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Ces derniers jours auront porté leurs fruits, d'un côté comme de l'autre. D'étrangers, les deux garçons sont devenus des collaborateurs. Puis à mesure du temps, des discussions, des rigolades et des engueulades, un lien plus pernicieux s'est mis en place : ils sont amis avant même de le comprendre.

Passer de deux rendez-vous par semaine à quatre aurait pu mal tourner. Avec la fatigue inondant ses muscles et son esprit un peu plus chaque jour, Thylan a eu peur d'être froid, bougon, et de faire plus de gaffes qu'habituellement. Naël a craint que sa batterie sociale ne s'épuise plus que de raison et que le chanteur finisse par lui taper sur les nerfs. Pourtant, à mesure que les jours avancent, que leurs sessions se succèdent, ils se détendent et s'amusent.

Leurs entraînements ne se ressemblent jamais. Parfois, ils passent deux heures à choisir des chansons potentielles à travailler, la fois d'après, Naël tente les premiers accords. Thylan chantonne pour accompagner le violoniste dès qu'un couplet semble tenu. Naël apprécie d'autant plus ce qu'il fait avec Thylan, car il peut pratiquer un répertoire complètement différent de celui dont il a l'habitude, et il trouve celui revigorant. D'autres fois, c'est à peine s'ils parlent, Thylan écrivant dans son carnet pendant que Naël joue ses classiques préférés. Une ou deux fois par semaine, le duo joue ensemble, recréant la magie de leur première rencontre. Leurs mélodies s'entrelacent harmonieusement, chaque note de violon trouvant son écho dans la voix de Thylan. C'est dans ces moments que Thylan et Naël semblent trouver un point d'équilibre parfait. Le seul son que Thylan préfère au-delà de l'élégance de la musique de Naël, c'est son rire, doux et rare, devenu un don précieux.

Même les lieux où ils se retrouvent diffèrent. Tantôt le Panthéon, tantôt Chez Pat'. Aujourd'hui, pour se cacher du soleil qui s'affirme en ce début juin, ils se retrouvent au square Louise Michel, près du Sacré Coeur. Quelques jours plus tôt, Naël avait eu le malheur de dire que sa connaissance de Paris se réduisait aux rives de la Seine et à quelques quartiers de la rive gauche.

Crush est la seule constante dans leurs retrouvailles. Tout le temps aussi curieux, énervé et câlin. Il a trouvé un second meilleur ami en la personne de Thylan. Alors qu'il joue avec le petit cocker, avec un os en plastique qu'il lui a ramené, Thylan ne remarque pas qu'on l'observe dans son dos. Là, son violon posé sur ses jambes en tailleur, Naël le considère nouvellement avec une sensation à la fois étrangère et familière dans la poitrine. La tendresse du moment le faisant sourire sans raison. L'aboiement de Crush le ramène à la réalité.

— Ça te dit qu'on s'entraîne sur une nouvelle chanson ?

Le chanteur se désintéresse de Crush devant la demande de Naël. D'habitude, c'est plutôt Thylan qui fait les propositions.

— Oui, avec plaisir. T'as une idée ?

— Tu me donnerais ta chanson favorite ? Que je vois si elle est réalisable de mon côté.

Thylan se mord l'intérieur de la lèvre pour réfréner le sourire d'admiration qui le guette. Penaud, son réflexe est de baisser un instant la tête. S'il plonge dans les yeux de Naël maintenant, il a peur de s'y noyer.

All of Me, John Legend, risque–t–il. Quoi ? demande Thylan après quelques secondes de silence pesant.

Quand il ose relever la tête, il croise un Naël qu'il n'a jamais vu, bouche bée, presque ahuri. Il est si difficile de savoir ce que ressent Naël que Thylan se demande bien ce qu'il a pu dire pour baisser son bouclier de cette manière.

— C'est... c'est également la mienne, l'informe Naël, la voix éraillée.

— C'est incroyable.

— À qui le dis-tu. Je m'étais rendu compte que nos goûts musicaux étaient similaires, mais là...

MelodyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant