Essence Captive

Chapitre 52 ❇ L'Ascension d'Ezra

~ Moment présent ~

Le monde autour de Loctus ne laissait place qu'à ce visage, celui de l'homme qui lui avait volé deux êtres chers, d'abord Aveline puis Holloway. Sa douleur et sa colère fusionnaient en une seule et même entité qui menaçait de la submerger.

Ahsan restait sidéré. Autour de lui, les murmures de l'équipage s'intensifiaient, tandis que les visages des anciens membres de la bande de Drago se déformaient sous le choc.

― Drago... souffla l'un d'eux, ses yeux écarquillés d'incrédulité.

― Impossible... murmura un autre, la voix tremblante, comme si le simple fait de prononcer son nom risquait de le rendre plus réel.

Les murmures persistants finirent par capter l'attention de Drago. D'un coup d'œil, ses iris vairons parcoururent les visages devant lui. Il n'eut aucun mal à reconnaître ceux qui, autrefois, avaient été comme une famille pour lui, partageant ses ambitions dévorantes et son instinct de survie. Les échanges de regards révélaient tour à tour la stupéfaction, la crainte, voire la gêne, face à ce qu'était devenu leur ancien chef.

― On dirait que tu t'es bien occupée des miens après m'avoir gentiment demandé de déserter la nation, asséna-t-il, sa voix dénuée de toute émotion apparente, mais avec une pointe de sarcasme qui ne pouvait être ignorée.

Le silence retomba sur le pont, lourd de sous-entendus. Drago s'attarda ensuite sur Ahsan, au corps tendu comme un arc prêt à lâcher sa corde.

― Et toi, tu dois regretter d'avoir évoqué le joker ce jour-là, hein !

― Je le regrette plus que tu ne pourras jamais l'imaginer, expulsa le pirate. Si j'avais su... Si j'avais pu deviner ce que tu deviendrais, il n'y aurait jamais eu de Siphonneur. Holloway serait toujours en vie, et ces milliers d'innocents que tu as massacrés auraient toujours un souffle.

Drago haussa les épaules comme si tout cela n'avait plus aucun poids pour lui.

Loctus se murait dans le silence, le visage fermé, tandis qu'en elle, une tempête de pensées grondait. Ses souvenirs s'entrechoquaient avec les questions brûlantes et les émotions à vif. Comment cet homme, qu'elle croyait disparu à jamais ou effacé de la carte, pouvait-il se dresser à la barre de son navire ? Non seulement vivant, mais à la tête d'une organisation criminelle redoutée, avec un pouvoir qu'elle n'aurait jamais pu anticiper.

― Comment ?... fut le seul mot qu'elle put enfin articuler.

Drago assimila toute la profondeur de sa question.

― Tu te demandes comment j'ai survécu. Comment je suis passé d'un simple Drënien des rues, à peine plus qu'un enfant abandonné, à un Stormite redouté, frère cadet d'un héritier à la tête d'une des plus grandes fortunes de la République.

La réponse à cette question contenait des vérités qui le dépassaient lui-même encore à ce jour.

― Ce n'est pas une histoire simple... Si quelqu'un m'avait prédit cet avenir, j'aurais éclaté de rire. Pourtant, c'est grâce à ma mère.

Loctus fronça les sourcils.

― Ta mère est morte à ta naissance.

― Oui. Mais avant ça, elle vivait à l'Afrodizia, favorite d'Allevardiens fortunés venus d'ailleurs. L'un d'eux l'a mise enceinte, et voilà comment je suis né. Après sa mort, ils m'ont jeté à l'orphelinat. Mais j'ai vite préféré la rue... jusqu'à toi. La suite, tu la connais.

Une suite qui, depuis, marquait l'esprit de la rousse d'une ombre indélébile, prête à la suivre jusqu'à son dernier souffle.

― Puis tu m'as exilé loin de Drën-Warnoff. J'ai atterri à Storm, et pour survivre, je me suis tourné vers les bas-fonds de la capitale. J'ai monté un nouveau gang, mais cette fois, pour se spécialiser dans le piratage de données et le marché noir. Bizarrement, j'étais plus doué derrière un écran que dans les rues de Black Wall à voler pour survivre. Mon réseau s'est développé, et bientôt, les plus gros cartels faisaient appel à nous. Je m'en sortais bien jusqu'au jour où j'ai rencontré l'un de mes plus gros clients. Un riche héritier des technologies, Edmund Volkov, dont les parents avaient péri dans un accident de voiture. Quand il m'a convoqué pour la première fois, j'ai cru qu'il voulait simplement nos services.