Chapitre 26

1 0 0
                                    

Luna.

Je rentre chez moi, le ventre retourné subissant des nausées constantes. Je ne sais pas comment, mais j'ai tenu la journée sans rien montré de mon état, si ce n'est mon visage pâle. J'ai bien attiré l'attention ce midi quand je ne suis pas venue manger avec mes collègues mais cela ne les a pas inquiétés non plus. Il m'arrive parfois d'oublier l'heure du repas quand je suis trop concentrée dans mon travail. J'ai passé ma pause repas à vomir frénétiquement... Quand je suis retournée dans ma salle avec mon bureau tout neuf – puisque l'autre a été détruit dans ma petite guerre avec Eden – j'ai retrouvé une bouteille d'eau fraiche avec une plaquette de médicament pour les nausées. Avec ça, une compote et une madeleine.

Le geste m'a autant touché qu'énerver. Touché parce qu'après dix ans cet abruti reste attentionné. Enervée parce qu'il me connaît beaucoup trop... Il a su. Je ne sais comment mais il a su. Hormis mon frère, ma mère et Lilly, personne n'est au courant de mon autodestruction.

Je rejoins la cuisine où mon frère prépare à manger en chantonnant. Parfois je revois papa en lui. Alex est beaucoup moins carré que notre père mais le voir cuisiner comme il le faisait en chantonnant... mon cœur se serre. L'odeur qui émane des casseroles est alléchante mais j'ai surtout envie de vomir. Quand mon frère ressent ma présence, il m'offre un sourire jusqu'à ce qu'il croise mon regard. Son visage se décompose et je sais très bien ce qu'il pense. Elle a replongé. Je suis bien consciente de l'apparence que j'ai depuis ce matin. Il y a deux ans, je suis allée trop loin pour ne pas avoir d'autres répercutions que des cicatrices sur le corps.

Il délaisse immédiatement la plaque de cuisson et se dirige vers moi, le regard rempli de peur. Ses mains encerclent mon visage et verrouille son regard dans le mien afin de lire en moi. Il ne me fait plus confiance depuis ce jour mais il sait que mon regard ne mentira pas. Il cherche à savoir si j'ai recommencé mais non. Je tente de l'apaiser par un sourire timide et son corps se détend enfin dans un soupir douloureux. Quand il me demande ce qu'il s'est passé, je ne peux qu'hausser les épaules amusées.

« Eden a échangé mon coulis caramel par du gel douche au même goût...

Ses yeux deviennent deux grosses soucoupes et je dois lui répéter trois fois pour que son cerveau comprenne l'information. Si je n'avais pas franchi la limite il y a deux ans, il aurait ri. Mais ce n'est pas le cas... je constate la colère dans ses prunelles. Je pose mes miens sur les siennes toujours plaquées sur mes joues afin de le ramener à moi.

_ Est-ce qu'Eden est au courant ?

Ma question le décontenance mais il secoue rapidement la tête pour me confirmer qu'il n'est au courant de rien... Pas même des marques qui recouvrent ma peau. Dans un sens, cela me rassure. Non pas que je doute de mon frère mais ce dernier m'avait caché pendant dix ans qu'Eden et lui étaient toujours en contact. Alex aurait très bien pu se confier à son meilleur ami durant ma période destructrice. Je sais qu'il se confiait à Lilly mais elle n'était pas Eden, son meilleur ami, son confident.

_ Je... il hésite. Je ne lui ai jamais rien dit Luna. Je sais que tu penses que ... mais je ne l'ai pas...

_ Donc tu sais qu'il ne savait pas que mon corps réagirait ainsi, lui dis-je d'une voix rassurante.

Il hoche une fois de plus la tête avant de pouffer, les larmes aux yeux.

_ Du gel douche ? Putain vous en êtes encore là. J'hallucine. »

Son front se pose sur le mien et nous rions comme si nous n'étions pas brisés. Comme si mon corps n'avait pas réagi ainsi à cause de ma dernière hospitalisation. Deux ans que je ne suis pas retournée à l'hôpital. Deux ans que je survie. Deux ans que j'essaie de ne pas penser à papa au risque de replonger à tout instant. Deux ans que je suis heureuse de voir Alex vivre.

La couleur que je haisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant