Chapitre 49 ❇ Vieille querelle

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Loctus se tenait devant la grande fenêtre de la salle de guerre, contemplant le paysage qui s'étendait à perte de vue. Une imposante table en bois massif dominait la vaste pièce en son centre, parsemée de cartes marines. Des étagères sur les murs regorgeaient de livres, de parchemins et d'anciennes reliques de la piraterie.

Soudain, les portes s'ouvrirent avec fracas, laissant entrer deux capitaines de renom. Le premier, un mastodonte d'une cinquantaine d'années, avait une carrure imposante et des épaules larges, marquées par les années passées en mer. Son visage buriné portait les stigmates de nombreuses batailles, et sa barbe grisonnante lui donnait un air intrépide.

La seconde, plus jeune de dix ans, dépeignait une stature égale à la sienne. Ses muscles saillants témoignaient de sa force brute, tandis que son visage, marqué par les cicatrices du combat, dégageait une aura de danger.

Les deux vétérans de la mer s'effondrèrent sur leurs sièges, une pipe de tabac fumant entre leurs lèvres. L'ennui et l'agacement d'avoir été interrompus dans leurs occupations se lisaient sur leurs traits.

― Par le diable des mers ! J'espère que tu as une sacrée bonne raison de troubler notre quiétude, Loctus, pesta sans détour le capitaine d'âge mûr, croisant ses bottes crottées sur la table de réunion.

Sa compère en fit de même.

Le regard de Loctus demeura fixé sur le paysage, tandis que son exaspération à l'égard de cette réunion était aussi visible que celle de ses interlocuteurs.

― Je n'apprécie guère ce genre de rassemblement autant que vous. Mais je n'avais pas d'autre choix.

La quadragénaire émit un reniflement sarcastique.

― Alors quoi ? Qui a eu l'audace de chercher querelle à notre cobra préféré cette fois-ci, hein ? lança-t-elle d'un ton taquin, accompagné d'un ricanement de son compagnon de table.

― Le Siphonneur a enlevé Saiya.

Les mots, aussi tranchants que des lames, jaillirent de la bouche de Loctus. Leur froideur glaciale figea les deux capitaines dans leur attitude nonchalante. Leurs regards s'entremêlèrent brièvement dans une communication tacite. Ils auraient dû remarquer que l'absence de répartie cinglante de la rousse dès leur arrivée était des plus inhabituelles.

Dans les ruelles tortueuses de Black Wall, chacun connaissait le lien profond qui unissait les deux Allevardiennes, et récemment, avec Ahsan ; les rumeurs, comme des flots impétueux, se chargeaient toujours de divulguer les moindres détails croustillants concernant les habitants de la nation suscitant l'intérêt.

Loctus interpréta leur silence comme une invitation à poursuivre.

― Le Siphonneur l'a capturée pour m'atteindre. Il propose un marché : la vie de Saiya contre un rendez-vous au beau milieu des flots. Bien entendu, je compte m'y rendre rapidement. Mais je sens qu'une bataille maritime des plus sombres se profile à l'horizon.

Le regard, sourligné d'encre noir, de la quadragenaire se plissa, envisageant les implications de cette révélation.

― Des navires ennemis ? supposa-t-elle.

― C'est une possibilité, reconnut le capitaine plus âgé, sa voix grave et rocailleuse résonnant dans la salle.

Il caressa sa barbe noire tressée d'un geste pensif :

― Certains capitaines Drëniens ne rechigneraient pas à s'allier à l'ennemi pour une récompense colossale. C'est une chance inouïe pour eux de t'éliminer et de s'emparer du pouvoir sans avoir à t'affronter au Conrad. Si j'étais à leur place, j'aurais fait de même, ajouta-t-il avec un détachement naturel.

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