèrement affiné et je le sais, les regards se tournent plus intensément vers moi. Je ne rivalise pas avec la beauté de Lilly mais la mienne n'est clairement pas à plaindre. C'est assez étrange de vouloir être une femme quand tout ce que je souhaitais était de vivre pour lire mes romans.

J'enfile un short en jean s'arrêtant à mis cuisse ainsi qu'un corset vert de la même teinte que mes yeux, dissimulés légèrement sous une veste en cuir. J'opte pour la praticité avec des baskets simples laissant dépasser des chaussettes hautes dépareillées. Être une femme ne veut pas forcément dire toujours sexy, je ne suis pas sotte non plus. Je remonte mes cheveux en une queue de cheval haute et me voilà prête.