Luna.
Que soit maudit le spermatozoïde qui a fécondé l'ovule de la mère Williams !
Mes talons martèlent le sol quand je me dirige vers ma salle de classe. Je commence la journée avec ma classe de première pour deux heures de littérature. Quand j'arrive, mes élèves sont déjà assis et parlent entre eux à voix basse.
Contrairement à mes collègues, je leur fais amplement confiance et ils me le rendent bien. Je ne ferme jamais ma salle de classe. Non pas que je ne désire pas être enfermée avec trente-deux élèves de seize ans ou plus... Je n'aime pas les espaces clos. Je ne peux être dans une pièce si la porte est fermée, même pour ma propre chambre. C'est ainsi depuis qu'Alex et moi avions été enlevés pendant notre enfance.
Lorsqu'ils me voient, ils stoppent immédiatement leurs bavardages et me saluent de la tête. Je leur offre un clin d'œil avant d'attaquer tout de suite le cours. Cette année, plusieurs œuvres sont au programme et nous avons commencé l'année par Les liaisons dangereuses. Un roman épistolaire où deux amants se mettent au défi l'un l'autre. L'une doit dépraver une jeune femme tandis que l'autre doit séduire une femme vertueuse. Lors des premiers cours, nous avions décortiqué ensemble les premières lettres pour les habituer au langage utilisé. Pour aujourd'hui, ils étaient censés lire plusieurs lettres que je leur avais donné au préalable. Je leur demande donc, comme à chaque début du cours, ce qu'ils en ont pensé. Sans attendre, des mains se lèvent. J'en désigne au hasard.
« Si ! Louis ?
_ Je croyais que ça parlait de cul vot'bouquin !
Les autres gloussent et j'appelle mon self-control pour ne pas rire.
_ Primero ! Ce n'est pas mon bouquin et secundo c'est le cas. Tu ne sais juste pas lire entre les lignes et ne comprends pas les allusions.
Ma remarque fait mouche puisque certaines filles de la classe se moquent de ce dernier qui se renfrogne.
_ C'est un livre de 1782, reprends-je en joignant mes mains, appuyée sur mon bureau. A l'époque on n'allait pas juste voir une fille en lui montrant une capote pour l'attirer dans son lit.
Des yeux s'arrondissent et les visages rougissent avant que je ne rajoute, en pointant tous mes élèves du doigt. J'aime les prendre au dépourvu.
_ Et j'espère bien que vous vous protégez ! Bref ! Ce livre relate non pas le fait d'avoir une relation sexuelle mais tout l'intérêt qu'il y a autour de la séduction, vous voyez ?
_ C'est pour ça que Valmont se vante auprès de la marquise ? Intervient une élève.
_ Exactamente ! gracias Emilie ! je m'exclame fière de la remarque. Ce que vous devez prendre en compte n'est pas la finalité des actes que nos deux protagonistes mais de comment ils parviennent à leurs fins. Vale ! Dans toutes les lettres que je vous ai dit de lire. Laquelle, selon vous, explique le mieux la ruse à avoir pour séduire une personne ?
Certains baissent la tête, d'autres regardent dans le vide. Si l'on ne s'attarde pas sur leurs réactions, on pourrait croire qu'ils évitent un contact visuel avec moi car ils ne savent pas ou ne veulent pas répondre. Mais ce n'est pas le cas... ils réfléchissent. Certains osent relire certaines lettres rapidement quand mon regard est interpellé par un visage familier. Ses prunelles chocolat me fixent sans vraiment me regarder et je ressens le conflit qu'il mène intérieurement. Sa magnifique peau métisse est tuméfiée. Je lui lance alors une bouée de sauvetage en l'appelant. Il revient à la réalité et lui fais un signe de tête. Il cligne des yeux plusieurs fois, fouillant dans sa mémoire. Je sais qu'il connaît la réponse car je ne doute aucunement qu'il ait travaillé.
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La couleur que je hais
RomanceJe déteste le bleu. Pas le bleu du ciel, le bleu de l'eau ou le bleu que les gens peuvent faire porter à leur bébé. Je hais un bleu en particulier. Un bleu froid qui me brûle la peau. Un bleu calme et serein qui électrise mes sens. Un bleu aux écl...